L’éclairage de Adnan Debbarh. La production agricole objet d’inquiétudes
Les changements climatiques mettent à rude épreuve l’ensemble de notre production agricole. Auparavant, les sécheresses cycliques que connaissait le pays affectaient essentiellement la production céréalière concentrée dans les zones bours (non irriguées). Ces dernières années, avec le recul tendanciel de la pluviométrie, même la production des zones irriguées est impactée. L’eau d’irrigation se raréfie. Aux réserves des barrages qui ont connu une baisse, s’est ajoutée une diminution des nappes phréatiques. Dans plusieurs régions, on cherche l’eau plus profondément, au-delà des 300 mètres, sans la trouver en quantité suffisante. La rareté se propage, plusieurs zones dans les plaines de la Chaouia et du Gharb, et la région de Meknès, sont désormais concernées. On croyait le phénomène limité à la région du Souss. L’assèchement des nappes ne surprend plus. L’utilisation de l’eau, sans être optimale, tend vers la parcimonie, ce qui impacte les rendements et leurs qualités.
La cherté des fruits et légumes, depuis deux ans, on l’aura compris, n’est pas étrangère à cette situation. Il est de plus en plus difficile de produire. A cause de la rareté de l’eau principalement, mais aussi à cause de la hausse du prix des intrants: semences, engrais et produits phytosanitaires. L’ammonitrate, engrais azoté utilisé en quantité dans toutes les cultures, est passé de 300 à 1.000 dirhams le quintal en moins de deux ans. Les produits phytosanitaires ont connu une hausse supérieure à 25%. Si nous y ajoutons les hausses des prix des semences et de la main-d’œuvre, produire devient de plus en plus pénible pour l’agriculteur. Ses nerfs, stress hydrique aidant, et sa trésorerie sont mis à rude épreuve.
Cette année s’est adjoint un facteur supplémentaire: le froid, qui n’a pas arrangé les choses. Le Chef du gouvernement, il a été ministre de l’Agriculture, est dans le vrai quand il dit que le froid (il retarde la maturation) empêche d’avoir une production en quantité suffisante à temps et que dans les prochaines semaines, réchauffement climatique aidant, l’approvisionnement des marchés (il s’est focalisé sur la tomate) sera plus important, entraînant une baisse des prix. La baisse des prix sera-t-elle importante? Il est permis d’en douter. La récolte en plein champ débutera au mieux vers la fin du Ramadan, on fera appel, comme l’année dernière, à la production destinée à l’export (produite sous serre) aux coûts de production plus onéreux. Au prix départ exploitation (ferme) qui a connu un renchérissement (cf. supra), il faut toujours ajouter le coût de l’intermédiation/commercialisation qui constitue, en moyenne, les deux tiers du prix payé par le consommateur final. C’est énorme, mais c’est comme ça. Tant qu’un gouvernement n’aura pas le courage «politique» de revoir le circuit de commercialisation des produits agricoles «non subventionnés», le consommateur payera le prix fort. Pourquoi cette réforme tarde-t-elle à voir le jour malgré les recommandations datant de plus de 30 ans de plusieurs chercheurs/enseignants/opérateurs? Recommandations relayées dernièrement, avec quelques imprécisions mineures, par le Conseil économique, social et environnemental. Nous sommes encore une fois face à une «corporation» forte (numériquement et financièrement), composée de grands commerçants, spéculateurs, maraîchers, courtiers, transporteurs, voire même de «caporaux» d’équipes d’ouvriers, maîtrisant toute la filière de la commercialisation et disposant d’une grande «capacité de nuisance», les moyens d’orienter les prix du marché et de bloquer une réforme essentielle pour le devenir du monde agricole.
Avec une majorité aussi large, le Chef du gouvernement va-t-il rendre ce service au monde agricole en s’attelant à ce chantier important? Affaire à suivre.
Revenons aux besoins importants de la population au mois de Ramadan. C’est la deuxième année consécutive qu’une partie de la production destinée à l’export sera réorientée, suite à une décision gouvernementale, vers le marché local. Froid oblige. Avec un mois de Ramadan qui s’approche de l’hiver, nous sommes appelés à connaître cette situation au moins sur une période à venir de six à sept ans. Avec un risque, bien réel, car rencontré par plusieurs exportateurs l’année dernière, de perte de clients étrangers ne comprenant pas cette coupure de leurs approvisionnements, pendant cinq à six semaines, suite à une décision du gouvernement marocain. La perte de marchés étrangers est-elle la solution, sachant que notre marché national est incapable d’absorber une grande quantité de tomates sur l’année?
