Défiscalisation des Pensions de Retraite au Maroc : Une Mesure Symbolique aux Effets Inéquitables
La défiscalisation totale des pensions de retraite de base, adoptée dans le cadre du Projet de Loi de Finances (PLF) 2025, a suscité une euphorie au Parlement et dans les médias. Mais cette réforme, présentée comme un "soulagement historique", semble en réalité loin d’être universelle. Analyse d’une mesure qui profite avant tout à une minorité de retraités du secteur public, tout en épargnant presque totalement ceux du privé.
Une application progressive et ciblée
Le texte adopté en séance plénière prévoit une mise en œuvre progressive : une réduction fiscale de 50 % dès janvier 2025, avant une exonération totale en 2026. Cependant, cette disposition ne concerne réellement que les retraités dont les pensions atteignent ou dépassent 11.000 dirhams mensuels, un seuil largement inatteignable pour les affiliés à la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale), représentant les salariés du secteur privé.
Aucun impact pour la majorité des retraités du privé
Les chiffres sont éloquents : sur les 795.800 pensionnés de la CNSS, seuls 32 individus sont actuellement imposés sur le revenu, car la majorité bénéficie déjà d’une exonération grâce à un abattement forfaitaire de 70 % appliqué aux pensions brutes. En revanche, les retraités du secteur public, affiliés aux régimes CMR (Caisse Marocaine de Retraites) et RCAR (Régime Collectif d’Allocation de Retraite), sont les grands bénéficiaires de cette mesure. Environ 166.800 retraités du secteur public (sur 890.000) verront ainsi leurs revenus augmenter, en particulier ceux percevant des pensions élevées.
Une réforme à l’impact budgétaire contesté
Le coût de cette exonération pour les finances publiques est estimé à 1,2 milliard de dirhams sur deux ans. Ce manque à gagner, financé par l’ensemble des contribuables, pourrait exacerber les inégalités entre les secteurs public et privé. En 2023, la pension moyenne versée par la CNSS était de 1.814 dirhams par mois, contre 5.600 dirhams pour le RCAR et 8.374 dirhams pour la CMR.
Une décision politique aux motivations floues
Bien que cette réforme ait été officiellement portée par des amendements des syndicats, de la majorité parlementaire et de la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc), plusieurs sources parlementaires évoquent une initiative directement pilotée par le gouvernement. Cette réforme, bien que répondant à une revendication syndicale ancienne, semble avoir été structurée pour éviter toute récupération politique, en inscrivant l’amendement au nom de la Commission des Finances.
Une mesure controversée et perçue comme inéquitable
Si l’objectif annoncé est d’améliorer le pouvoir d’achat des retraités, dans les faits, moins de 4 % de la population concernée en bénéficiera, et principalement les retraités les plus aisés du secteur public. Ce dispositif pourrait également renforcer les déséquilibres structurels entre les différents régimes de retraite et accentuer le sentiment d’injustice chez les salariés du privé, doublement pénalisés : exclus des avantages fiscaux, tout en finançant le coût de cette réforme à travers leurs impôts.
Conclusion : Une réforme au goût amer
Bien que présentée comme une avancée sociale majeure, la défiscalisation des pensions de base s’apparente davantage à une mesure symbolique qu’à une réforme équitable. Elle soulève des interrogations sur sa portée réelle et son impact budgétaire, tout en révélant les disparités persistantes entre les régimes de retraite marocains. Un geste coûteux qui, pour beaucoup, risque de creuser davantage les écarts plutôt que de les réduire.
Le 07/12/2024
Rédaction de l’AMDGJB Géoparc Jbel Bani
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