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Au Maroc, l’avenir du tourisme passe par ses ruralités

Au Maroc, l’avenir du tourisme passe par ses ruralités

La pandémie et le confinement qui en découla ont profondément bouleversé l’économie du tourisme alors florissante sur l’ensemble de la planète et notamment au Maroc où l’année 2019 aura vu un score historique de 12,9 millions de touristes accueillis dans ses territoires. Sur cette même année, ce secteur économique fournissait au pays 750.000 emplois directs et plus de 2,5 millions indirects. Depuis, toutes les activités sont à l’arrêt et la reprise est encore pleine d’incertitudes. Pour mieux comprendre les enjeux de ce secteur vital pour l’avenir du Maroc, Sudestmaroc.com a voulu recueillir l’avis de français vivants au Maroc et engagés dans le tourisme. Aujourd’hui, la parole est donnée à Patrick Simon depuis Tata.

Sudestmaroc.com – Comment vivez-vous cette période de confinement en regard du rythme que vous aviez auparavant, impliqué au quotidien dans la gestion de vos activités avec entre autre la Maison d’hôtes Dar Ifrane sur Tata ? Quelle a été votre réaction à l’annonce de ce confinement ? Merci de nous décrire depuis votre quotidien-type ainsi que le quotidien de votre entreprise ?

Patrick Simon – Le 17 mars dernier, nous étions encore avec un début de saison pour la période 2020 / 2021 plus que prometteur par rapport à la saison précédente, et nous sommes passés brusquement à 100% d’annulation à cause de cette pandémie. Dans un premier temps, il aura fallu assimiler ce que cette situation nouvelle signifiait, rassurer le personnel après s’être rassuré soi-même, faire un état des lieux et le tour d’horizon entre le possible et le probable pour se forger sa propre opinion et enfin prendre position.

En un second temps, j’ai du faire le point sur notre situation financière afin d’assurer la continuité de nos activités en regard des différentes hypothèses de reprise, le défi étant de préserver notre opérationnalité notamment en poursuivant la vérification de nos hébergements sur le plan fonctionnel, en maintenant le suivi de nos prospects, de nos partenaires et de nos clientèles.

En tant qu’opérateur touristique installé à Tata, je gére la Maison d’hôtes Dar Infiane à Tata et ses annexes à Tissint avec le Campement Akka Nait Sidi et la Maison Chez Lahcen. J’ai été amené à prendre la décision de garder le minimum de personnel pour assurer les maintenances et les entretiens nécessaires. Nous nous sommes organisés avec le confinement pour ouvrir des postes en télétravail ce qui nous permet de préfigurer les adaptations qui s’imposeront dans nos manières de travailler une fois que la pandémie sera terminée. Nous savons d’ores et déjà que cette période ne pourra en aucun cas ressembler à ce que nous vivions jusqu’à ce jour.

Sudestmaroc.com – Vous vivez au Maroc depuis maintenant 45 ans. Quel regard portez-vous sur la manière qu’a eue le Maroc de réagir face à la pandémie qui frappe la planète entière ?

Patrick Simon – Je suis arrivé au Maroc à l’âge de trente ans avec mon épouse et mes trois filles. J’ai donc eu à vivre diverses phases des évolutions du pays sous la période Hassan II, et maintenant sous celle du Roi Mohammed VI. Sans faire de jeu de mot, je pense avoir attrapé le Virus Maroc, ce qui m’aura amené à beaucoup entreprendre en tant qu’acteur économique et associatif, et toujours avec une certaine confiance en ce pays, selon une démarche personnelle qui m’aura toujours permis d’agir en tant qu’étranger pleinement intégré dans la société marocaine. Je peux certes avouer que cela n’a pas toujours été facile en raison de barrières qui persistent sur le fait d’être un étranger, et finalement de toujours rester un étranger, mais je confirme que le Maroc m’aura au bout du compte permis de me réaliser et de réaliser de très nombreux projets, ce qui m’autorise la pleine satisfaction d’avoir bien rempli ma vie.

Aussi, en tant que Vice président d’honneur de la Chambre de Commerce Française (CFCIM) de Casablanca pour laquelle j’aurais été le représentant jusqu’en 2005 à Marrakech pendant 22 années en parallèle de mes activités d’entrepreneur, et pensant connaître intimement ce pays, je confirme adhérer pleinement aux décisions prises sous l’impulsion de sa Majesté Mohammed VI pour gérer cette pandémie, décisions illustrées par cette décision unique en soi, et courageuse, de création d’un Fond de solidarité qui aura ainsi ravivé la flamme de solidarité au sein de la population marocaine.

