Impact de la guerre Russie/Ukraine : Il est impératif de diversifier les débouchés

Le Maroc a un stock officiel de blé de 5 mois. Le problème ne réside pas au niveau de l’approvisionnement mais du prix d’achat. La moitié des exportations vers la Russie concerne les agrumes. Le passage des exportateurs marocains par SWIFT n’est pas obligatoire.
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine ne serait pas sans impact sur les économies mondiales, et le Maroc n’en serait pas épargné, que ce soit directement ou indirectement. Le commerce entre le Maroc et ces deux pays touche plusieurs secteurs. En 2021 et selon les données extraites de l’Office des changes, le pays a importé depuis l’Ukraine le blé, les tourteaux et autres résidus alimentaires, le maïs, les demi-produits en fer ou en acier non alliés, les matières plastiques…., pour une valeur de 2,7 milliards de DH. En face, il a exporté les engrais naturels et chimiques, les voitures de tourisme, les poissons frais, salés séchés ou fumés et les produits de parfumerie…, d’un montant global de 677 MDH. Parallèlement, depuis la Russie, le Maroc a importé les houilles, les cokes et combustibles solides similaires, l’ammoniac, le gasoil et fuel-oil, l’essence de pétrole, le gaz de pétrole et autres hydrocarbures, l’engrais naturel et chimique, les tourteaux et autres résidus des industries alimentaires. Cela, pour un montant de près de 13 milliards de DH. Les exportations, elles, se sont chiffrées à 654 MDH et englobent principalement les agrumes, les fruits frais ou secs, le sucre brut ou raffiné, les fraises et framboises, les pièces pour voitures et véhicules de tourisme. Dans ce commerce, deux principaux produits se démarquent. Il s’agit du blé importé de l’Ukraine d’un montant de 1,1 milliard de DH et les agrumes écoulés en Russie totalisant 323 MDH, soit près de 50% du total des exportations vers ce pays. Jusqu’à quel point l’approvisionnement en blé et les écoulements des agrumes seraient affectés par la guerre entre ces deux pays ?
Le gouvernement marocain assure, qu’à l’heure actuelle, cette crise n’a aucun effet sur l’approvisionnement. D’ailleurs, Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, avait affirmé qu’il n’y aura ni problème, ni effet sur l’approvisionnement du marché local. Des responsables au ministère de l’agriculture confirment de leur côté, que le Maroc dispose d’un stock officiel de 5 mois ; cela, sans parler de la réserve toujours disponible auprès des agriculteurs. Aucune crainte n’est à ressentir pour le moment. Cependant, la contrainte qui se pose avec acuité, c’est bien au niveau des prix. En effet, le prix du blé, tiré à la hausse par la fermeture des ports en Ukraine, a dépassé les 310 dollars la tonne, sachant que le pays représente environ 12% des exportations mondiales de blé. Avec ce niveau élevé des cours, l’achat du blé devra peser lourdement sur le budget de l’Etat et, partant, contribuer au creusement du déficit budgétaire. Il est toutefois important de signaler que les importations marocaines en blé ne sont pas fortement dépendantes de ce pays. Les responsables contactés nous assurent qu’environ 20% des importations de ce produit alimentaire proviennent de la Mer noire, le reste, soit 80%, provient d’autres pays, comme la France.
33% des écoulements des agrumes vont vers la Russie
Qu’en est-il maintenant des exportations des agrumes vers la Russie ? Rappelons que la moitié des exportations marocaines est constituée d’agrumes et que la Russie est le 2e marché après l’Union Européenne avec un volume de 33% des écoulements. Si la situation dégénère, le Maroc pourrait faire face à un risque élevé de perte d’un des principaux clients de cette culture. Un responsable contacté pointe, pour l’heure, trois grandes difficultés découlant de ce conflit. La première tient à la monnaie russe, qui s’est fortement dépréciée face au dollar. «Avec un dollar échangé contre 112 roubles, un risque de perte de 30% au moins des recettes libellées en dollar est à prévoir, puisque l’importateur devra limiter ses importations qui deviendraient plus chères à payer», explique notre professionnel. La deuxième contrainte se rapporte, quant à elle, au coût du transport qui devrait davantage augmenter, sachant qu’il est déjà mis à mal en raison des conséquences de la pandémie. Cela, en plus de certaines appréhensions concernant une éventuelle difficulté d’accès aux ports russes. «Cette situation a amené certaines sociétés spécialisées dans le fret maritime à suspendre leur activité, en attendant davantage de visibilité sur l’avenir de ce conflit», se désole notre source.
