Oueds, nappes phréatiques, barrages… à sec, le Maroc a soif

S’il est un fait bien ancré dans l’esprit des Marocains, c’est que le Royaume est frappé de plein fouet par sa pire sécheresse depuis près de quatre décennies et cette catastrophe en perspective, en fait craindre une autre, celle d’une sévère pénurie d’eau potable au moins cette année, conséquence du changement climatique mais également d’une gestion hydrique inefficace.
Si naguère, la sécheresse -de plus en plus récurrente- dans notre pays, se ressentait loin des zones urbaines, aujourd’hui elle les menace bien plus que les régions rurales et donc le secteur agricole, en touchant de par son approvisionnement en eau potable les villes.
La situation marocaine est symptomatique d’une pénurie d’eau douce au niveau mondial. En effet, cette ressource reste maigre et ne représente que 2,5 % et seulement 0,7 % sont accessibles à l’homme alors que la planète est composée à 70 % d’eau. De plus, c’est mal réparti, 85 % à 90% de la population mondiale habite la partie la plus aride de la planète. Chaque minute, cinq personnes meurent dans le monde parce qu’elles n’ont pas accès à l’eau potable. L’ONU considère par ailleurs que d’ici 2030, la demande en eau aura dépassé de 40 % la production globale. L’eau du coup devient un enjeu environnemental majeur.
A cet effet, mercredi 3 août, même l’Europe y a mis du sien. La Commission européenne a appelé les Etats-membres à faire des efforts pour le traitement des eaux usées et pour leur réutilisation dans le secteur agricole. Mais le phénomène est particulièrement plus crucial dans des pays d’Afrique sub-saharienne et d’Afrique du Nord. Les prévisions pour le Maroc estiment ainsi à 80% la perte de ses ressources en eau dans les 25 prochaines années face au réchauffement climatique.
World Resources Institute (WRI) indique que le Maroc atteindra un niveau de stress hydrique extrêmement élevé d’ici 2040 (le Royaume est aujourd’hui à seulement 500 mètres cubes d’eau douce par habitant et par an, contre 2 500 mètres cubes dans les années soixante alors que le Royaume ne comptait pas plus de 12 millions d’habitants). A titre de rappel, on est en stress hydrique à moins de 1.000 mètres cubes d’eau douce par habitant sur une période d’un an. C’est dire si l’on se trouve dans un seuil critique car désormais la demande en eau dépasse largement nos ressources hydriques disponibles.
L’Exécutif marocain explique cette pénurie par les faibles précipitations. Mais la raréfaction des pluies, liée au réchauffement climatique et la surexploitation des nappes phréatiques sont effectivement des causes significatives de la pénurie d’eau douce dans notre pays. Ce dernier est soumis depuis lurette aux aléas climatiques et subit un sévère déficit pluviométrique depuis septembre 2021 et une baisse alarmante des réserves des barrages de près de 89% par rapport à la moyenne annuelle, selon les statistiques officielles.
Du coup, des villes marocaines, puisent depuis le début de l’année dans la nappe phréatique pour assurer leur approvisionnement en eau douce. Mais jusqu’à quand ? Elle ne se régénère guère, malheureusement. Car l’on épuise les nappes souterraines dont on dépend sans leur laisser le temps de se recharger, on détourne les oueds en fonction de nos besoins sans se soucier des conséquences chez nos vis-à-vis et le Moyen Atlas est un exemple vivant.
Des oueds sont à sec, taris par des activités cupides et peu citoyennes, laissant en état de détresse, population, bétail, faune marine, terrestre et flore. Pour l’urbanisation ou même à des fins agricoles et autres, on draine des zones humides en rejetant les eaux usées dans l’environnement à 80% sans du reste daigner les traiter. Les préoccupations portent alors sur les sources d’approvisionnement à diriger vers des tensions paraissant inévitables.
Récemment le ministre en charge de cette ressource, Nizar Baraka, déclarait que « la forte demande en eau et la surexploitation des nappes phréatiques, contribuent à faire pression sur les ressources hydriques ».
En février dernier le gouvernement constatant les effets dévastateurs de la sécheresse, débloquait à la mi-février un programme d’aide au secteur agricole – premier contributeur du PIB (14%) devant le tourisme et l’industrie et principale source d’emplois en milieu rural – de près d’un milliard d’euros. Cette mesure issue d’une décision royale devrait nous pousser à changer de mentalité ou tout au moins réfléchir autrement vis-à-vis de la question de la gestion de notre eau si rare et si précieuse et la façon dont elle est utilisée.
Tenez ! rien que l’irrigation, les 10% des terres à être irriguées au Maroc, avalent à elles seules, 80% de l’eau du Royaume. Cherchons l’erreur !
Aujourd’hui, le Maroc place ses espoirs hydriques dans le dessalement de l’eau de mer, bien que polluant (saumure), pour remédier au déficit. Mais la plupart des mises en chantier sont confrontées à de curieux retards dirions nous, à l’image de la station de dessalement de la capitale économique « toujours en chantier » alors que Casablanca est menacée d’un déficit en eau dès 2025.
Cela nous amène à reconsidérer la politique des nos barrages qui de leur déficit actuel (un peu moins de 714 millions de m3) menacent, foi de l’ONEP quelques 54 villes marocaines d’un manque d’approvisionnement en eau potable. Un bon nombre de ces barrages, leviers de la sécurité hydrique et qui font notre fierté tombent cependant, sous la menace de la désuétude, l’évaporation, l’envasement par les sédiments fluviaux, le manque d’entretien… et autres petites misères des aléas du temps et du climat et dont les effets négatifs sont indéniablement inexorables.
De cette eau qui se perd on retiendra cette phrase de Mohamed Benata, ingénieur agronome, Dr en Géographie, qui sollicité par Hespress.fr a estimé que « la politique des barrages a, de tout temps, négligé dans tous ses projets, le reboisement des bassins versants. Du coup le sol n’est plus retenu d’où un envasement généralisé. Aussi, pour remédier à l’envasement il est moins couteux (dragage et autres méthodes…) de construire un barrage que de le nettoyer ».
On n’occultera nullement pour conclure, cette allusion écologique de notre fervent défenseur de l’environnement qui aurait pu nous mener vers un autre débat: « Par ailleurs dans aucun barrage au Maroc le débit écologique n’existe pour permettre une vie aquatique et une biodiversité dans nos eaux douces et leurs rives ».
Le 05/08/2022
Source web par : hespress
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