Il y a 69 ans, Hiroshima Les dossiers de l’Histoire L’atome au service de la guerre
Jamais une découverte scientifique n’a été si rapidement appliquée, jamais de tels moyens financiers et humains n’ont été mis au service d’une aventure techno-scientifique. Tout cela dans un seul but: la bombe atomique. Le 6 août 1945 à 2 heures 30 locale, la météo sur Hiroshima étant satisfaisante, le bombardier B 29 Enola Gay décolle de l’aéroport militaire américain de Tinian, dans les îles Mariannes. Le commandant Tibbets, qui s’entraîne depuis des mois à cette mission, est le seul de l’équipage à connaître la nature de la bombe de quatre tonnes qu’il transporte dans ses soutes…
A 8 h 15, la bombe est larguée surHiroshima; elle explose quarante-cinq secondes plus tard, à 600 m d’altitude au-dessus du centre de la ville. Les deux blocs d’uranium 235 qu’elle contient sont violemment projetés l’un contre l’autre par l’explosif ; la masse critique de combustible nucléaire étant atteinte, la réaction en chaîne se propage en un éclair. Les premiers noyaux d’uranium éclatent projetant des neutrons qui vont casser les noyaux voisins, qui émettent à leur tour des neutrons qui déclenchent de nouvelles fissions... La puissance nucléaire s’emballe: 10*24 noyaux d’uranium fissionnent en une cascade de «générations», soit en moins d’un millionième de seconde. Pour la première fois dans l’histoire humaine, la matière se métamorphose en une colossale énergie. La destruction d’un peu plus d’un kilogramme d’uranium libère 60 000 joules, l’équivalent de 13 000 tonnes de TNT concentré dans un tout petit espace La température atteint plusieurs centaines de millions de degrés, la pression plusieurs millions d’atmosphères. La première bombe atomique, que les Américains ont baptisé Little- Boy (petit garçon), a recréé les conditions qui règnent à l’intérieur du Soleil. Mais c’est un soleil de mort. L’énergie née de la fission nucléaire se libère de trois façons: 35 % sous forme d’énergie thermique, 50 % emporté par l’onde de choc et le souffle, et 15 % émis sous forme de radiations nucléaires. Dès le premier millionième de seconde, l’énergie thermique est emportée, dans un flash de lumière blanche éblouissante, par des rayons X qui transforment l’air en une boule de feu - d’environ un kilomètre de rayon et de plusieurs millions de degrés - planant quelques secondes sur Hiroshima, et par une onde thermique qui se propage à la vitesse de la lumière, brûlant tout sur son passage. Au sol, la température atteint plusieurs milliers de degrés sous le point d’impact; dans un rayon de 1 km, tout est instantanément vaporisé et réduit en cendres. Jusqu’à 4 km de l’épicentre, bâtiments et humains prennent feu spontanément ; les personnes situées dans un rayon de 8 km souffrent de brûlures du 3ème degré. Engendrée par la phénoménale surpression due à l’expansion des gaz chauds, une onde de choc se forme et progresse à près de 1000 km/h, semblable à un mur d’air solide de forme sphérique. Accompagnée de vents d’une violence inouïe qui projettent les débris et entretiennent des tempêtes de feu, elle réduit tout en poussières dans un rayon de 2 km. Sur les 90 000 bâtiments de la ville, 62 000 sont entièrement détruits. Le troisième effet de l’explosion nucléaire, le plus spécifique mais pas le moins meurtrier, est le rayonnement. Les radiations issues directement des fissions nucléaires sont constituées principalement de neutrons et