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Le Geoparc du Jbel Bani     

Un coup de massue à l’industrie touristique

Sudestmaroc.com – L’activité touristique au Maroc, secteur économique majeur qui fait vivre un grand nombre de personnes, est aujourd’hui totalement stoppée. Quelles sont selon vous les conséquences présentes pour les opérateurs touristiques, tous métiers confondus ? Et concernant le futur à moyen terme, considérez-vous que cette crise va avoir de lourdes conséquences en terme de faillite ou de restructuration ?

Patrick Simon – Cette pandémie a effectivement donné un coup de massue à l’industrie touristique qui se promettait pourtant en ce début d’année d’être une très bonne saison. Tous les métiers du tourisme sont impactés comme l’hôtellerie, la restauration, les agences de voyages, les guides, les transports mais également tous ces autres métiers qui y sont rattachés comme ceux de l’événementiel, de la communication ou des NTIC.

Ainsi, le Maroc, et parce qu’il est dépendant du marché étranger, à tord selon moi, se retrouve en arrêt total du fait de l’absence de transports aériens ou maritimes et de la fermeture des frontières. Par ailleurs, nous ne pouvons pas omettre de citer les conséquences de cet arrêt sur le secteur informel qui, de par son statut même, ne peut être pris en charge que très partiellement par les mesures de sauvegarde adoptées par l’administration marocaine.

Si le tourisme sera sans aucune doute le dernier secteur de l’économie à redémarrer, après la reprise des activités industrielles, agroalimentaires, communication … on peut s’attendre à un rédémarrage plus rapide pour le tourisme d’affaire ou pour celui qui implique au Maroc les sites déjà modernisés, comme les Smart Cities. Mais il est certain que parmi les actions prioritaires à entreprendre, il faudra soutenir tout ce secteur informel du tourisme en regard des pertes considérables de revenus et dans l’optique de mieux structurer la profession dans son ensemble pour l’emmener enfin vers des nouvelles définitions économiques et sociétales, c’est-à-dire pour la rendre durable.

De nombreuses faillites sont malheureusement prévisibles et dans toutes les structures intermédiaires confondues. Le Ministère de tutelle aura à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour mettre en place une stratégie et une gouvernance adaptées à ces nouvelles définitions.

A cet effet, il faut mettre en relief la forte cadence des prises de décisions et des activités législatives des diverses commissions permanentes qui auront su accompagner la société marocaine face à la crise, alors que l’opinion publique elle-même a su montrer un esprit responsable et patriotique sous l’égide de sa Majesté le Roi Mohammed VI. Je dis cela en comparaison avec d’autres pays.

Le tourisme interne est une des solutions

Sudestmaroc.com – Il se pourrait que dans quelques mois, l’activité touristique, sur la planète, soit amenée à se transformer en profondeur ? Quelles évolutions sentez-vous venir d’un point de vue général pour le tourisme ? Tout recommencera-t-il comme avant la crise ?

Patrick Simon – Il est certain que nous allons être confrontés à un après-CoronaVirus qui n’aura rien à voir avec ce que nous connaissions. Ce virus aura remis certaines pendules à l’heure vis à vis de nombreuses interrogations éco-sociétales qui étaient alors en suspens depuis déjà plusieurs décennies.

En regard de la défense de l’environnement, du changement climatique et plus globalement de la mondialisation, de nombreuses choses vont être remises en cause comme les moyens de transports ou les relocalisations industrielles. Il faut garder à l’esprit que les pays auront eu, face à cette situation, à intervenir financièrement avec des sommes impensées depuis la deuxième guerre mondiale. Et parce que les échanges internationaux seront freinés au moins jusqu’en 2022 / 2023, il nous faut comprendre que de nouveaux outils touristiques vont devoir émerger, de manière innovante.

Le tourisme interne est une des solutions et les territoires vont devoir s’adapter à cette nouvelle situation dans le cadre de la régionalisation avancée tout en espérant que cette fois-ci, cela ne sera plus fait de manière ponctuelle mais bien de manière durable. J’attends en cela beaucoup du rapport de Ssi Benmoussa qui, à la demande de sa Majesté le Roi, aura à présenter en cette fin juin 2020 un plan d’actions nationales comme régionales.

Je m’engage à penser que ce plan aura à traiter l’aménagement éco-sociétal des territoires du Maroc en prenant acte des lois existantes sur les collectivités territoriales et leurs applications dans le cadre de la régionalisation. L’enjeu est de prendre en compte une meilleure répartition des richesses entre le plateau atlantique et le monde rural, entre ce qu’on appelait, jusqu’à ces jours, le Maroc utile et le Maroc inutile !

Pour avoir parié personnellement sur le Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani qui s’étale sur les arrières pays des trois régions de Guelmim Oued Noun, Souss Massa et Drâa Tafilalet, de Zagora à Ouarzazate et jusqu’à Tan-Tan, je pense que nous avons su prendre les pas d’avance avec la mise en place de 53 circuits numérisés et du réseau de tourisme durable et rural du Géoparc Jbel Bani (RTDRGJB), avec une communication performante reconnue à l’international comme au niveau national pour ses contenus en photothèques, vidéothèques, avec nos outils internet, comme nos sites, nos portails et les réseaux sociaux se rapportant à ce territoire.

