Deux étudiants font peur au monde

Quelqu’un a eu l’idée lumineuse de traduire le mot Taliban en langue française. Il a fait simple, sans se compliquer la tâche. Taliban, c’est deux étudiants! Ni trois, ni quatre, donc. Mais deux!
Ce rappel et cette traduction ne sont bien sûr pas innocents. Leur timing donne une autre couleur au retour aux affaires des Talibans.
Deux étudiants font peur au monde occidental et au monde tout court, voilà où nous en sommes, c’est ridicule. Du moins en théorie, dans le sens littéral du terme. Deux étudiants font que la planète entière s’inquiète. A Casablanca, à Séoul, à New York, on frémit de terreur et d’horreur.
Même dans les montagnes de Kabylie, où l’on a certainement d’autres soucis en ce moment, on pense à ces «deux étudiants» et à ce qu’ils pourraient changer dans la vie de tout un chacun.
Dit comme ça, c’est exagéré, démesuré. On a l’impression que les deux étudiants ne vont pas gouverner l’Afghanistan mais le monde entier. Alors chacun y va de sa petite peur, sa petite analyse, sa petite solution. Tout le monde s’en mêle. Tout le monde voit la patte de telle ou telle puissance étrangère, on tire à boulets rouges sur l’Amérique et l’ancienne URSS, pour leurs erreurs passées. L’URSS a voulu installer le communisme en éradiquant l’islam. Et l’Amérique a voulu armer les futurs «deux étudiants» pour anéantir l’URSS. Et l’Amérique et l’URSS sont allées droit dans le mur.
Ils l’ont bien cherché, alors! Et qui sème des bombes, récolte des colis piégés à la figure!
Les plus malins, ceux qui lisent «Le monde diplomatique» ou «Foreign policy», épinglent le rôle-clé joué par un certain Oussama dans l’endoctrinement et la radicalisation des deux étudiants. Les férus d’histoire et les amateurs de grandes formules rajoutent que l’Afghanistan, de toute façon, a été le cimetière de bien des empires et des civilisations qui ont tenté de soumettre ce pays de montagnes au fil des siècles.
Que de bruits, que de déflagrations, pour deux étudiants!
Même le président Tebboune est capable de nous dire, demain, que les deux étudiants sont un complot imaginé par «l’Marrock et l’entité sioniste». Il dira que c’est pour déstabiliser l’Algérie, bien sûr, et sans se préoccuper du reste du monde.
On peut continuer à l’infini ce jeu de massacre. C’est facile et c’est déclinable à souhait. Mais alors, me diriez-vous, ne serait-il pas plus sage, et certainement plus humble, de se contenter de balayer devant sa porte? Et de laisser les deux étudiants à leurs affaires et à leurs montagnes, qui sont ou paraissent si loin de nous?
J’en doute parce que, justement, ces montagnes et ces affaires sont bien plus proches qu’on le croit. La déflagration des deux étudiants sonne si près de nos oreilles que l’on a l’impression de nous être réveillés, au matin du 15 août, avec une kalach pointée sur nos tempes.
En réalité, les angoisses du monde ne sont pas si exagérées. On n’a pas seulement peur pour les femmes afghanes mais pour soi-même. Le pays des deux étudiants a été, d’une manière ou de l’autre, mêlé à beaucoup de sales affaires dans le monde.
Pour le Maroc, il faut quand même rappeler que c’est en Afghanistan que les premiers meneurs de la salafiya jihadiya se sont fait la main. Ils sont revenus de la guerre, ou plutôt des guerres d’Afghanistan, aguerris, plus radicalisés que jamais, et surtout avec plein d’idées et de projets pour leur pays…
La matrice ou la terre d’accueil du jihadisme a recruté dans le monde entier, et musulman en particulier. Elle a aussi exporté (la terreur) dans le monde entier, et pas seulement occidental.
Même si on nous dit qu’il ne faut pas «amalgamer» les deux étudiants avec la nébuleuse des organisations liées à Al-Qaïda, et encore moins avec le «califat» de Daesh, il reste que le retour des deux étudiants au premier plan ranime la flamme (c’est le cas de le dire) du jihadisme, ouvrant la voie à des perspectives peu réjouissantes…
Alors oui, deux étudiants font peur au monde. Et il y a de quoi!
Le 21/08/2021
Source web Par : le360
Les tags en relation
Les articles en relation

Sahara : Staffan de Mistura reçu à Alger
Après le Maroc, l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental est arrivé, ce mercredi, à Alger. Staffan de Mis...

Les talibans face au besoin crucial des aides financières
Les talibans ont promis d'améliorer l'économie afghane mais sans accès à l'aide internationale et aux réserves détenues à l'étranger, l&...

#MAROC_France_Algérie: Macron reçoit les propositions Stora pour une réconciliation mémorielle
L'historien français Benjamin Stora remet ce mercredi à Emmanuel Macron son très attendu rapport sur la colonisation et la guerre d'Algérie (1954-19...

Quand Abdelmadjid Tebboune insulte la fonction présidentielle
Digérant visiblement très mal le scandale de la révélation de l'admission de Brahim Ghali sous une fausse identité, et avec un passeport algérien, le ...

La défaite des États-Unis en Afghanistan : un désastre annoncé
Pressés de quitter l’Afghanistan, les États-Unis ont fini par négocier avec les Taliban et marginaliser leurs alliés locaux. Pour beaucoup, considérer le...

Sahara : Quand Abdelamjid Tebboune parle prétendument à la place de Vladimir Poutine
Le président algérien, Abdelamjid Tebboune, semble vouloir impliquer davantage la Russie dans sa croisade contre le Maroc en profitant de sa visite à Moscou....

Guerre en Ukraine. « Comment faire la guerre à la guerre ? » : la lettre ouverte d’Edgar Morin
Dans une lettre ouverte intitulée « Au bord du gouffre, ou comment faire la guerre à la guerre », le philosophe et sociologue Edgar Morin questionne les ori...

L’Algérie militarise sa frontière avec le Maroc
À l’heure où les relations diplomatiques sont tendues entre l’Algérie et le Maroc, Alger a placé sa frontière avec le royaume sous le contrôle de son ...

Algérie, Maroc : Tebboune attend la réaction de Mohammed VI
Malgré le discours d’apaisement du roi Mohammed VI, le 30 juillet dernier, à l’occasion du 22ème anniversaire de la Fête du Trône, l’Algérie reste s...

Les Américains ont quitté l'Afghanistan, les Taliban célèbrent leur victoire
L'armée américaine a annoncé, lundi, avoir achevé son retrait d'Afghanistan, à l'issue de la plus longue guerre de l'histoire des États-Un...

CRISE ALGÉRO-MAROCAINE: JALOUSIE, HUMILIATION ET FRUSTRATION DERRIÈRE LES FOLIES DU RÉGIME ALGÉR
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, entouré du chef d'état major de l'armée algérienne, le général Saïd Chengriha, et du commandant de ...

Maroc-Algérie : les sommets arabes de la discorde
Au dernier sommet de la Ligue arabe, les relations tumultueuses entre Alger et Rabat ont éclipsé tout le reste. Mais les deux frères ennemis ne font que reno...