Le puzzle de l’UMA remis sur le tapis
Mercredi, 08 Février 2012 12:23 «L’union oui, mais l’union jusqu’au bout». Sur ces mots de Dominique Strauss Kahn, évoquant la question de l’UMA, le préalable à cette construction régionale se dessine. «Pour l’Union du Maghreb arabe, il faut tout d’abord qu’un leadership se dégage et qu’une solidarité maghrébine se mette en place» explique l’ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI). Cette analyse incisive met tout de suite l’accent sur ce qui fait mal. L’UMA ne parvient pas à instituer de leadership et encore moins une solidarité entre ses États membres. Et pour cause «les relations tendues» entre les pays supposés former cette union. Il n’est une surprise pour personne que les deux pivots de cet espace de coopération, à savoir le Maroc et l’Algérie, n’ont eu de cesse de s’opposer pour finalement décider de s’ignorer. Si la dernière visite de Saad Eddine El Othmani, nouveau ministre des Affaires étrangères, a laissé un temps, présager d’éventuelles bonnes nouvelles, la réalité en est jusque-là toute autre. Les frontières Maroco-algériennes resteront fermées jusqu’à nouvel ordre, et l’avenir de l’UMA continuera de vaciller au gré de la discorde qui pèse entre les deux pays. C’est justement sur ce point que pourrait converger le plaidoyer du Président tunisien Mohamed Moncef El Marzouki, en visite aujourd’hui au Maroc. Ces quelques lignes d’analyse qui coïncident avec cette visite diplomatique, ne permettront certes pas d’avancer dans le processus, mais parviendront peut-être à y voir un peu plus clair quant à l’étendue de cet invraisemblable gâchis, que les peuples des deux côtés de la frontière déplorent et que les politiques semblent jusque-là ignorer. Le temps presse Si lon une étude menée récemment par la Banque mondiale, si l’UMA parvenait à s’ériger en véritable bloc commercial, à libéraliser ses services et à instituer un climat des affaires conforme aux normes internationales, le PIB par habitant du Maroc pourrait gagner 38 points et l’Algérie verrait son PIB plus que doubler. La question qui se poserait alors serait de savoir où est réellement le déséquilibre et l’absence de cadre win-win (invoqués par les autorités algériennes) dans la ré-ouverture des frontières, moyen incontournable à la relance de l’UMA ? Les économistes les plus chevronnés n’ont eu de cesse, ces derniers temps de rappeler l’enjeu de cette reconstruction. Les différents forums aux retentissements internationaux, organisés dernièrement au Maroc et réunissant les grosses pointures de ce monde ont rappelé en filigrane le rôle que cette région pourrait jouer dans le nouvel ordre économique mondial. Plus encore, le développement économique du continent africain tient essentiellement à l’intégration régionale, celle-là même qui ne parvient pas à se faire à petite échelle. C’est à juste titre ce que relèvait Mustapha Terrab, patron de l’OCP lors du Forum de Paris organisé en janvier dernier, quand il a considéré que «l’absence d’intégration maghrébine est un défaut de fabrication». C’est dans ce sens aussi que s’inscrit l’initiative tunisienne, à l’aune des propos de son nouveau Président, qui s’attelle à la relance du «processus UMA» pour se retrouver confronté à une réalité répétitive depuis 1994, à savoir, le refus de collaborer. Contexte international oblige, le campement sur de telles positions pourrait se voir remis en question au regard de la forte «pression économique». Le business imposera-t-il sa loi ? Rouvrir les frontières et construire un espace de coopération économique pourrait secouer une économie algérienne, qui depuis un temps est en mode léthargique» souligne Hamid El Ouali, professeur des relations internationales à l’Université Hassan II de Casablanca. Aussi surprenant que ça puisse être, de l’autre côté de la frontière, la vision converge dans ce sens et les Algériens sont nombreux à vouloir activer l’ouverture des postes frontières. Contrairement aux versions officielles, le quotidien algérien Al Watan s’est adonné à un exercice de reportage qui a largement levé le voile sur une réalité, qui n’est autre que l’enthousiasme des Algériens. Ces derniers y voient davantage une aubaine et un coup d'accélérateur au business du pays, notamment frontalier. Aujourd’hui une ville limitrophe comme Maghnia attendrait depuis 18 ans la levée des barrières qui pourrait lui permettre de développer ses activités. Des échanges commerciaux informels se font dans cette région depuis plusieurs années, enregistrant même des records. Pour l’économiste algérien Rachdi : «L’harmonisation des politiques de subvention entre les deux pays freinera les trafics». La nécessité pour les pays du Maghreb d’harmoniser leurs règlementations douanières permettrait d’instaurer une zone de libre-échange. Un opérateur de la ville de Maghnia estime que «la réouverture de la frontière algéro-marocaine créera des opportunités d’investissements pour les entreprises des deux pays, à l’image du partenariat déjà existant entre des PME algériennes et tunisiennes». Un argument pourrait d’ailleurs être ajouté au plaidoyer de Marzouki, exposé aujourd’hui lors de sa visite. En effet, entre ces deux pays une longueur d’avance a été opérée, notamment en ces termes de droits de douane qui ont été largement réduits ces dernières années. Pour l’heure, les citoyens algériens resteraient nombreux à se prononcer en faveur d’une réouverture rapide des frontières comme l’explique un habitant de la ville : «Si les frontières étaient ré-ouvertes, il y aurait plus de travail. Le tourisme à destination du Maroc développerait le commerce. Tout le monde serait content». Ces mots peut-être simples, moins élaborés que ceux des politiques ou encore des économistes chevronnés, traduisent l’imminence du besoin de collaborer, que les politiques devront peut-être prochainement prendre en ligne de compte. SOURCE WEB Les Echos Par Houda SIKAOUI