Gazoduc Nigeria-Maroc, corridor Lapsset et Grand Inga… Des projets continentaux, intégrateurs et structurants
#Maroc Le gazoduc Nigeria-Maroc, le Corridor Lapsset et le barrage Grand Inga: voilà trois mégaprojets structurants et intégrateurs, qui vont changer la physionomie de plusieurs régions d’Afrique. Si certains projets sont encore à l’étude, d’autres ont déjà été entamés. Descriptions.
Aux côtés de grands projets nationaux développés par certains pays (barrages hydroélectriques, ports en eau profonde, etc.), les dirigeants africains commencent aussi à intégrer la dimension régionale dans leur politique de développement, en initiant des méga-projets qui concernent plusieurs pays et dont les retombées sont très positives sur le développement et l’intégration économique du continent. Le gazoduc Nigeria-Maroc, le barrage Grand Inga et celui du Corridor LAPSSET figurent parmi ces projets structurants et intégrateurs.
Le gazoduc Nigeria-Maroc: des retombées positives pour la région
Emblème d’une coopération sud-sud réussie, le gazoduc Nigeria-Maroc est un projet structurant et intégrateur pour les régions ouest et nord africaines. Signé en 2016 lors d’une cérémonie sous la présidence du roi Mohammed VI du Maroc et du président Muhammadu Buhari du Nigeria, cette infrastructure, sera construite sur plus de 6.660 km de long, dont 5.660 km à réaliser entre la Côte d’Ivoire et le nord du Maroc, à Tanger, a un coût estimé entre 23 et 28 milliards de dollars. Le projet est porté par la Nigerian national petroleum corporation (NNPC) et l’Office national des hydrocarbures et des mines du Maroc (ONHYM). Il traversera 11 pays de la Cedeao -le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Gambie et le Sénégal-, mais aussi la Mauritanie et le Maroc. Certains pays traversés par le gazoduc sont des producteurs gaziers. C’est le cas du Nigeria, du Ghana et de la Côte d’Ivoire. D’autres disposent quant à eux de gisements de gaz qui vont entrer en production très prochainement, dont la Mauritanie et le Sénégal. Le champ Grand Tortue-Ahmeyin, dont les réserves actuelles ont été estimées à 425 milliards de m3 de gaz pourrait constituer une source d’approvisionnement à ce futur gazoduc trans-ouest-africain.
Le gazoduc va optimiser le coût du transport du gaz de la sous-région et le rendre plus compétitif sur le marché européen que celui transformé en Gaz naturel liquéfie (Gnl).
En plus des producteurs et exportateurs de gaz, le gazoduc va aussi fortement bénéficier aux autres pays non producteurs qui seront approvisionnés en gaz à partir du gazoduc. Ces pays disposeront ainsi de suffisamment de gaz pour investir dans des centrales électriques et pourront donc résorber une partie de leurs déficits en énergies, qui freinent leur développement. Le gazoduc va aussi permettre de dynamiser l’industrie régionale, en soutenant la création de pôle industriels, mais contribuera aussi à l’essor des secteurs de l’industrie, à la transformation des produits agricoles, au développement de l’industrie des engrais et améliorera la compétitivité des économies ouest-africaines.
L’approvisionnement en gaz va donc permettre un développement plus accru des économies de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.
Le Maroc, qui a lancé un ambitieux plan gazier, appelé «Gas to power», va aussi bénéficier de l’impact positif de ce gazoduc pour son approvisionnement en gaz.
Concernant la réalisation de cet important projet, ces concepteurs ont retenu un tracé combinant onshore et offshore. L’étude de faisabilité est achevée, et la décision finale de financement est en cours de validation. Quant au Nigeria, 22e producteur mondial, 5e exportateur dans le monde et premier exportateur de gaz en Afrique, le pays dispose encore de grandes réserves gazières qu’il n’exploite actuellement pas de manière efficiente, en ayant recours au «torchage» (le fait de brûler le gaz lors d’extractions pétrolières). Le Nigeria sera donc assurément l’un des plus grands bénéficiaires de ce projet de gazoduc.
D’ailleurs, les autorités du pays, premier producteur de pétrole dans le continent, ont lancé un «plan directeur de la décennie du gaz», afin de consolider la viabilité du projet.
Il faut dire que le Nigeria a perdu plus de 2 milliards de dollars entre 2017 et 2020, justement à cause du «torchage», en ayant brûlé 324 milliards de pieds cubes de gaz en 3 ans. C’est autant de quantité de cet hydrocarbure qui pourra, un jour, rejoindre le futur gazoduc et générer des revenus pour le pays: l’équivalent de 12.000 MW supplémentaires d’électricité. Enfin, ajoutons que ce projet structurant va également contribuer à l’intégration économique régionale et consolider les relations économiques entre le Maroc et la Cedeao.
Ce projet, initié par le Maroc et le Nigeria, est désormais aussi porté par la Cedeao, sachant que les douze pays qu’il traverse sont membres de cette communauté.
Le projet Grand Inga, le plus grand barrage hydroélectrique du monde pour électrifier l'Afrique
C’est l’un des projets emblématiques qui pourrait changer structurellement une partie du continent, encore plongée dans les ténèbres. Le barrage Grand Inga sera tout simplement le plus grand barrage hydroélectrique du monde, avec une capacité installée de 42.000 MW, qui sera réalisé sur les chutes d’Inga, dans la province du Bas-Congo, sur le fleuve Congo, deuxième plus grand fleuve d’Afrique, après le Nil.