rayons gamma. Outre leurs redoutables effets sur les organismes vivants, ils contaminent différents éléments - tels que l’iode, le sodium, le strontium - qui deviennent eux-mêmes radioactifs. Ce rayonnement secondaire, très peu connu il y a cinquante ans, est d’autant plus terrifiant que ses effets (cancers, leucémies... ) n’apparaissent que des jours, des mois, voire des années après l’explosion. Le 9 août 1945, une deuxième bombe nucléaire, au plutonium cette fois, écrase la ville de Nagasaki. Le lendemain 10 août, l’empereur du Japon Hiro Hito capitule sans conditions. Selon les estimations, à la fin de l’année 1945 la bombe d’Hiroshima avait tué 140 000 personnes, celle de Nagasaki 70 000. Des dizaines de milliers de blessés devaient succomber au cours des années suivantes. Les premières réactions de l’opinion, révélées par la presse de l’époque, ont parfois de quoi surprendre, voire choquer l’homme d’aujourd’hui. La population américaine est en liesse. «Une révolution scientifique» titre Le Monde du 8 août; «Une révolution stratégique» annonce Le Parisien libéré du même jour. Mais il faut se replacer dans le contexte : la bombe atomique, c’est d’abord la fin de la guerre et la victoire sur les Japonais. L’horreur atomique n’apparaîtra qu’en suite. En août 1945, on ne dispose que des informations américaines, on ignore encore l’effet des radiations et surtout on sort à peine de six années de guerre, de privations, d’atrocités et de bombardements parfois terriblement meurtriers : l’aviation britannique, en détruisant Dresde, avait fait environ 200 000 victimes en une nuit. Le bombardement de Tokyo avait tué près de 100 000 personnes, et le gouvernement japonais refusait toujours de capituler. Officiellement, la décision d’utiliser les bombes atomiques, prise par le Président américain Truman seul, était motivée par le souci d’épargner les vies humaines qu’aurait coûté l’invasion du Japon. D’autres raisons, moins avouables, s’y sont bien entendu ajoutées : faire une démonstration à l’URSS de la puissance militaire américaine, et aussi utiliser ces armes si révolutionnaires et si efficaces qui avaient coûté deux milliards de dollars aux Etats-Unis. «Une révolution scientifique», la bombe d’Hiroshima fut sans doute également cela, « aussi importante que l’invention du feu «, dira même le physicien Louis de Broglie. Le plus impressionnant est qu’il a fallu moins de six ans pour domestiquer ce feu nucléaire. Treize ans avant Hiroshima, la structure du noyau de l’atome était inconnue ; sept ans avant, on ignorait tout de la fission nucléaire ! La construction de bombes à l’échelle industrielle, quelques mois seulement après la découverte de la réaction en chaîne, constitue un exploit technique inégalé, qui ne fut probablement réalisable, hélas, qu’au nom d’un enjeu militaire majeur. Le compte à rebours commence en 1932, avec la découverte, par l’anglais James Chadwick, du neutron, qui dévoile la structure du noyau atomique: celui-ci est composé de deux types de particules, les protons et les neutrons. En 1934, Irène et Frédéric Joliot-Curie s’aperçoivent qu’en bombardant des noyaux avec des particules on peut en fabriquer de nouveaux, plus lourds et instables: c’est la radioactivité artificielle. L’Italien Fermi se met alors à bombarder systématiquement tous les noyaux jusqu’au plus lourd connu, l’uranium. Ce faisant, Fermi est, sans le savoir, le premier à faire fissionner l’uranium !
