Vue du Maroc, la solidarité avec Charlie Hebdo est à géométrie variable
Les clients de la liberté en rangs dispersés
Vue du Maroc, la barbarie qui a frappé « Charlie Hebdo » et décapité la rédaction de l’hebdomadaire satirique parisien est condamnée sans réserve. Dès les premières heures qui ont suivi l’attentat perpétré dans les locaux du journal et qui a fait 12 morts dont les principaux dessinateurs et caricaturistes fondateurs d’une façon d’être et de penser, la condamnation marocaine s’est exprimée du sommet même de l’Etat. SM. Mohammed VI fera en effet partie des tout premiers chefs d’Etat à adresser un message au président français François Hollande pour dire sa «profonde émotion» devant cet «acte haineux» qu’est «le lâche attentat terroriste» contre le siège de Charlie Hebdo.
Aux premiers instants du carnage de Charlie Hebdo, au Maroc, la Toile s’est mobilisée et a décrété la résistance. Les alertes ont succédé aux témoignages de solidarité. Sur les réseaux sociaux, les Marocains ont adhéré au mouvement mondial « Je suis Charlie », devenu au fil des jours l’ashtag le plus tweeté au monde. Des manifestations de deuil et de solidarité ont été spontanément organisées, à Rabat, Casablanca, Tanger. Devant l’ambassade de France, le consulat, l’Institut français ou l’Agence France presse, journalistes, activistes, intellectuels, artistes, défenseurs des droits humains, associatifs et simples citoyens ont observé des sit in silencieux et dignes pour condamner la barbarie, célébrer l’humanité et rejeter toute forme de stigmatisation ou instrumentalisation. Au « nous sommes tous Charlie », certains ont préféré « nous sommes tous journalistes ». Une manière de dire que c’est la liberté d’expression, la liberté de presse, la liberté tout court qui ont été frappées au cœur de Paris. A Rabat, devant l’ambassade de France ce samedi 10 janvier, les journalistes qui ont répondu à l’appel du Syndicat national de la presse marocaine et de la Fédération des éditeurs de journaux l’ont proclamé haut et fort : à travers l’assassinat de journalistes, c’est la démocratie qui est visée. Cela s’est passé à Paris. Cela peut se produire n’importe où de par le monde…
Pour les socialistes marocains, « un crime contre la liberté de penser et de créer »
Moins de
48 heures après l’attentat de Charlie Hebdo auquel est venue s’ajouter la prise
d’otages de la supérette casher, la rumeur forcément abjecte et intolérable a ajouté
du feu sur les larmes et le sang versés. Sur le digital, l’émotion se nourrit
de l’actualité macabre. Les informations défilent. La rumeur aussi. Des thèses
de complot ont été véhiculées. Dans l’horreur, une nouvelle horreur a atteint
son paroxysme sous forme de doute distillé comme on distille la haine : Et
si tout cela était un vrai faux, une sorte de fake, commandité ?
Vue du Maroc, la barbarie a certes été condamnée. Mais les clients de la
liberté ne sont pas aussi nombreux que l’on peut imaginer. Les partis
politiques n’ont pas été aussi nombreux que cela à exprimer leur solidarité
avec les victimes des attentats de Paris. Le Mouvement populaire et le PJD ont
condamné les attentats de Paris, reprenant les formules d’usage. Deux partis de
gauche, l’un dans la majorité et l’autre dans l’opposition se garderont de
prononcer des condamnations purement formelles et une solidarité de seulement
de circonstances. Le PPS –Nabil Benabdallah aura été le seul leader à avoir
posté une vidéo sur youtube pour condamner la tuerie de Charlie Hebdo- et
l’USFP à travers un communiqué fort de son Bureau politique tenu pour la
symbolique au siège des rédactions de la presse socialiste ont fustigé sans la
moindre ambiguïté ces crimes contre la liberté. Les Usfpéistes ont eu
clairement les mots pour condamner « la pensée criminelle
extrémiste ». Pour les socialistes marocains, c’est le droit à la
différence, le droit à avoir une opinion différente qui est visé pour semer la
terreur. Il ne faut pas s’y tromper, poursuivent-ils : ce qui s’est passé
à Charlie Hebdo est un crime contre la liberté de penser, de critiquer et de
créer. Depuis le camp des modernistes, l’Union socialiste des forces populaires
défend sans réserves ni conditions les valeurs universelles, loin de tout repli
identitaire.
