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Spectaculaire LG-2, la centrale hydroélectrique souterraine la plus puissante du monde

Spectaculaire LG-2, la centrale hydroélectrique souterraine la plus puissante du monde

À l’occasion du 50e anniversaire du lancement du « projet du siècle » de développement hydroélectrique de la Grande Rivière, Le Devoir a pris la route de la baie James, de Matagami à Radisson. Il a plongé au coeur du territoire des Cris, où la ruée vers l’or bleu québécois a laissé des traces indélébiles. Dernier de cinq textes.

Richard Sarrazin s’installe pour la première fois derrière le pupitre de commande en forme de fer à cheval de la centrale hydroélectrique souterraine la plus puissante de la planète : La Grande-2 (LG-2). Sans crier gare, la sirène d’évacuation se met à hurler et les voyants lumineux des neuf panneaux disposés autour de lui clignotent.

« L’alarme d’évacuation décolle. Ça fait le même son que les sirènes de la Deuxième Guerre mondiale. Puis, toute ma platine se met à flasher », explique l’opérateur de centrale lors du passage du Devoir dans la salle de commande de LG-2 plus de deux décennies plus tard. « Ç’a pris deux minutes, le gars des télécoms est descendu. C’était une erreur en provenance de la station terminale ; quelqu’un avait coupé le lien », ajoute Richard Sarrazin plus de 100 mètres sous terre, tout en précisant qu’« il y a des minutes plus longues que les autres ».

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Dévaler une chute souterraine de 137 mètres après avoir été emprisonnée derrière un barrage haut comme un édifice de 53 étages —, ils peuvent générer ensemble pas moins de 5616 mégawatts (MW), de quoi approvisionner une agglomération de près de 1,5 million de personnes. C’est 15 % de la puissance installée des 61 centrales hydroélectriques d’Hydro-Québec.

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Photo: Marco Bélair-Cirino Le Devoir 16 groupes turbines-alternateurs peuvent ge?ne?rer ensemble pas moins de 5616 me?gawatts (MW), de quoi approvisionner une agglome?ration de pre?s de 1,5 million de personnes.

« Juste par le bruit dans la salle des machines, on voit quand les Québécois partent leur chauffage. Quand on est en hiver, en pleine production, c’est bruyant », fait remarquer le chef de l’accueil et des visites d’Hydro-Québec, Éric Hamel, durant la traversée de la salle de pierre et de béton. À peine huit minutes suffisent à Hydro-Québec pour produire et livrer davantage d’électricité aux Montréalais, qui mènent leur vie à 1050 kilomètres à vol d’oiseau de la Grande Rivière, ajoute-t-il.

Des employés d’Hydro-Québec et de General Electric (GE) s’affairent ici et là, se déplaçant tantôt à pied, tantôt sur des tricycles. Seuls les armoires des excitatrices et les panneaux de contrôle « vert Hydro-Québec » adossés au mur de pierre émergent du sol. Le remplacement d’une turbine et l’entretien d’une autre permettent toutefois de jeter un œil sous les tuiles amovibles.

Une fenêtre sépare la salle des machines et la salle de commande, aménagée il y a 15 ans dans une coquille antivibrations posée sur une dalle de béton montée sur des ressorts. « Avant ça, on ne s’entendait pas parler, c’était trop bruyant », indique le chef d’exploitation de la centrale, Sylvain Lapierre. « Quand tu étais tanné, tu essayais de trouver quelle assiette vibrait dans les armoires », ajoute-t-il, tout en pointant la cuisine aménagée au bout de la pièce, qui ressemble à un plateau d’émission de cuisine des années 1980. On imagine sans difficulté Sœur Angèle y apprêter un aspic.

Dans le couloir qui y mène, on peut apercevoir sur un babillard la photo d’une excitatrice à la tôle noircie et froissée. Elle a été prise à la centrale LG-2-A, située à distance de marche, il y a une quinzaine d’années. C’est la déflagration la plus importante à laquelle les travailleurs du complexe ont été confrontés en 20 ans, selon Richard Sarrazin et Sylvain Lapierre. « On a été chanceux », dit M. Lapierre, tout en ajoutant que « tout a été corrigé ». « Quand tout le monde s’en va et évacue les lieux, toi, tu t’en vas en sens contraire », ajoute M. Sarrazin. Une personne vêtue d’une combinaison assortie d’une cagoule à visière apparaît sur une affiche placardée derrière lui. « Protégez-vous contre les éclairs d’arcs électriques », peut-on lire.