Dar Ifrane                                           

Pour un rééquilibrage entre le milieu citadin et le monde rural

Sudestmaroc.com – Et concernant le Maroc, quelles évolutions sentez-vous venir ou appelez-vous de vos vœux pour que ce secteur vital de l’économie marocaine puisse redémarrer et retrouver sa vigueur ?

Patrick Simon – Personnellement, je reste convaincu que le Maroc a tous les atouts pour surmonter cette pandémie. Certes, cette situation entraîne des difficultés financières inédites qui impacteront pour un certain nombre d’années la société marocaine, notamment avec l’augmentation des faillites et les diverses faiblesses sectorielles qui ne vont pas manquer de refaire surface.

Aussi je pense que les actions qui seront mises en place vont devoir prendre en compte ce rééquilibrage entre le milieu citadin et le monde rural, entre le plateau atlantique et les autres régions, et ce afin de restructurer l’enseignement et la santé, de contrer l’exode rural par le développement des énergies renouvelables et du minier, par la revalorisation des produits du terroir et par un tourisme interne tourné vers la population marocaine.

Finalement, l’industrie et tout spécialement l’agro alimentaire devront de plus en plus s’organiser selon un schéma de relation Sud – Sud.

Sudestmaroc.com – Comment vous préparez-vous à cette reprise et à ces évolutions ?

Patrick Simon – J’ai pu démontrer par mes engagements professionnels qu’il était possible, à partir de ruines désaffectées, au milieu de nulle part ou dans un petit village marocain près de Tissint, de mettre en place et de faire vivre un campement et une chambre d’hôtes. Avec en plus ma maison d’hôtes établie à Tata, je considère avoir développé autour de ces trois activités le modèle d’une économie touristique qui s’intégre à son territoire de manière inclusive et durable.

Il est donc possible de créer au Maroc des activités touristiques adaptées à leurs territoires, rentables et durables, et qui assurent des emplois déclarés et protégés pour un grand nombre de personnes. En plus, toutes ces activités d’hébergement ont été conçues dans le cadre des règles rigoureuses et contraignantes de la labellisation Clef Verte.

Il est ainsi parfaitement possible d’être reconnu comme un acteur rural touristique sérieux sur le plan national comme international.

Pour l’avenir, je ne ferai que continuer sur ma propre lancée avec l’objectif de réunir dans le cadre d’une future fondation tous ces outils mis en place pendant mon long parcours professionnel. Ce sera la meilleure manière de valoriser tous les efforts communs qui ont été menés, localement comme régionalement, afin de transmettre ce qui a été réalisé à mes enfants et à mes collaborateurs de longue date, que je remercie vivement, et en souvenir de ma défunte épouse.

Les ruralités sont l’expression de l’identité et de l’authenticité du Maroc

Sudestmaroc.com – Quel message avez-vous envie de délivrer aux acteurs et aux décideurs du secteur touristique au Maroc ?

Patrick Simon – J’aimerais faire passer aux décideurs le message qu’il est grand temps d’intégrer dans les processus décisionnels, qu’ils soient institutionnels ou professionnels, une bonne dose de cette jeunesse issue du monde rural afin de prendre acte du besoin urgent de reconsidérer la place culturelle de l’individu dans son territoire, et pour redonner à cette jeunesse la fierté d’être issue de cette ruralité. Tous ces jeunes tireront de cette harmonie avec leur propre territoire une force renouvelée pour construire leur vie, et non plus seulement pour survivre.

Par la même occasion, je réclamerai un rééquilibrage entre les régions en ce qui concerne les investissements touristiques avec une meilleure prise en compte de la capacité des régions à prendre en charge leur propre développement.

Sudestmaroc.com – Quel message avez-vous envie de délivrer aux futurs visiteurs du Maroc ?

Patrick Simon – Dans ce même état d’esprit, je ne ferai que redire l’importance de mettre en place un markéting territorial fondé sur la valorisation des patrimoines culturels, matériels et immatériels. Je redis l’importante d’ouvrir des éco-musées et de lieux dédiés à l’histoire dans toutes ces terres d’accueil que représentent les régions rurales du Maroc. Ces terres rurales sont l’expression d’une identité et d’une authenticité qui seront de plus en plus recherchées à l’avenir.

C’est ainsi que se vivra le tourisme au Maroc dans les années à venir, comme un vecteur de véritables échanges culturels pour tous les voyageurs, qu’ils soient nationaux ou internationaux, car tous, et de plus en plus, seront à la recherche d’expériences véritablement authentiques.

Le 20/05/2020

Source Web Par Sudestmaroc

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