N’est-il pas plus approprié d’exploiter, rapidement, d’autres possibilités de production dans des sites nouveaux disposant de l’eau et de conditions climatiques adaptées, ce qui nous permettrait de sauvegarder notre export? Trois pistes sont prometteuses. La première consiste à accompagner par «la protection et le soutien» le mouvement d’«internationalisation massive» de PME agricoles marocaines vers la Mauritanie et le Sénégal qui s’est densifié cette année pour produire notamment la pastèque, culture rendue problématique chez nous, aux vues de l’indisponibilité de l’eau dans certaines zones. Cela va permettre à ces PME d’entamer une nouvelle expérience et de ne pas perdre leurs clients en Europe. Initiative à saluer et à encourager. L’installation d’un grand projet agricole au sud de Tiznit utilisant l’eau de mer dessalée ouvre de nouvelles et vastes perspectives de développement pour notre littoral. Ce sont des projets d’envergure, nécessitant une maîtrise technologique qui allient le dessalement de l’eau de mer à l’exploitation agricole et qui permettrons de valoriser toutes nos côtes non destinées au tourisme balnéaire. La troisième piste, plus classique, consiste à valoriser certains sites au sud du Maroc qui disposent encore de nappes phréatiques riches. Notre agriculture, contrainte, élargit ses horizons vers le sud. Ce n’est pas pour déplaire.
Le 11 Février 2023
Source web par : le360
Les tags en relation
Les articles en relation
Doukkala : La flambée des prix des légumes plombe les petites bourses
A l’aube du mois sacré de Ramadan, le prix de la tomate fait tempêter plus d’un. C’est la première fois dans ses annales qu’un légume aussi importan...
Le couvre-feu de 20 H est-il toujours en vigueur ? Attentisme et agacement au sein de l’opinion
Théoriquement, le couvre-feu de 20 H sera-t-il reconduit ou abandonné ? Le silence du gouvernement met le pays dans le flou. Le couvre-feu de 20 h est-il t...
La Fondation Lydec sensibilise au changement climatique
A l’approche de la COP22, la Fondation Lydec a récemment organisé une rencontre rassemblant les parties prenantes de l’entreprise. Ces ateliers de réflex...
#MAROC_TOURISME_GUELMIM: Pourquoi Nadia Fettah Alaoui était à Sidi Ifni et Guelmim
Elle a relevé que sa visite vise également à identifier des projets plus grands et plus importants pour promouvoir le tourisme balnéaire dans cette région,...
#COP26_GLASGOW: Les ministres se réunissent à Milan pour des discussions préalables à la COP 26
La pré-COP s’est ouverte le 30 septembre à Milan, en Italie, en préparation à la COP 26, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ...
Face au stress hydrique, le Maroc s'engage dans un changement de paradigme pour la préservation de
Le Maroc est confronté à un stress hydrique significatif, résultat du réchauffement climatique et de la surexploitation des nappes phréatiques, qui ont gra...
Ramadan : horaire des administrations publiques et collectivités locales
Les horaires de travail dans les administrations publiques et les collectivités locales seront aménagés durant le mois sacré de Ramadan, soit de 09h00 à 15...
La Lune et la Terre : Un duo qui prédit des inondations sans précédent
Selon une étude récente menée par la NASA en collaboration avec l’Université de Hawaï, la Terre est à l’aube de connaître des inondations d’une amp...
Changement climatique Enjeux géopolitiques et Cop 22
Dans les années 70-80, le monde assiste impuissant à une progression nette des déforestations, des désertifications et des fontes des glaces sous l’effet ...
Stress hydrique, la BM fortement engagée dans la région MENA et au Maroc
Parmi les problématiques à caractère environnemental autour desquelles s’active la Banque Mondiale, se trouve bien évidemment la question du stress hydriq...
Stress hydrique: la Banque mondiale appelle à réviser la tarification de l’eau au Maroc pour év
La Banque mondiale a alerté, dans son dernier rapport de suivi de la situation économique au Maroc, sur l’impact de la sécheresse sur l’écosystème nati...
À l'occasion du 10e jour du mois sacré du Ramadan, qui coïncide avec l'anniversaire de la dispari
S.M. le Roi, Amir Al Mouminine, se recueille sur la tombe de Feu S.M. le Roi Mohammed V Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al-Mouminine, accompagné de S.A...