TO BE OR NOT TO BE TripAdvisor harcèlement, pression... ce site pousse les hôtels à la stratégie du pire
Communicant - MCBG Conseil
LE PLUS. TripAdvisor, c'est peut-être le site sur lequel vous allez quand il s'agit de réserver un hôtel. Basé sur la recommandation des utilisateurs, le principe a de quoi ravir les internautes. Mais les hôteliers et restaurateurs, par peur d'être mal notés, sont en train d'adopter une stratégie de com' contreproductive. Témoignage et analyse du communicant (et usager du site)
Page d'accueil du site TripAdvisor.fr, qui se présente comme "le plus grand site de voyage au monde" (capture d'écran).
TripAdvisor. Le premier réflexe et le dernier recours des voyageurs. Avant TripAdvisor, il fallait acheter une batterie de guides, ou prendre le risque de ne se fier qu'à un seul, ne découvrir vraiment l'hôtel qu'une fois arrivé, avec le risque d'avoir de très mauvaises surprises.
Cela voulait souvent dire arriver, après des heures de voyage, dans un endroit rempli de Français qui avaient tous, comme vous, "Le Guide du Routard" posé sur la table. Peu de choix, peu de bonnes adresses, pas de comparaison possible, une mise à jour laissée au bon vouloir des éditeurs...
Prescriptions de l'internaute
Depuis l'arrivée de TripAdvisor, en 2000, ce modèle du tourisme de masse a vécu. Les internautes peuvent, désormais, se faire une idée par eux-mêmes des hôtels qui leur sont proposés avant de se rendre sur place. Ils ont le choix entre des dizaines de destinations, classées par prix et par un système de notes, basé sur l'appréciation des autres voyageurs. L'actualisation est permanente.
Le succès est tel que TripAdvisor s'affiche de plus en plus dans le monde réel. Pas un hôtel avec un peu d'ambition qui n'affiche, dans son hall, un macaron "recommandé sur TripAdvisor", un "certificat d'excellence" décerné par le site ou la note sur cinq attribuée par les internautes. Des restaurants et des commerces commencent à afficher le logo TripAdvisor sur leurs portes, aux côtés des macarons Michelin ou Zagat. La logique de la recommandation emporte tout sur son passage.
La raison de cet engouement est simple. Les médias ne sont plus prescripteurs. Les guides ne sont plus prescripteurs. Mais un autre internaute, qui a le même vécu que soi, est prescripteur. Surtout en période de crise.
Un système imparable, sauf que...
En nouant un partenariat avec Facebook, TripAdvisor a renforcé cet effet de proximité, et donc de confiance. Si l'on choisit de coupler TripAdvisor et Facebook, les avis qui s'affichent en premier sont désormais ceux de ses amis, ou des amis de ses amis.
Ce système semble imparable. Sauf que... Sauf que, depuis quelques mois, on observe que la machine se grippe. En cause : les hôteliers qui, sous la pression, semblent perdre leurs nerfs et adopter une très mauvaise communication. Une communication de la terre brûlée. Une communication qui est en passe de tuer le modèle TripAdvisor.
Pour l'avoir expérimenté en tant que contributeur sur TripAdvisor, voici les quatre types de réactions d'hôteliers ou de restaurateurs que j'ai reçues à la suite de contributions qui n'étaient pas négatives, mais simplement "moyennes". Moyennes, c'est-à-dire avec des notes de 3 ou de 4 sur 5. Je ne citerai pas les noms des établissements concernés, parce que ces pratiques se sont répétées depuis et qu'il ne s'agit pas de cas isolés.
Harcèlement par courrier privé
Un hôtelier italien ne supporte pas que je dise que son hôtel est plus fait pour les familles que pour les couples. Il m'adresse trois messages en une semaine par la messagerie de TripAdvisor pour me demander de retirer mon avis. Il est insistant. Il devient menaçant.
Je comprends qu'en affirmant que l'hôtel est fait pour les familles je menace sa capacité à attirer les"honeymooners", entendez les jeunes mariés en voyage de noces. Avec un gros budget, l'envie de ne rien se refuser et une tendance à ne pas quitter la chambre – donc à consommer sur place –, ils sont le graal des hôteliers, qui n'hésitent pas à les "upgrader".
Je constate qu'un bouton "signaler un harcèlement" figure dans la messagerie de TripAdvisor, donc que ma situation doit être assez commune. Je me demande combien d'internautes, face à ces pressions, choisissent de retirer leur avis.
Pression amicale
À Paris, je dîne dans un restaurant nouvellement créé. Le marketing promet la lune. Le résultat est décevant, pour une addition très salée. Je l'écris. Là encore, je mets une note moyenne, de 3 sur 5.
