Les spins doctors marocains et le voyeurisme planétaire
Plus que jamais, les décideurs en tout genre, doivent être rompus aux nouvelles techniques du marketing politique pour séduire et rassurer l’opinion locale et internationale. Car, avec la mondialisation et les réseaux sociaux, la communication amplifiée, devient virale.
Depuis quelques années, une question taraude les esprits : comment en sommes-nous arrivés à une telle décrédibilisation des partis politiques et des médias, voire, à cette défiance même à l’égard des institutions ? Et comment rétablir la confiance ? Certes, il y a l’échec acté du modèle de développement, la persistance des inégalités, le clientélisme, la médiocratie, la corruption, la triche et l’irresponsabilité. Mais il y a aussi les effets des attentats du 16 mai 2003, l’après mouvement du 20 février, ou les conséquences du blocage de Benkirane, le choc après la mort de Mouhcine Fikri, l’afro-scepticisme suite à la mésaventure de la CEDEAO, l’arrestation des militants du hirak ou l’impact du boycott dans les esprits. Une analyse objective et distancée de ces éléments serait éclairante pour sortir de cette ambiance morose.
En tout cas, c’est dans une telle crise de confiance que politiques et décideurs ont le plus besoin d’accompagnateurs, d’influenceurs et, surtout, de spins doctors pour les aider à rétablir un échange sain avec les élites et les citoyens. Comprendre par « échange », la connexion par l’influence ou par la « correction » des perceptions publiques des faits politiques. Ceci pose la question fondamentale de la posture et de l’imposture des influenceurs et des coachs, qui, parfois nuisent à la profession d’accompagnateur. D’où cette question incontournable : nos communicants sont-ils bien outillés, et par là, connectés, aux réalités marocaines dans le village mondialisé ?
Plus que jamais, les décideurs en tout genre, doivent être rompus aux nouvelles techniques du marketing politique pour séduire et rassurer l’opinion locale et internationale. Car, avec la mondialisation et les réseaux sociaux, la communication amplifiée, devient virale. Lorsque l’élu de Boumia dans l’Atlas fait une sortie des plus banales, son message est reçu par la planète entière comme une information, un buzz ou un bad-buzz.
Ainsi, la notion d’image et de rayonnement d’un pays dépendent de moins en moins des influenceurs ou des publications de lobbyistes à Londres, à Paris ou à New York. Nous voyons le monde et le monde nous voit. Ce voyeurisme planétaire exige une distinction entre le conseiller, l’accompagnateur et le spin doctor du coach improvisé et du communicateur autoproclamé qui pullulent et qu’on peut vite repérer à la discontinuité du CV.
De ce fait, au moins, le rôle de l’accompagnateur, de tout genre, devient encore plus déterminant. Sa capacité réelle à aider le politique ou le décideur à mieux dire ce qu’il veut dire et à éviter les effets inverses. Il ne s’agit habituellement pas d’influer sur la stratégie choisie par le décideur, mais d’alerter sur la perception qui peut être faite de la formulation du message et surtout sur la cohérence et la performance des discours non seulement en direction de l’opinion marocaine mais aussi de l’opinion internationale.
Nous ne sommes pas dans le cas du politique en début de carrière qui a besoin d’éléments de base de communication, d’images afin de développer son leadership et sa confiance en soi ou d’être en mesure de gérer le stress ou les conflits. Mais celui du décideur accompli et responsable, sauf erreur de casting, à la tête d’une entreprise publique ou privée, d’une institution, voire d’un ministère et qui a besoin d’accompagnement spécifique pour régler la question cruciale de la méfiance.
Au Maroc, les spins doctors, experts en communication politique ou « urgentistes » du marketing, sont peu ou trop discrets. Le plus visible serait le publiciste Nourredine Ayouch à qui Jeune Afrique prêtait, en 2006, un tête à tête de deux heures avec SM le Roi Mohammed VI. Il est le père de la campagne de communication Daba 2007 qui a connu un échec retentissant.
Cependant, le nombre de personnalités coachées ne cesse d’augmenter depuis des années. Celui des coachs également. Cela ne se traduit aucunement par l’émergence de leaders politiques performants en phase avec les marocains. D’où la question de l’efficacité des accompagnateurs et la nécessité d’un programme de renforcement de leurs capacités ou d’une réglementation du secteur.
Dans l’état actuel des choses, l’accompagnateur en communication aura à légitimer les discours par des éléments de langage adéquats, à crédibiliser les actions de nos politiques et à positionner leur image, sans qu’ils perdent de leur authenticité ni de leur singularité. La communication dite non verbale n’étant pas reconnue comme une science. Il faudra surtout des convictions, des actions concrètes, des améliorations réelles au quotidien et une nouvelle communication directe et sincère qui dissipe les malentendus et suscite l’adhésion de tout un chacun.