Une fois réalisé, ce barrage aura une capacité d’environ deux fois celle du plus grand barrage hydroélectrique du monde actuellement en activité, celui du barrage des Trois-Gorges de la Chine. Il fera aussi 6,5 fois la capacité du Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD) avec ses 6.450 MW. Mais pour réaliser ce mégaprojet, dont la capacité est équivalente à celle de 20 grandes centrales nucléaires, et ses infrastructures connexes (un port, des unités de production d’hydrogène et d’ammoniac vert, etc.), il faudra un investissement colossal, de l’ordre de 80 milliards de dollars. C’est ce coût exorbitant qui fait que ce barrage tarde à voir le jour.
Toutefois, le projet est aujourd’hui sur les rails, porté par le magnat australien Andrew Forrest et son groupe, Fortescue Metals, l’un des leaders mondiaux de l’exploitation du minerai de fer. Le projet est aussi encouragé par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque européenne d’investissement (BEI), qui soutiennent une production propre et peu coûteuse d’énergie. Une fois réalisé, Grand Inga pourra électrifier de nombreux pays du continent africain, sachant qu’en dehors des pays d’Afrique du Nord, où le taux d’électrification est de 100%, en Afrique subsaharienne, celui-ci tourne autour de 40%. En RDC, le taux d’électrification se situe autour 10% actuellement, donc largement très en-dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne, alors que le pays dispose d’un potentiel hydroélectrique à même d’électrifier une grande partie de cette région du continent.
Outre la RDC dont les besoins pour sa population, forte de 90 millions d’habitants, est la quatrième du continent, et ses secteurs miniers (cobalt, cuivre, plomb, lithium, etc.), l’électricité produite par Grand Inga pourra électrifier de nombreux pays d’Afrique de l’ouest, centrale, de l’est et australe, et contribuer à rehausser le taux d’électrification du continent et ainsi qu’à accélérer le développement économique de toute la région grâce à une énergie bon marché et propre. Une ligne à haute tension, longue de 5000 km, est prévue pour alimenter l’Afrique du Sud en électricité propre et peu coûteuse.
Mais surtout, la réalisation de ce mégaprojet va contribuer à sortir l’Afrique subsaharienne des ténèbres, sachant que plus de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Lancé le 2 mars 2012, le corridor LAPSSET –pour Lamu Port, South Sudan, Ethiopia Transport– est un mégaprojet de corridor de transport qui devra relier le Kenya à ses voisins dépourvus d'une ouverture sur la mer, l’Ethiopie et le Soudan du Sud, via le rail, les aéroports et les autoroutes, les oléoducs et pipelines, avec le port en eau profonde de Lamu comme nœud.
Il s’agit donc d’un méga-projet structurel et intégrateur. L’Ouganda devra, à terme, rejoindre ce projet phare de la Vision 2030 du Kenya, dont c’est là le premier grand projet d’infrastructures à fort impact, lancé par le gouvernement kenyan sans soutien extérieur.
Le corridor LAPSSET comprend de nombreux composants, dont le nœud est Lamu Port, un port en eau profonde de 32 postes d’amarrage, appelé à devenir le plus important port de l’Afrique de l’Est. La première phase de Lamu Port a été mis en service pas plus tard qu’en mai dernier et doit abriter à terme une zone économique spéciale, ainsi qu’une raffinerie de pétrole à Bargoni.
L’autre volet du corridor a trait aux constructions des lignes ferroviaires Lamu-Isiolo-Juba et Lamu-Isiolo-Addis-Abeba, ainsi que Lamu-Nairobi-Isiolo.
De même, elle comporte une composante autoroutière avec les axes Lamu-Isiolo (une ville au Kenya), Isiolo-Juba (la capitale du Soudan du Sud) et Isiolo-Addis-Abeba (la capitale de l’Ethiopie) et Lamu-Garsen (au Kenya).
De plus, la réalisation de trois aéroports internationaux et de trois sites de villégiature à Lamu, Isiolo et Lac Turkana (un lac de 6.405 km2, d’une longueur de 290 km, situé sur les territoires du Kenya et de l’Ethiopie), sont prévus, dans le but de contribuer à dynamiser le tourisme dans cette région du continent. Ces différentes infrastructures vont permettre de fluidifier les flux des marchandises entre le port de Lamu et les capitales de l’Ethiopie et du Soudan du Sud, deux pays sans ouverture maritime.
Le corridor LAPSSET, projet régional, vise donc à atteindre la croissance économique et la prospérité, la réduction du déficit d’infrastructures communes et contribuer à l’intégration sous-régionale.
Ces infrastructures régionales transfrontalières devraient favoriser le commerce et la connectivité économique.
A terme, ce corridor devra être prolongé, afin de réaliser un réseau autoroutier reliant l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest, avec la réalisation d’une interconnexion transcontinentale est-ouest, qui va relier le port de Lamu (au Kenya) aux ports de Kribi (au Cameroun) via Juba (au Soudan du Sud) et Bangui (en Centrafrique). Enfin, ce corridor sera complété par la construction d’un pipe-line pour le transport du pétrole brut, sur le tracé Lamu-Isiolo-Juba, afin d’évacuer le brut sud-soudanais ainsi que d’un oléoduc Lamu-Isiolo-Addis-Abeba.
La réalisation du pipeline va permettre au Soudan du Sud de réduire sa dépendance vis-à-vis du Soudan, en ce qui concerne le transit de son pétrole.
Le corridor va aussi permettre à l’Ethiopie d’atténuer sa dépendance vis-à-vis du principal port de Djibouti, où transite l’essentiel de ses échanges avec le reste du monde.
Le coût de réalisation du corridor LAPSSET est estimé à 25 milliards de dollars. Les trois pays partenaires de ce mégaprojet structurant ont décidé d’allouer une allocation budgétaire commune pour accélérer sa mise en œuvre.
Le 17 juillet 2021
Source web Par : le360
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