INFORMEL DES PISTES POUR FISCALISER L’ECONOMIE PARALLELE
LE PHENOMENE S’EST AGGRAVE AU COURS DE CES TROIS DERNIERES ANNEES LE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL LANCE UNE ETUDE La prévalence de la corruption est due à la perméabilité des contrôles. Quand un conteneur de marchandises de contrebande est saisi par la Douane, combien d’autres échappent-ils au contrôle? La concurrence déloyale générée par l’informel constitue un véritable casse-tête pour la communauté des affaires. En effet, ce fléau est une véritable hydre. A l’image de la créature à sept têtes de la mythologie grecque, l’informel est devenu une gangrène pour l’économie nationale. «Au cours de ces trois dernières années, l’informel n’a jamais été aussi puissant. Dans certains secteurs, comme les fruits secs, il représente pratiquement 90%», dénonce Hammad Kessal, patron de la franchise Rayana Saveurs, spécialisée dans la commercialisation de fruits secs. Pour son estimation, Kessal s’appuie sur les chiffres de l’Office des changes et les données relatives à la consommation locale. En fait, aucun secteur n’est épargné et l’informel prend toutes sortes de formes : sous-facturation, sous-déclaration, contrebande, triche sur l’origine des marchandises, informel partiel… Aujourd’hui, «la part de l’informel s’élève à 46% du PIB contre 15% en Italie et 9% en Suède», affirme Kessal. L’ampleur du phénomène justifie la décision du Conseil économique et social de lancer une étude. Comment en est-on arrivé là ? L’Etat assume la plus grande responsabilité dans la prolifération de ce fléau. Les proportions sont tellement surdimensionnées que les pouvoirs publics se retrouvent incapables d’y faire face. «Les gouvernements qui se sont succédé ont considéré l’informel comme un filet social qui permet à certaines personnes d’avoir des revenus stables et éviter ainsi des troubles sociaux», analyse Kessal, également universitaire. Autre facteur expliquant la prévalence de l’informel, la corruption. Les responsables censés contrôler en amont la contrebande ferment les yeux moyennant des pots-de-vin. Ce qui contribue à inonder le marché local de milliers de tonnes de marchandises provenant de circuits informels. Pourtant, les points d’entrée sont bel et bien connus. La persistance de l’informel est également attribuée à l’exonération fiscale du secteur agricole. Une situation qui pénalise le secteur de l’agroalimentaire et empêche l’émergence d’une industrie forte et compétitive. Ce qui favorise largement la contrebande. Comment peut-on réduire l’impact de l’informel ? Selon les chiffres communiqués par la Direction générale des impôts (DGI), seuls 6.500 opérateurs se sont identifiés pour la première fois auprès de l’administration fiscale. Un chiffre qui reste modeste car plusieurs centaines de milliers échappent à la base de données du fisc. Les incitations fiscales ne suffiront donc pas pour éradiquer le cancer de l’informel. «L’exemple du Portugal pourrait être transposé au Maroc. La lutte contre l’informel était une condition sine qua non pour l’adhésion à l’UE», suggère Kessal. Pour y arriver, les chambres de commerce ont doté gracieusement les magasins de caisses enregistreuses. A la fin de chaque mois, les rouleaux des caisses sont récupérés aux fins de comptabilité. De plus, les clients pouvaient participer à des tombolas dotées de lots intéressants. Du coup, tout le monde a commencé à exiger un ticket. Ce qui a permis de réduire, en cinq ans, la part de l’informel de plus de 40% à 15%. Ceci dit, le consommateur a aussi une part de responsabilité dans la persistance de l’informel. Les associations de consumérisme sont donc appelées à contribuer à la sensibilisation des clients aux risques de l’informel. L’arrivée d’un nouveau gouvernement pourrait marquer le début d’une vraie politique pour éradiquer ce phénomène. L’Etat a besoin de renflouer les finances publiques. Par conséquent, il devra identifier tous les contribuables potentiels. L’une des pistes possibles consisterait à attribuer un identifiant unique à tous les opérateurs, une sorte de numéro d’identité unique. En effet, tant que les opérateurs économiques continueront de se voir attribuer un numéro de patente, un numéro de registre de commerce, un numéro au titre de la CNSS, un numéro de TVA…, le fisc ne pourra jamais repérer les auteurs de l’évasion fiscale. Profession: Contrebandier! L’allègement des conditions de création de société telles que la réduction du capital de la SARL et tout récemment la suppression de cette obligation a permis la création de centaines de nouvelles entreprises, souvent dépourvues de business plan. Des structures qui finissent par grossir les rangs de l’informel. En effet, certaines Sarl se spécialisent dans la contrebande. «Elles achètent des produits sur le marché local contre de vraies factures. Les factures sont ensuite utilisées pour blanchir des marchandises provenant de la contrebande», explique Hamid Kessal, patron Rayana Saveurs. Ce qui représente un manque à gagner en termes de droits de douane, de taxes, d’impôts et génère par la même occasion des fuites de devises. Les marchandises étant souvent directement payées à l’étranger. Aujourd’hui, même des grandes multinationales composent avec l’informel. «Elles vendent leurs articles aux marchés parallèles sans facture. L’objectif étant de faire face à leurs besoins de liquidités», affirme un opérateur économique. SOURCE WEB Par Hassan EL ARIF L’Economiste