#AMDGJB Au pas de course, Amzazi autorise deux nouvelles facultés privées de médecine qui ne disposent pas d’hôpital
Après l’épisode de l'UPM de Marrakech, le ministre sortant de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, Saaïd Amzazi, vient d'autoriser, par le truchement de visas dérogatoires, et dans des circonstances indéterminées, l’ouverture de deux nouvelles facultés privées de médecine à Rabat et à Agadir.
Un nouveau scandale, qui va sans doute secouer l’enseignement universitaire au Maroc. L’empressement dont vient de faire preuve Amzazi pour activer l’autorisation de deux nouvelles facultés privées de médecine en a surpris beaucoup, y compris dans les rangs de ses plus proches collaborateurs.
Alors qu’il est censé assurer la gestion des affaires courantes du ministère, en attendant la nomination des membres du gouvernement Akhannouch, Amzazi a décrété une mobilisation générale dans son département, enchaînant les réunions à un rythme inhabituel, avec un objectif précis dans le viseur: accélérer le processus d’accréditation de deux nouveaux établissements, respectivement rattachés à l’Université internationale de Rabat (UIR) et à l’Université Internationale d’Agadir (Universiapolis).
Le jeudi 9 septembre dernier, le ministre a ainsi convoqué une réunion de la Commission de coordination de l’enseignement supérieur privé (Cocesp), notamment pour statuer sur les demandes de ces deux facultés. Le lendemain, vendredi 10 septembre, la Commission nationale de coordination de l’enseignement supérieur (Cnces) a pris le relais et a, à son tour, rendu un avis favorable.
Une question se pose: pourquoi Amzazi a-t-il sonné la mobilisation générale au cours du temps mort de sa présence à ce ministère pour précipiter les réunions de la Cocesp et de la Cnces quelques heures seulement après l’annonce des résultats du triple scrutin du 8 septembre? N’était-il pas possible de les réunir avant les élections? Et pourquoi donc le ministre a-t-il insisté, cette fois-ci, pour être présent aux délibérations «techniques» de la Cocesp et de la Cnces dont les réunions sont souvent espacées de plusieurs semaines, voire des mois. Alors que dans ce cas de figure, ô miracle, moins de 24 heures ont séparé les réunions des membres de ces deux commissions.
D’habitude, confie le président d’une école supérieure de commerce de Casablanca, le dépôt des demandes de ce type se fait chaque année entre décembre et janvier, de sorte à laisser le temps nécessaire à l’Agence nationale d'évaluation et d'assurance qualité (Aneaq) de livrer un avis objectif, reposant sur une étude approfondie du dossier. L’initiateur du projet est ensuite invité à réagir et à faire part de ses remarques.
Les étapes ultimes du processus (Cocesp et Cnces) interviennent normalement au plus tard au mois de juin, afin de permettre aux établissements qui obtiennent cette autorisation délivrée par le ministère de préparer leurs concours d’accès (entre juillet et août), avant la rentrée universitaire vers la mi-septembre.
A titre d’exemple, pour le cas de la Faculté privée de médecine de Marrakech (FPMM), rattachée à l’Université privée de la même ville, malgré les irrégularités qui ont entaché sa création, son dossier a été examiné par les membres de la Cocesp le 23 juillet 2018, avant d’atterrir sur la table de la Cnces six semaines plus tard, le 6 septembre 2018.
Promesses vides
Amzazi, qui traîne derrière lui des casseroles, liées au scandale des circonstances dans lesquelles la FPMM a vu le jour, reproduit en ce moment même la même erreur, mais cette fois-ci en courant deux lièvres à la fois. Et l’erreur est gravissime, préjudiciable à la qualité de l’enseignement et porteuse de très mauvais indices sur la qualité future des soins que délivreront les médecins qui vont exercer, au Maroc, dans un avenir proche. Car, comme tout le monde le sait, à commencer par Amzazi, l’enseignement de la médecine se fait dans les terrains de stage, directement au chevet des malades. Sans hôpital digne de ce nom, il n’est pas possible d’enseigner la médecine. Or les deux nouvelles facultés qui viennent d'être autorisées par Amzazi, ne sont adossées à aucune structure hospitalière!
