« L’ÉCONOMIE AFRICAINE 2023 » : À REBOURS DES IDÉES REÇUES

L’Agence française de développement publie ce 19 janvier la quatrième édition de son ouvrage de référence « L’Économie africaine 2023 », aux éditions La Découverte. Fruit d’une collaboration étroite entre chercheurs de l’AFD et universitaires spécialistes des États africains, ce document de la collection « Repères » propose un tour d’horizon des grands enjeux économiques et sociaux du continent sur l’année 2022. Avec son lot de surprises.
On peut être surpris tous les jours, même lorsque l’on dirige l’établissement public qui met en œuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale. Tout juste sorti de la lecture de L’Économie africaine 2023, Rémy Rioux, le directeur général du groupe Agence française de développement, rapporte ainsi que « la part de l’approvisionnement alimentaire national issu des importations est de 16 % en moyenne » sur le continent africain, contre 13 % à l’échelle mondiale. Autrement dit, même si « l’insécurité alimentaire est massive », la dépendance alimentaire de l’Afrique est très relative.
Autre sujet d’étonnement révélé par L’Économie africaine 2023, parmi les sept grandes régions d’Afrique, c’est le Grand Sahel qui connaît la croissance la plus forte – à égalité avec l’Afrique de l’Est. Par ailleurs, si l’espérance de vie sur le continent est en moyenne la plus faible du monde, elle a progressé de dix ans entre 2000 et 2019 pour les hommes – les femmes ayant une espérance de vie moyenne supérieure de 2,1 ans à ces derniers.
« L’Économie africaine 2023 » nous livre une analyse approfondie et nuancée des défis auxquels le continent africain est confronté. Plusieurs dimensions y sont abordées, de la sécurité alimentaire au développement du secteur des technologies financières en passant par les évolutions des systèmes de santé ou encore des administrations fiscales. Chacune de ces dimensions est un élément clé pour favoriser une croissance durable et inclusive.
Christian Yoka, directeur du département Afrique de l’Agence française de développement
Au-delà de ces données qui déconstruisent les idées reçues, l’Afrique doit faire face à de nombreux défis. Ainsi, dans le domaine économique, la reprise amorcée en 2021 se poursuivra en 2023 mais « les perspectives de croissance pour le continent restent soumises à de nombreux aléas », notamment climatiques, sécuritaires, sanitaires et politiques.
Le climat en arbitre de la situation économique…
Sur le plan du changement climatique, celui-ci a « d’ores et déjà des impacts négatifs en Afrique, diminuant la croissance économique et creusant les inégalités de revenus entre les pays africains et ceux situés à des latitudes plus tempérées. » Réduction de la productivité des cultures, de l'élevage et des pêcheries, accroissement du stress thermique et donc perte de capacité de travail et risques de mortalité accrue, montée du niveau marin avec risque d’inondation voire de submersion permanente… : les conséquences du réchauffement sont nombreuses et se superposent. Les chaleurs extrêmes, au point d'être ponctuellement « dangereuses pour la vie humaine », pourraient également « devenir la norme » en cas de réalisation du scénario pessimiste de hausse de la température globale de +4 °C, précise en marge de l’ouvrage Marie-Noëlle Woillez, docteure en modélisation du climat et chargée de recherche à l’AFD.
… qui elle-même impacte l'insécurité alimentaire
On l’a vu, l’insécurité alimentaire représente une problématique forte pour l’Afrique, attisée par le dérèglement climatique ou les crises et conflits qui traversent le continent. « Mais attention à la caricature, prévient Bio Goura Soulé, de la Cedeao, qui pointe notamment de grands contrastes sur la malnutrition. » In fine, « l’enjeu ne se situe donc pas, apparemment, tant au niveau de la disponibilité en denrées que dans la capacité des personnes à acquérir des aliments », dans un contexte de « cherté des aliments et de faible pouvoir d’achat », concluent Bio Goura Soulé et Benoît Faivre-Dupaigre de l’AFD, les deux coauteurs du chapitre consacré à l’insécurité alimentaire. À ce besoin de « trouver des emplois pour permettre à une population en forte augmentation de se nourrir » se superpose par ailleurs un paradoxe fort avec l'apparition de l’obésité, créant ainsi un phénomène de « double fardeau » pour certains pays.
Cette quatrième édition de « L’Économie africaine » est publiée à l’âge des conséquences, celui de la superposition des crises longues dont les effets se précipitent, celui du changement climatique et des chocs sanitaires, économiques et géopolitiques de grande ampleur qui frappent l’ensemble de la planète et particulièrement l’Afrique. À l’instar des éditions précédentes, cet ouvrage a été pensé en mode « Tout Afrique », pour appréhender les enjeux africains à leur pleine et juste mesure et dans leur diversité.
Rémy Rioux, directeur général du groupe Agence française de développement
Dans le secteur de la santé, « les défis et les besoins sont immenses ». Entre solutions proposées par les organisations internationales parfois mal intégrées ou gouvernances défaillantes dans lesquelles la santé passe au second plan, « les systèmes de santé restent encore trop centrés sur le curatif », sans prise en compte suffisante de l’avis des populations. Partant, « de véritables changements de paradigmes de politiques publiques passeront par une décolonisation des savoirs et des financements, par une contribution réelle et non instrumentalisée des communautés et des personnes malades concernées, notamment des jeunes, et enfin par un financement public de la santé et de ses déterminants sociaux. »
Le dilemme de l'imposition fiscale
La question des recettes fiscales représente également un enjeu majeur, sur un continent où la diversité des profils fiscaux est immense. Pour les pays aux taux de recouvrement de l’impôt les plus faibles, « nombreux sont ceux qui ont engagé des réformes de leur administration fiscale » avec comme objectif « d’élargir leur assiette et ainsi de bénéficier de plus de ressources pour financer leur développement. » Avec une contrainte : parvenir à augmenter les cotisations sociales sans impacter le fragile mais important système informel.
Enfin, la révolution numérique entraîne une très forte croissance – la plus forte au monde dans ce secteur, même si celle-ci se concentre surtout sur cinq pays en pointe dans ce domaine. La faiblesse infrastructurelle et financière, le cadre législatif disparate, le manque de centres de données implantés sur le continent sont contrebalancés par une inventivité spectaculaire dans la création de solutions numériques. À tel point qu’en Afrique, le numérique commence à « bousculer les normes et la définition même de l’informel » tout en dynamisant une économie non pas autocentrée sur une poignée de gagnants du digital, mais qui produit des biens et services « accessibles à tous ». Au service du développement.
Le 19 JANVIER 2023
Source web par : afd
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