Mort de Mikhaïl Gorbatchev : "L'homme qui a tenté de transformer une dictature en démocratie", estime Jacques Attali
Mikhaïl Gorbatchev est mort mardi à 91 ans. Le dernier président de L'URSS était "homme vraiment libre à l'égard de l'ancien système", estime l'ancien conseiller spécial de François Miterrand.
L'ancien président soviétique Mikhail Gorbachev prononce un discours lors d'une conférenc, le 5 octobre 2009 à Genève. (FABRICE COFFRINI / AFP)
"Mikhaïl Gorbatchev restera dans l'histoire comme l'homme qui a tenté de transformer une dictature en démocratie", réagit mardi 30 août sur franceinfo Jacques Attali, ancien conseiller spécial de François Miterrand, après la mort du dernier dirigeant de l'URSS. Il garde de Mikhaïl Gorbatchev "le souvenir d'un homme vraiment libre à l'égard de l'ancien système". "On n'a pas fait du tout ce qu'il fallait pour l'aider à stabiliser un régime qu'il voulait démocratique. On connaît la suite", explique Jacques Attali.
franceinfo : Quel souvenir gardez-vous de Mikhaïl Gorbatchev ?
Jacques Attali : J'ai eu le privilège de le connaître très vite puisque je l'ai rencontré avec François Mitterrand, quand il était ministre de l'Agriculture et où il a ouvertement critiqué le système soviétique. J'ai gardé le souvenir d'un homme vraiment libre à l'égard de l'ancien système. Après sa prise du pouvoir, il y a eu un moment incroyable lors de la première rencontre avec Mitterrand où on pensait qu'il allait lire une note comme tous ses prédécesseurs. Il a en effet sorti un papier, mais il a pris des notes.
"C'était un vrai moment de bascule historique où on voyait un dirigeant soviétique être libre à l'égard de tout ce qui pouvait lui imposer une ligne."
Jacques Attali, ancien conseiller spécial de François Miterrand à franceinfo
Il avait vraiment choisi une voie qu'il avait murie, qui était celle de maintenir le système de propriété collective et de l'Union soviétique mais d'installer un système démocratique, de progressivement faire disparaître la peur et de ne plus tirer sur la foule. À partir du moment où ceci a été fait, naturellement, le système ne pouvait que s'effondrer. Il a fallu trois ans pour qu'il s'effondre.
Quelles relations entretenait-t-il avec François Mitterrand ?
C'était une relation très complice, très amicale et en même temps très inquiète parce qu'il passait son temps à dire : "Aidez-moi, sinon il va y avoir un coup d'État contre moi". C'est d'ailleurs pourquoi il y a eu un coup d'Etat contre lui dont il a réussi à sortir mais qui n'était qu'une façon de retarder son départ. Ce qu'il n'a pas vu, c'est que son choix d'une démocratie allait remettre en cause l'existence même de l'Union soviétique. Il pensait que l'homo sovieticus existait et que jamais les différentes provinces, l'Ukraine en particulier, deviennent un jour indépendantes.
Comment expliquez-vous son aura à l'international et son impopularité en Russie ?
Peu de gens ont autant mérité que lui le prix Nobel de la paix, car il véritablement tout fait pour cela. La chute du mur de Berlin n'est rien. C'est lui qui l'a faite. À partir du moment où en août 1989, il ordonne au premier ministre hongrois Miklos Németh d'ouvrir la frontière entre la Hongrie et l'Autriche, tous les Allemands de l'Est peuvent passer en Allemagne de l'Ouest et la chute du Mur était déjà une réalité. Mais tout le monde à l'Ouest, en particulier américains, pensait que Gorbatchev était un Soviétique comme les autres.
On n'a pas fait du tout ce qu'il fallait pour l'aider à stabiliser un régime qu'il voulait démocratique. Ensuite, on connaît la suite. Tout s'est défait. Il était un vrai démocrate et les Américains pensaient qu'il était une marionnette qui allait laisser la place à d'autres dictateurs. Ce qui s'est produit, mais parce qu'on n'a pas aidé à réussir la transformation démocratique.
Est ce qu'il restera dans l'histoire ?
Il restera dans l'histoire, certainement détesté par ceux qui auraient rêvé du maintien de l'URSS. Il restera dans l'histoire comme l'homme qui a tenté de transformer une dictature en démocratie. Il était certainement en tout cas dans le sens de l'histoire puisque évidemment, le sens de l'histoire, c'est d'aller vers plus de liberté pour chacun.
SOURCE WBE PAR FRANCEINFO
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