CIPS, une alternative au SWIFT
La 3e complication, elle, concerne le paiement des exportateurs marocains par leurs clients russes, notamment suite à l’éviction de plusieurs banques russes du système SWIFT. Ce système «Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication» est l’un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financière. Il assure plusieurs tâches, dont le transit des ordres de paiement entre banques, les ordres de transferts de fonds de la clientèle des banques, ainsi que les ordres d’achat et de vente de valeurs mobilières. La Russie serait le 2e pays après les Etats-Unis en nombre d’utilisateurs avec quelque 300 banques et institutions russes membres du système. Ainsi, l’éviction de la Russie de ce système pousse à s’interroger sur plusieurs volets. «Comme les opérateurs marocains sont payés à la fin de la campagne, les recettes sont actuellement en stand-by. Des questions se posent sur le mode de paiement, la devise ou monnaie de paiement ainsi que sur la garantie de paiement», détaille notre source. Cela dit, il est à souligner que le passage par le système SWIFT n’est pas obligatoire pour les exportateurs marocains. «Ce réseau assure les paiements et leur célérité, mais d’autres systèmes alternatifs existent, comme le CIPS (Cross-Border Interbank Payment System), qui remplit les mêmes missions que SWIFT et dispose des mêmes fonctionnalités», explique notre source. Si SWIFT traite des transactions de l’ordre de 400 milliards de dollars par jour, le CIPS, lui, traite moins de 50 milliards de dollars par jour. Le seul bémol à mettre sur ce système est qu’il n’est pas assez développé et ne compte pas plusieurs banques adhérentes. «Sans même passer par un réseau de paiement, les banques des deux partenaires respectives peuvent réaliser les ordres de virement et paiement entre elles, sans recourir à un intermédiaire messager. Une solution qui devra nécessiter plus de temps pour le règlement certes, mais qui reste envisageable», conclut ce professionnel. En tout cas, des réunions sont organisées et/ou prévues entre le ministère et les autres parties concernées dont les fédérations interprofessionnelles, afin de mener des discussions et études sur les conséquences de ce conflit, sous tous ses aspects. Si cette crise nous aura appris une chose, c’est bien la nécessité de diversifier les débouchés à l’export et la recherche d’autres partenaires à l’import.
L’assurance-crédit n’est pas systématique chez les exportateurs
Une autre leçon est à tirer des conséquences de cette guerre. Il s’agit de la nécessité de contracter des assurances, dont la plus importante est l’assurance-crédit qui couvre contre le défaut de paiement du client. Ce risque peut être lié à l’insolvabilité du client lui-même, comme il peut être relatif à des facteurs externes comme les risques politiques, la guerre…qui empêchent l’acheteur d’honorer ses engagements. Aux dires de certains responsables, les exportateurs marocains ne contractent pas forcément cette assurance. Ce qui pourrait les mettre dans une situation difficile si un malheur arrive. A cette date, aucun sinistre n’a été déclaré au sein de la SMAEX. Si cela arrive, l’assurance consiste à rembourser 90% du montant du sinistre, à condition qu’il soit déclaré dans un délai d’un mois après sa production. Cela dit, si après indemnisation, le client reçoit son dû, il devra restituer l’indemnité qu’il a perçue. Actuellement, cette couverture est suspendue sur la Russie chez l’ensemble des assureurs, en attendant une amélioration de la situation.
Le 5 Mars 2022
Source web par : la vie eco
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