Les investisseurs ne se bousculent plus au portillon du Maroc
Au moment où ils battent des records en Afrique, les IDE à destination du Royaume ont flanché
Alors que le Maroc prétend s’imposer comme une plaque tournante, autrement dit, une passerelle des investissements vers l’Afrique, les flux des investissements directs étrangers (IDE) qui lui sont destinés ont baissé de plus de 15% durant les sept premiers mois de l’exercice en cours, selon l’Office des changes. Cette contre-performance est bien évidemment une mauvaise nouvelle qui est venue s’ajouter à la stagnation des envois des MRE (33,16 MMDH) et au frémissement (4,3%) des recettes touristiques qui sont passées à 30,94 MMDH en ces moments où le pays traverse une conjoncture difficile et où a un besoin important de financements extérieurs.Alors que les IDE à destination du continent africain pourraient atteindre un montant record, le Royaume qui fut –en dépit de la crise internationale- le deuxième réceptacle d’IDE en Afrique en termes de flux, ne semble pas tirer son épingle du jeu durant l’actuel exercice. En fait, pendant que les IDE consacrés au continent, devraient connaître une croissance de 4,8 % en 2014 et 5,7 % en 2015, et pourraient atteindre, en 2014, le montant record de 80 milliards de dollars, selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), notre pays a vu ses recettes d’IDE régresser de 33,9% pour atteindre 17,362 milliards de dirhams (MMDH), selon ledit Office.
N’écartant pas la possibilité de voir le Royaume «constituer une plateforme pour recevoir et exporter les IDE en Afrique», ce qui est déjà le cas pour « plusieurs entreprises multinationales qui y sont installées dans le but de prospecter et réaliser des investissements en Afrique», le président du Forum des économistes marocains (FEM), Zakaria Bennani, nous a précisé, néanmoins, que «cette possibilité resterait lettre morte si les conditions d’investissement restaient inchangées». Ce qui pourrait, dans ce cas précis, représenter un énorme gâchis au vu des «études prospectives qui affirment que la richesse mondiale pourrait y être réalisée dans les années à venir » et font ressortir que le «continent a besoin d’un développement multisectoriel».Cet expert rappelle que «les IDE sont par définition des investissements volatils qui changent de cieux là où il y a un fort potentiel de gain durable», en précisant que cette baisse n’«est pas aussi frustrante mais demeure un indicateur de non performance assez alarmant». Ceci d’autant plus que, selon lui, les facteurs explicatifs de cette contre-performance demeurent les mêmes depuis des années, donnant ainsi la preuve de la médiocrité de l’effort consenti par les autorités de tutelle sur ce plan et l’absence d’une vision claire pour changer la donne.Détaillant les facteurs auxquels cette baisse peut être attribuée, le président du FEM, a mis en exergue des facteurs à la fois internes et externes.Tout en rappelant, à ce propos, que l’économie mondiale est toujours en situation difficile, ce professeur universitaire nous a expliqué que «sa morosité pèse lourd surtout sur les exportations des IDE vers les pays moins avancés comme le Maroc».Sur ce même registre, ce professeur de l’Université Hassan Ier d’Oujda a pointé du doigt la concentration des IDE entre les mains des principaux partenaires économiques du pays, en l’occurrence l’Espagne et la France.
Pour lui, le Maroc est en train de payer le prix de sa dépendance à l’égard de ses pourvoyeurs d’investissements, en particulier cette dernière qui représente à elle seule près de 40% des IDE captés par le Maroc, et qui connaît actuellement une conjoncture économique défavorable. «Ces derniers mois, l’Union européenne, la France et l’Allemagne en particulier, connaissent de sérieux problèmes économiques ; surtout avec la montée spectaculaire des pays du BRICS et l’embargo de la Russie sur les produits européens», a–t-il indiqué. Toutefois, il estime que le malheur de ces pays peut faire le bonheur des autres. «Ces faits peuvent avoir un effet positif sur le Royaume si on arrive à réagir vite et au bon moment afin de vendre les produits made in Morocco et d’attirer des investissements russes», a –t-il précisé.S’agissant des facteurs maroco-marocains, Zakaria Bennani ne s’est pas contenté de rappeler les dysfonctionnements classiques que les spécialistes ne cessent de ressasser, à savoir les «points noirs que sont l’infrastructure, les conditions non favorables à l’investissement étranger (corruption, lourdeur administrative, justice, etc.) et la gouvernance du secteur qui fait défaut», mais il a aussi mis le doigt là où le bât blesse en ce qui concerne la gouvernance de ce dossier. D’après lui, la diversité des superstructures constitue un handicap majeur pour toute stratégie en mesure de changer la donne en ce qui concerne le climat des affaires. En effet, «en plus du ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique, les pouvoirs publics ont créé deux agences de promotion des investissements, à savoir l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI) et le Centre marocain de promotion des exportations (Maroc Export). Deux superstructures qui entravent, selon lui, les possibilités d’avoir une vision unique et claire pour une promotion fructueuse de l’investissement au Maroc. Zakaria Bennani nous a affirmé que «les IDE ne peuvent constituer qu’une phase dans le processus d’industrialisation d’un pays». «Bâtir sa stratégie industrielle sur les IDE», comme c’était le cas pour le Plan Emergence conçu par le think tank américain McKinsey, «ne peut aucunement doter le Maroc d’une économie solide dont les secteurs sont totalement intégrés dans le cadre d’une vision d’ensemble». C’est également le cas de la «Stratégie d’émergence aux écosystèmes performants» du ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie numérique, Moulay Hafid Elalamy, qui table sur la création de 500.000 emplois dans l’industrie à l’horizon 2020, dont la moitié sera créée par des IDE». Et de conclure que ces derniers peuvent, certes, «résoudre de manière relative des problèmes du chômage mais pas ceux de la RD ou du transfert de technologie».
22 Août 2014_SOURCE WEB Par Mohammed Taleb Libération
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