Enfants des années 30, Noam Chomsky et Edgar Morin redoutent un après-Covid totalitaire
Le monde d'après la pandémie: les régimes autoritaires vont-ils profiter de la crise pour imposer leur modèle de gouvernance ?
La pandémie de Covid-19 a permis à plusieurs régimes répressifs de renforcer leur autorité. Interviewés dans le 19h30 de la RTS mercredi, les contemporains des années 30 Noam Chomsky et Edgar Morin s'inquiètent de lendemains de crise aux accents autoritaristes.
Aux Philippines, le président Rodrigo Duterte a déjà étendu ses pouvoir pour lutter contre la pandémie. Coutumier des déclarations tonitruantes, il n'hésite pas à demander d'abattre les citoyens qui ne respectent pas le confinement. Depuis ce mercredi, il a privé d'antenne - officiellement, faute de licence - un groupe de télévision, profitant de la crise pour réduire toute opposition.
Ailleurs dans le monde, le virus semble donner des ailes aux régimes répressifs et décomplexe même certaines démocraties tentées par l'autoritarisme, à l'image de la Hongrie, où Victor Orban s'est fait octroyer les pleins pouvoir.
Des "similitudes" avec les années 30
De quoi rappeler certains précédents historiques au célèbre linguiste américain Noam Chomsky, qui a vécu la montée des totalitarismes dans les années 30. Pour lui, il existe un risque réel que certains régimes profitent de la crise pour imposer leur modèle de gouvernance.
"Dans les années 30, après la crise économique, il y a eu deux choix. L'un de ces choix a été celui de la social-démocratie, comme Roosevelt aux Etats-Unis. L'autre choix a été celui d'Hitler. On sait aujourd'hui ce qui en a résulté. Evidemment, la situation n'est pas exactement identique, mais il y a des similitudes", a estimé l'intellectuel libertaire, aujourd'hui âgé de 91 ans, interviewé dans le 19h30 de la RTS.
Cette crise est surtout l'occasion pour les régimes autoritaires de mettre en avant leur modèle de gouvernance, présenté aujourd'hui ouvertement comme plus efficace que des démocraties, jugées molles et inadaptées. "Mais en fait, les mesures les plus efficaces ont été prises dans des Etats démocratiques. Taïwan ou la Corée du Sud ont les meilleurs résultats. Ce qui est nécessaire, c'est un Etat qui fonctionne et qui se préoccupe des intérêts de sa population", poursuit Noam Chomsky.
Dans les années 30, après la crise, il y a eu deux choix. L'un a été celui de la social-démocratie avec Roosevelt aux Etats-Unis, l'autre celui d'Hitler. On sait aujourd'hui ce qui en a résulté
"Il y aura du nouveau, pire ou meilleur"
Cette inquiétude de l'après-Covid-19, on la retrouve aussi chez le philosophe français Edgar Morin, qui a également grandi à l'époque de la Grande Dépression: "J'ai vu les conséquences de la crise de 1929: ça a été Hitler. L'avenir est inquiétant, parce qu'avant même la crise du coronavirus, il y avait une tendance régressive dans le monde, qui se manifestait par une crise des démocraties, remplacées par des systèmes néo-autoritaires", a témoigné dans le 19h30 celui qui est né voici 99 ans, en 1921.
"Il ne suffit pas de penser, au cours d'une crise très forte comme celle que nous vivons, qu'un monde nouveau va sortir. Il y aura du nouveau, mais le nouveau peut être pire - ou meilleur", analyse-t-il en se remémorant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Pour lui, la crise aura permis de prendre conscience de certains problèmes, notamment d'une "politique qui vise à réduire les capacités des hôpitaux et à les transformer presque en entreprises commerciales, où les malades deviennent des objets en stock".