Il faut attendre décembre 1938 pour que la physicienne allemande Lise
Meitner et son neveu Otto Frisch, réfugiés en Suède, comprennent que le noyau
d’uranium, bombardé de neutrons, se casse en deux en libérant une énergie
considérable: l’énergie nucléaire. L’effet produit par cette découverte chez
les physiciens est non moins énorme ! Et, immédiatement, apparaît la
possibilité d’une réaction en chaîne, avec ses deux usages possibles: la
production d’énergie – si cette réaction est contrôlée - et la bombe - si on
ne la maîtrise pas. Dès mai 1939, Joliot et ses collaborateurs déposent des
brevets sur la production d’énergie à partir de l’uranium. Mais le physicien
hongrois Léo Szilard, émigré aux Etats-Unis, pressent aussitôt le pouvoir
dévastateur de ces découvertes et, conscient de la menace nazie et du haut
niveau scientifique de l’Allemagne, persuade Einstein d’alerter le Président
des Etats Unis. Dans sa fameuse lettre datée du 2 août 1939, Einstein informe
Roosevelt de l’existence d’une nouvelle forme d’énergie utilisable dans des
bombes, et lui conseille de chercher à se procurer de l’uranium et
d’encourager les recherches. Les événements s’accélèrent à la fin de 1941. Entre temps, en effet, les travaux des physiciens ont montré que quelques kilogrammes d’uranium 235 suffisent pour fabriquer une bombe et qu’il est possible de séparer les isotopes de l’uranium par différentes méthodes physiques. La recherche atomique est totalement réorganisée et, en août 1942, la fabrication de l’arme atomique est confiée à un département placé sous le contrôle de l’armée, avec à sa tête le colonel Groves. Son nom de code: projet Manhattan. D’énormes crédits sont engagés, un programme et un calendrier établis, et on recrute des milliers d’ingénieurs, techniciens et scientifiques, parmi lesquels de nombreux émigrés d’Europe.
Dès le 2 décembre 1942, à Chicago, Fermi construit là première pile
atomique du monde, en superposant des briques d’uranium et de graphite, et la
première réaction en chaîne produit un demi-watt d’énergie ! Trois grandes
piles, industrielles celles-là, sont alors mises en chantier pour la
production de plutonium, ainsi que trois usines chimiques pour séparer ce
plutonium. Ces constructions emploient 45 000 personnes.
Depuis le début de 1944, il était évident que, la défaite de l’Allemagne
étant proche, la bombe changeait de destination: le Japon devenait sa cible.
Certains scientifiques, comme Léo Szilard, exprimèrent leur opposition à son
utilisation ; d’autres, tel Niels Bohr, tentèrent de convaincre Churchill et
Roosevelt d’instaurer un contrôle international. Un conseil scientifique,
constitué d’Oppenheimer et de trois prix Nobel, Fermi, Compton et Lawrence,
est au contraire d’avis d’utiliser la bombe contre le Japon, pour convaincre
le monde du danger qu’elle représente. Mais les sentiments des scientifiques
importent peu ; la décision du Président Truman (qui vient de succéder à
Roosevelt) est prise. A partir de février 1945, les éléments des deux bombes
sont acheminés secrètement vers l’île de Tinian. On connaît la suite. 8/8/2014_SOURCE WEB Par Science & Vie n° 935 avec L’OPINION Tags : A 8 h 15, le 6 Août 1945 la bombe est larguée sur Hiroshima- L’énergie née de la fission nucléaire se libère de trois façons: 35 % sous forme d’énergie thermique, 50 % emporté par l’onde de choc et le souffle, et 15 % émis sous forme de radiations nucléaires- Le 9 août 1945, une deuxième bombe nucléaire, au plutonium cette fois, écrase la ville de Nagasaki- Le 10 août, l’empereur du Japon Hiro Hito capitule sans conditions- à la fin de l’année 1945 la bombe d’Hiroshima avait tué 140 000 personnes, celle de Nagasaki 70 000. Des dizaines de milliers de blessés devaient succomber au cours des années suivantes-l’aviation britannique, en détruisant Dresde, avait fait environ 200 000 victimes en une nuit. Le bombardement de Tokyo avait tué près de 100 000 personnes, et le gouvernement japonais refusait toujours de capituler- Depuis le 9 août 1945, il n’y a plus eu d’attaque nucléaire. Est-ce l’effet de la dissuasion - cette stratégie de l’absurde qui veut que l’on accumule une force terrible pour ne pas oser s’en servir, tout en persuadant l’adversaire qu’on l’utilisera en cas d’attaque- Dès 1954, la première bombe H thermonucléaire (fondée sur la fusion) explose sur l’atoll de Bikini, avec une puissance de 15 mégatone, 1000 fois supérieure à celle d’Hiroshima-
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