Je reçois, par courrier privé, une invitation à revenir dîner avec la personne de mon choix... gratuitement. Gratuitement, enfin presque : je comprends qu'en échange il serait préférable que je retire mon avis du site.
"Flooding"
Je séjourne dans un hôtel situé au fin fond de l'Afrique. Le lieu est fantastique. Je l'écris. J'émets deux ou trois critiques, qui sont en réalité des conseils. Le restaurant est un peu triste. La décoration un peu vieillotte. L'hôtel est situé sur une île magnifique, mais rien n'est prévu pour visiter l'île. C'est une île dont la pêche est l'activité principale et on ne sert pas de poisson à table. Des détails mais qui peuvent agacer, vu le prix des chambres, qui n'est pas donné. Au total, je mets la note de 4 sur 5.
Alors que l'hôtel reçoit peu d'avis en temps ordinaire – il est situé au milieu de la jungle et ne comporte qu'une vingtaine de chambres –, pas moins de trois avis sont postés dans les deux jours qui suivent, tous absolument positifs et qui répondent exactement à mes critiques, parfois avec les mêmes mots. Par exemple : "On pourrait penser que le restaurant est triste. Mais en réalité il est en bois sombre pour rejeter la chaleur à midi."
Les critiques ont visiblement été écrites par l'hôtelier lui-même, avec des profils nouvellement créés. Là, on ne demande pas à l'internaute de retirer son avis. Mais on le "noie" sous un flux d'avis positifs, dont le but est aussi de conserver la moyenne de l'hôtel.
Interpellation publique
En Afrique toujours, un hôtel cumule les problèmes dès la réservation. Le management européen, qui semble débarquer, est désagréable avec les clients comme avec les employés – africains – qui s'en plaignent. Au final, le séjour n'est pas idéal. Je publie une critique, là aussi, avec une note moyenne de 3 sur 5.
En réponse, l'hôtel me répond publiquement, sur TripAdvisor, ce qui est une bonne démarche, mais en me prenant à parti. Tout ce que je dis est faux, selon l'établissement. Ce n'est pas le management qui est désagréable, c'est moi qui suis en tort. Bref, c'est la faute du client.
L'idée est de contre-attaquer, pour discréditer l'avis de l'internaute, éventuellement obtenir son retrait et... dissuader d'autres critiques.
Les hôteliers se tirent une balle dans le pied
Il faut souligner que ces retours n'ont pas été obtenus dans des établissements de mauvaise qualité, mais pour la plupart dans des établissements haut de gamme. Ce qui montre bien le début de panique qui semble s'emparer du secteur.
Le résultat de cette recherche des avis positifs, à n'importe quel prix, c'est que bon nombre d'internautes ne les lisent plus et vont directement consulter les avis "moyens" ou négatifs. Des avis réputés "fiables". Autrement dit, ils ne regardent plus ce que l'on dit de bien sur un hôtel, ils vont directement voir ce que l'on dit de pire sur lui. Avec le risque, une fois sur place, d'être orientés dans leur jugement. En résumé, les hôteliers sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis.
Le plus décevant, dans tout cela, c'est que l'on écrit rarement une critique – quand on est un internaute – pour nuire à un hôtel ou à un restaurant. On cherche en réalité à engager un dialogue. On cherche à être entendu.
Et le vrai ratage de TripAdvisor est là. Dans sa forme actuelle, le site ne permet pas que s'instaure une vraie communication entre les internautes et les hôteliers. Une communication qui profiterait à tous
SOURCE WEB Par Philippe Moreau Chevrolet. L’Obs le +.
Édité par Daphnée Leportois Auteur parrainé par Aude Baron
Tags : Succés de Tripadvisor, la raison de cet engouement est simple, les médias ne sont plus prescripteurs, les guides ne sont plus prescripteurs, mais un autre internaute, qui a le même vécu que soi, est prescripteur, Surtout en période de crise -En nouant un partenariat avec Facebook, TripAdvisor a renforcé cet effet de proximité, et donc de confiance- Harcèlement par courrier privé- Pression amicale-"Flooding" on ne demande pas à l'internaute de retirer son avis. Mais on le "noie" sous un flux d'avis positifs, dont le but est aussi de conserver la moyenne de l'hôtel- L'idée est de contre attaquer, pour discréditer l'avis de l'internaute, éventuellement obtenir son retrait et... dissuader d'autres critiques- le vrai ratage de TripAdvisor est là, dans sa forme actuelle, le site ne permet pas que s'instaure une vraie communication entre les internautes et les hôteliers-