Les mots seuls ne suffisent pas. Un chef du gouvernement qui souhaite un retour de la confiance ne l’exprime pas seulement par un simple discours. Un chef de la diplomatie ne peut laisser le citoyen sans explications au sujet de la CEDEAO, car, en communication, le trop peu, comme le trop, favorise la défiance, le complotisme et entraîne une démobilisation. Le boycott nous offrait des exemples criants de déconnexion entre administrateurs et administrés et de bourdes révélatrices.
Le citoyen perçoit de plus en plus la langue de bois, préconisée par certains de nos gourous de la communication, comme un refus de vivre et de faire ensemble. La non communication ne favorise ni le sentiment d’appartenance ni l’adhésion à tout projet commun. Le style de Benkirane est un cas d’école pour nos spins doctors. L’homme a réussi à rassurer en établissant une complicité sans précédent avec les Marocains tout en menant des réformes des plus difficiles. Populisme ? Peut-être, mais aussi aisance, proximité, persuasion, effets de cadrage et d’amorçage. Et du charisme à revendre à ceux qui n’arrivent que difficilement à remplir les salles de meeting.
En somme, l’émergence d’un homme politique marocain à la hauteur des défis de demain dépendra d’abord de sa capacité à concevoir des stratégies, à les mettre en œuvre en installant des outils d’évaluation. Et surtout de sa détermination face à la corruption, l’incompétence et les différents abus. Le monde de la communication, débarrassé des faux influenceurs et des parasites en mal d’activité et des adeptes de la manipulation, jouera certainement un rôle prépondérant dans le renforcement de la cohésion et dans l’adaptation des messages aux besoins des concitoyens dans un espace d’échange et de confiance mutuelle. Le nouveau modèle de développement offre cette occasion, si toutefois le comité opte pour un réel faire-ensemble, sans exclusion, dans une démarche globale intégrant toutes les composantes et les savoir-faire des spins doctors.
Le 14/07/2020
Source Web Par Analyz
Les tags en relation
Les articles en relation
Décès de Françoise Hardy, icône de la chanson française et figure internationale de la pop
La légendaire chanteuse française Françoise Hardy s'est éteinte à l'âge de 80 ans, après une longue bataille contre le cancer, a annoncé mardi s...
"Gilets jaunes" : énorme coup dur pour le tourisme français
Dès le samedi 24 novembre, les violences des Champs-Elysées ont affecté hôtels et restaurants, où réservations et chiffres d’affaires baissent. Les imag...
La CNSS met en garde contre des escroqueries visant les assurés : attention aux faux agents demanda
La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) alerte ses assurés sur des tentatives de fraude impliquant des individus qui se font passer pour des agents de...
Abdellatif Ouahbi Dénonce l'Exigence du Certificat de Mariage dans les Hôtels
Lors de son passage sur l'émission , diffusée sur la chaîne Al Aoula, Abdellatif Ouahbi a abordé la controverse concernant la demande de certificat de m...
L’expérience client en question!
Dans le cadre de la réflexion qui a été menée au sein de la CNT, le parcours client a été au centre des débats qui ont animé nos discutions à l’heure...
Réapparition médiatique de Lalla Salma et du prince héritier Moulay Hassan à Mykonos : un messag
Lalla Salma, ex-épouse du roi Mohammed VI du Maroc, a surpris le public en réapparaissant aux côtés de son fils, le prince héritier Moulay El Hassan, à My...
CAUCHEMAR À HAWAÏ OÙ DE VIOLENTS INCENDIES INTENSIFIÉS PAR LA CRISE CLIMATIQUE RAVAGENT L'ARCHIP
Ce sont des images apocalyptiques. Depuis le mardi 8 août, de violents incendies ravagent l’archipel d’Hawaï, très prisée des vacanciers américains, fa...
Tourisme : Un engouement historique pour la Cité des Alizés durant cet été
Essaouira a enregistré un record de visiteurs durant la saison Selon la commune d’Essaouira, la ville a cassé cette année tous les compteurs en réalisa...
Sécheresse et chômage rural au Maroc : une baisse alarmante de l’emploi agricole
Entre 2006 et 2023, le Maroc a perdu plus d’un million d’emplois en milieu rural, un déclin attribué à une combinaison de facteurs naturels, économiques...
Le vrai du faux sur la prétendue «hécatombe» hôtelière à Agadir
Hier, circulaient sur les réseaux sociaux, des informations alarmistes sur de prétendues ventes d’hôtels à Agadir et désistements de marques. Largement p...
EarthStore : une solution innovante de stockage d’énergie souterraine pour soutenir la transition
L’essor des énergies renouvelables intermittentes entraîne une augmentation des besoins de stockage à grande échelle. Bien que les batteries soient une so...
Controverse sur la Formation en Ligne pour le 7ème Recensement de la Population
Peu de temps après son lancement, une controverse a émergé concernant la formation en ligne destinée aux futurs agents et contrôleurs du 7ème recensement ...