En cette année électorale, des formations politiques de chez nous ont préféré faire profil bas, ne pas trop afficher une solidarité qui risque d’être coûteuse auprès des électeurs. L’affaire des caricatures du Prophète Sidna Mohamed est encore dans tous les mémoires. Pas question de s’aliéner ceux et celles qui condamnent sans réserves la provocation de Charlie Hebdo. Pas question non plus de comprendre que la provocation et l’irrévérence sont inscrites dans l’ADN et la ligne éditoriale d’un magazine qui a toujours voulu faire tomber les tabous. Au silence de certains politiques s’est ajoutée l’annulation de la marche que devaient organiser dimanche partis et société civile à Rabat en solidarité avec les victimes de l’attaque contre Charlie Hebdo. Problème de coordination, soufflent dans un immense euphémisme certains organisateurs. Revirement de formations politiques qui sont dans les enjeux de pouvoirs, affirment d’autres. « Les arguments qu’ils ont présentés sont légers, incohérents, électoraux. Nous voulions cette marche unitaire, contre la terreur et la barbarie et nous la voulions avec toutes les composantes de la société marocaine, même dans les conditions de tension actuelles entre la société civile et le gouvernement. Quoi qu’il en soit, cet ajournement n’a pas réduit la mobilisation: des sit-in sont organisés presque tous les jours par les citoyens et citoyennes révoltés par les actes terroristes et barbares. L’enjeu reste la bataille pour la DÉMOCRATIE. Et aucun acte terroriste ou répressif ne peut ébranler cette conviction et ce choix, parce que, au-delà de toute considération idéologique, LE DROIT A LA VIE EST SACRE, PARCE QUE LE CRAYON SERA TOUJOURS AU-DESSUS DE LA BARBARIE, PARCE QUE LA LIBERTÉ EST UN DROIT UNIVERSEL… » écrit l’associatif Kamal Lahbib sur sa page Facebook.
Quand Mezouar conditionne la
solidarité
Des
partis qui se rétractent. Des voix qui s’élèvent contribuant aux
amalgames : soutenir Charlie Hebdo ne saurait atténuer la force de
l’engagement pour la création d’un Etat palestinien ni réduire l’intensité de
la condamnation sans la moindre réserve des crimes commis par Israël. Ici et
là, on veut conditionner la défense d’un droit universel, celui de la
liberté.
Et justement des conditions, le ministre marocain des Affaires étrangères en a
émis pour participer, dimanche 11 janvier à Paris, à la grande marche
républicaine organisée en hommage aux 17 victimes tombées sous les balles des
terroristes. Salaheddine Mezouar, qui est également le président du Rassemblement
national des indépendants, a fait savoir dans un communiqué de son département
que la participation du Maroc à cette grande marche est conditionnée par la non
représentation de caricatures du Prophète. Une sorte d’un pied ici et l’autre
là-bas dans un grand écart dangereux en ces temps de consolidation de la
démocratie en terre marocaine. « Mezouar sait-il que ces caricaturistes
ont justement été tués à cause de leurs dessins et de leurs crayons ?
Comment peut-il conditionner la solidarité et l’adhésion à des principes
universels ? A moins que ce ministre ne soit dans une posture politique en
conditionnant la participation des officiels marocains, juste pour la
consommation interne », conclut cette activiste très présente sur les
réseaux sociaux.
L’Espace moderniste de développement et de coexistence condamne l'attaque
L’Association « Espace moderniste de développement et de coexistence » a
dénoncé l'attaque terroriste perpétrée mercredi dernier dans les locaux du
journal satirique français Charlie Hebdo à Paris, faisant 12 morts.
Le secrétariat national de l’Association a « condamné fermement l’instrumentalisation de l’Islam pour commettre des actes terroristes et a adressé, en ce moment difficile, ses vives condoléances au peuple français et a exprimé sa compassion et sa solidarité avec les familles des victimes».
Qualifiant cette attaque « d’acte terroriste », l’Espace moderniste de développement et de coexistence a souligné « que de tels actes sont étrangers à la pensée et aux valeurs de tolérance, de coexistence et de paix préconisées par l'Islam".
Pour
l’instauration d’une paix internationale, l’Association a indiqué que «
d’énormes efforts doivent être déployés pour lutter contre le terrorisme
notamment au niveau de la société civile » et a mis en garde contre les risques
de dérives islamophobes.
12 Janvier 201
SOURCE WEB Par Narjis Rerhaye Libération
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