Pour remédier à cette carence qui rend impossible l’enseignement de la médecine, des ruses sont exploitées.
Fin juillet 2021, l’UIR, sûre qu’elle allait décrocher son autorisation, bien avant les réunions de la Cocesp et de la Cnces, a diffusé un communiqué dans lequel elle annonçait «le lancement de la construction d’un hôpital universitaire international», sur son campus à Rabat, d’une capacité de 400 lits. Ce même communiqué n’indique pas de date ou de délai de livraison, encore moins le montant de l’investissement engagé.
«On est dans des effets d’annonce. Rien de concret», déplore ce professeur de médecine, qui remet en question la faisabilité à court terme d’une structure hospitalière de cette ampleur. «L’université Abulcasis des sciences de la santé a lancé, voici 4 ans, le chantier de son CHU à Tanger, d’une capacité de seulement 200 lits, et il faudra compter encore au moins 3 ans avant la fin des travaux», a-t-il expliqué. Quand on sait que, dans toutes les facultés de médecine, les stages en milieu hospitalier débutent à partir de la troisième année, on est alors en droit de se demander dans quelles conditions seront formés les futurs étudiants des deux facultés privées de Rabat et d’Agadir.
Sollicitée par Le360 sur ce propos, le ministère de tutelle confirme que la Cnces a donné, le vendredi 10 septembre dernier, un avis favorable aux deux facultés privées de médecine, «à condition de satisfaire les dispositions d’un cahier des charges élaboré en collaboration avec le réseau des doyens des facultés publiques de médecine et de pharmacie et les facultés de médecine dentaire».
Dans le cadre de ce cahier des charges, les nouvelles facultés privées de médecine sont tenues, entre autres, de respecter un ratio d’enseignants permanents (60%) et surtout de s’équiper de terrains de stages adaptés (CHU). «Les deux universite?s en question ont de?ja? eu l’autorisation de construction de leur CHU par le ministe?re de la Sante?. Les chantiers ont de?ja? de?marre? pour un des deux CHU», reconnaît le ministère de l’Enseignement supérieur. Comme dans le cas de la faculté privée de médecine de Marrakech, Saaïd Amzazi a une nouvelle fois donné son autorisation sur la base de vagues promesses. Dans un précédent article, Le360 avait tiré la sonnette d’alarme sur les promesses non tenues du ministère et de la FPMM, s’agissant notamment de la construction d’un CHU de 250 lits, dont la première tranche devait être prête début octobre 2019!
Médecin, un métier en voie de précarisation
Comme à l’accoutumée, pour justifier cette nouvelle vague d’autorisations, le ministère de tutelle évoque sa volonté de répondre au besoin important en médecins au Maroc. «L'OMS recommande un minimum de 23 me?decins pour 10.000 habitants. Dans ce sens, le Maroc ambitionne d’atteindre 15 me?decins pour 10.000 habitants en 2030 et 27 me?decins pour 10.000 habitants en 2040, contre 7,1 médecins pour 10.000 habitants aujourd’hui. Conformément aux recommandation de l’OMS, concernant l’e?volution du numerus clausus des professions me?dicales et pharmaceutiques, le Maroc vise a? passer de 3.000 places a? 5.000 nouvelles places a? l’horizon de 2025», indique en substance une réponse écrite reçue par Le360 du ministère.
«Cela ne sert à rien de se cacher derrière les recommandations de l’OMS pour tolérer des pratiques malsaines, au point de sacrifier les conditions dans lesquelles seront formés les futurs praticiens en médecine dans le Royaume», prévient ce chirurgien, diplômé d’une faculté publique marocaine. Ce médecin invite à examiner de près le sort d'étudiants de sixième année d’une faculté dentaire privée marocaine lesquels, faute d’équipements, n’ont bénéficié d’aucun stage durant toute l’année universitaire 2020-2021.