Un petit coup de neuf

En 2013, Hydro-Québec a élaboré un programme de remise en état de la centrale Robert-Bourassa, dont certaines composantes souffrent de leur âge — à commencer par les régulateurs de vitesse, les systèmes d’excitation et les roues de turbine.

La société d’État s’est tournée vers GE afin de remplacer les roues d’origine par de nouvelles roues en acier inoxydable. Elles prennent leur place tranquillement. Une fois la rénovation terminée, Hydro-Québec pourrait théoriquement produire jusqu’à 371 MW par groupe turbine-alternateur, contre 351 MW actuellement, glisse un employé à l’oreille du Devoir.

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Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Des milliers de personnes «de la race des constructeurs» ont travaille? a? l’ame?nagement et a? l’exploitation de la centrale LG-2, y «mettant au point des sources d’e?nergie a? l’e?chelle surhumaine», a souligne? le premier ministre Rene? Le?vesque lors de l’inauguration du complexe, le 27 octobre 1979. Le de?marrage du premier groupe turbine-alternateur marquait, selon lui, «le de?but d’une nouvelle e?re pour le Que?bec».

Le guide de montage et de démontage d’un groupe turbine-alternateur compte 1800 étapes — pas si faciles — à suivre, précise Éric Hamel. « Actuellement, il y a une machine en réfection. Mais il y en a 15 autres dont on doit s’occuper », souligne-t-il en saluant des membres de l’équipe de maintenance qui passent à ses côtés. « Il y a des gens qui dépendent de nous. »

Puis, pour les besoins de la cause, l’opérateur de la centrale, Richard Sarrazin, se place devant la console du groupe turbine-alternateur 9, imitant le premier ministre René Lévesque qui l’a démarré pour la première fois le samedi 27 octobre 1979 à 15 h 33.

Autonomie

1979. René Lévesque n’a pas manqué d’inviter à l’inauguration de la centrale LG-2 son prédécesseur, Robert Bourassa, celui qui a lancé « le projet du siècle » presque une décennie plus tôt.

L’ex-chef du gouvernement reçoit un accueil triomphal à son arrivée dans la cafétéria. Des travailleurs et des journalistes s’agglutinent autour de lui. Les premiers l’assaillent de demandes d’autographe ; les seconds, de questions. Ils sont avides de l’entendre prendre sa revanche sur les anciens partisans du nucléaire au sein du gouvernement Lévesque, dont le ministre des Finances, Jacques Parizeau. « Il faut cesser de s’accrocher au maudit mythe des richesses naturelles au Québec », affirmait l’indépendantiste huit ans plus tôt. « Ce n’est pas parce qu’il y a une rivière canadienne-française catholique qu’il faut absolument mettre un barrage dessus. »

Robert Bourassa et René Lévesque cherchent toutefois à éviter les querelles partisanes dans les profondeurs du Bouclier canadien. Le premier ministre péquiste évoque la puissance de LG-2, qui montre selon lui que, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est capable d’assumer son développement. « Si le Québec est ainsi capable de prendre en main son destin énergétique, il sera aussi bientôt capable de fixer son destin politique », lance-t-il à sept mois du premier référendum sur la souveraineté du Québec.

Après les manœuvres du premier ministre et du technicien à ses côtés, la turbine numéro 9 démarre comme prévu ; l’opération est un succès. Il en va autrement de la diffusion en direct de cet instant marquant de l’histoire québécoise. En raison d’une défaillance technique, les téléspectateurs devront attendre l’émission Les beaux dimanches, le lendemain, pour assister à la cérémonie d’inauguration de la centrale LG-2.

Après avoir tourné sur elle-même pendant plus de 40 ans, la roue de turbine numéro 9 s’immobilisera l’année prochaine pour être retirée, transportée et posée au cœur de Radisson.

La pièce emblématique de LG-2 agrémentera alors les promenades de la doyenne du village, Denise Pelletier. Dans les années 1990, cette pionnière comptait poursuivre son aventure hydroélectrique au-delà du 53e parallèle, mais elle s’est arrêtée net avec la fin du projet La Grande et l’abandon du projet Grande-Baleine par le gouvernement Parizeau en 1994. « Si j’étais arrivée plus jeune et qu’il y avait eu un autre chantier, j’y serais allée, quand bien même ça aurait été à Kuujjuarapik-[Whapmagoostui], mentionne l’ex-maître des postes de LG-2 et de Radisson. J’ai tout le temps aimé ça, la vie de chantier. »

Le 15 juillet 2021

Source web Par : le devoir

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