Cette crise a permis de vérifier la communauté de destin de tous les humains
Edgar Morin
S'il est inquiet, il n'est pas pessimiste pour autant: "Cette crise a permis de vérifier la communauté de destin de tous les humains. On peut supposer une conscience nouvelle, nourrie par l'expérience du confinement, qui nous montre les vices et les carences de nos sociétés et essaie d'y remédier, de trouver une nouvelle voie, qui dépasse les limites de ce qu'on appelle le néo-libéralisme", avance-t-il, évoquant l'hypothèse "difficile à concevoir pour l'esprit" d'une combinaison entre deux notions antagonistes, mondialisation et démondialisation.
Edgar Morin: "L'avenir est inquiétant, la démocratie risque d'être remplacée par des régimes autoritaires."
Une "démondialisation locale"
"Dans l'hypothèse où tout ne se passe pas trop mal, il y aura une poursuite des coopérations entre nations pour tout ce qui est culturel et autre, mais aussi un processus local de démondialisation, où les nations devront sauvegarder une autonomie sanitaire et un minimum d'autonomie vivrière et industrielle".
Le 12/06/2020
Source Web Par Rts
Les tags en relation
Les articles en relation
L’UA profondément préoccupée face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanit
L’Union africaine a exprimé, encore une fois, sa profonde préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire au Sahel, tou...
Des ballons stratosphériques pour raccorder les Kényans à internet
Ces montgolfières circulant à haute altitude dans l’espace aérien du Kenya vont permettre, en quelques mois, de déployer un réseau 4G. Quand Mugo Kiba...
Au parlement Européen, le Maroc ciblé au sujet de l'appui financier de l'UE
Il est clair que les résultats probants obtenus dans le cadre des efforts de lutte contre le Covid-19 que le Maroc a entrepris à ce jour provoquent la jalousi...
Réforme de l’enseignement Le gouvernement dévoile sa feuille de route pour la mise à niveau des
Dans sa stratégie, le chef du département de l’Éducation nationale mise sur la réhabilitation de l’élément humain.Ph. Kartouch Comment repenser l�...
#OMT_TOURISME_INTERNATIONAL_RESTRICTIONS: La dureté des restrictions implose le tourisme
D’après un rapport récent de l’Organisation Mondiale du Tourisme, une destination sur trois dans le monde est désormais complètement fermée au tourisme...
Ce que coûterait un reconfinement de Casablanca sur le plan socio-économique
Par un scénario du possible: un reconfinement de Casablanca sur le plan socio-économique est il possible ? Confiner Casa, c’est arrêter le cœur battant...
Maroc : très en colère, Mohammed VI sanctionne lourdement Casablanca
Le roi du Maroc, Mohammed VI, très en colère contre la situation qui prévaut dans son pays, principalement le comportement des populations de Casablanca, a i...
Ait Taleb : Pas de déconfinement avant des tests à large échelle
La réalisation des tests de dépistage du Coronavirus (Covid-19) sera diversifiée et étendue dans le cadre d’une stratégie de la préparation du déconfin...
Covid-19: l’Espagne décrète un deuil national de dix jours
Le gouvernement espagnol, réuni mardi en Conseil des ministres, a décrété un deuil national de dix jours à partir de mercredi, en mémoire des victimes de ...
#Maroc_Suspentions_Nouvelles_Lignes_Aeriennes: Il suspend ses liaisons aériennes avec 6 nouveaux pa
Les autorités marocaines ont suspendu les vols en provenance et à destination de la Pologne, la Norvège, la Finlande, la Grèce, le Liban, et le Koweït, à ...
Coronavirus : Des médecins déposent plainte contre Édouard Philippe et Agnès Buzyn
Trois médecins représentants d’un collectif de soignants ont déposé plainte contre le Premier ministre Édouard Philippe et l’ancienne ministre de la Sa...
Le Covid adore Aïd al-Kébir
On aurait pu se passer de cette fête, à condition que l’Etat puisse aider financièrement les petits paysans qui ont élevé des moutons pour les vendre à ...