En laissant la porte grande ouverte aux détenteurs de capitaux, attirés par le rendement élevé d’une faculté privée de médecine (120.000 dirhams de frais d’études par étudiant sont en effet requis, tous les ans, sur une durée minimale de 7 ans), les médecins formés au Maroc (tant dans le public que par le privé) se trouvent confrontés à un avenir incertain.
En accordant peu d’intérêt à la qualité de l’enseignement dispensé par ces nouvelles facultés, c’est la santé des Marocains qu’on met en péril. Une méfiance qui va probablement compliquer, à l’avenir, la relation du médecin à son patient. La question de l’établissement où chaque médecin a été formé va devenir déterminante, en hiérarchisant la qualité des soins, selon la réputation du lieu de formation. Amzazi restera dans l’histoire de l’enseignement au Maroc comme ayant été l’homme qui a dévalué le métier de médecin au nom d’intérêts occultes.
Le 14/09/2021
Source web Par : le360
Les tags en relation
Les articles en relation
AVANT LA COP28, SORTIR DES ÉNERGIES FOSSILES DEVIENT UNE GAGEURE (2/3)66
Pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, et rester sous un réchauffement limité à 1,5°C, l'une des réponses les plus attendues est l'...
Au Maroc, le manque d’eau désespère les villages
Le royaume chérifien subit une grave sécheresse depuis plus de quarante ans. Dans les années 1960, la disponibilité en eau était quatre fois supérieure à...
Les écoles et universités publiques à accès régulé choyées par le ministère
DOSSIER ENSEIGNEMENT SUPERIEUR. Budget, taux d’encadrement, coût unitaire de fonctionnement, nombre d’établissements… Le système à accès régulé, co...
En reconnaissance de son action et de ses engagements dans la lutte contre le cancer au Maroc et dan
Son Altesse Royale la Princesse Lalla Salma, présidente de la Fondation Lalla Salma – Prévention et traitement des cancers, accompagnée de S.A.R. la Prince...
Questions autour de la mobilisation mondiale face au Covid-19 (Par Aziz Hasbi)
Corona sceptiques, négationnistes, conspirationnistes, ont fait entendre leurs voix discordantes depuis l’émergence de la pandémie du Covid-19 et tout au l...
Hautes Instructions royales pour que les médias publics ne couvrent plus les activités des ministr
Le Chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, a indiqué, jeudi, que S.M. le Roi Mohammed VI a donné Ses Hautes Instructions pour que les ministres poursuivent...
Vacances à l’étranger : destinations possibles pour les Marocains, notre tour du monde, pays par
Certains Marocains attendent encore pour pouvoir partir en vacances à l’étranger. Si certains pays avaient durci leurs critères d’entrée ces derniers mo...
Enseignement : reprise des cours le 2 septembre 2020
Les préparatifs pour la prochaine année scolaire débuteront mi-juin. La rentrée scolaire est prévue le 2 septembre 2020 pour l'Education nationale. ...
#MAROC_INSTITUT_FORMATION_ENERGIES_RENOUVELABLES:Adoption en Conseil de gouvernement d'un projet de
Le Conseil de gouvernement, réuni jeudi sous la présidence du chef de gouvernement Saad Dine El Otmani, a adopté le projet de décret n° 2.20.634 portant cr...
Vaincre le diabète
La Journée mondiale de la santé, célébrée chaque année le 7 avril, est l’occasion pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses Etats membres...
Recherche scientifique: le Conseil national bientôt mis en place
Le Maroc s’achemine vers la concrétisation des dispositions de la loi-cadre de l’éducation et de la formation en matière de promotion de la recherche sci...
Préférence marocaine pour les soins privés : un défi pour le secteur public de la santé
Selon une enquête menée par L’Économiste-Sunergia, il ressort que la majorité des Marocains privilégient les établissements de santé privés pour leurs...