Bienvenue dans un monde de "sous tourisme"

On a voulu des touristes, on les a eus. On en a même tellement eus, qu’en surnombre, ils ont déchaîné les foudres des populations locales peu disposées à partager leur territoire et celles d’autres touristes excédés par les comportements de leurs alter-ego. Le "sur-touriste" est devenu le mal du nouveau millénaire. La "tourismophobie" aussi. Mais les vents tournent et la colère des dieux se déchaîne aujourd’hui sur ce trop plein de touristes. Après l’excès, la rareté. Nous pourrions nommer cela le "sous tourisme".
En une nuit, notre monde a vacillé et mis à mal notre assurance d’Européens bien nés, persuadés que leur monde était protégé contre ce type de danger - DR : DepositPhotos, leungchopan
Par les temps qui courent, en une nuit le monde peut vaciller.
La semaine dernière, autant dire il y a un siècle, nous vivions au rythme de menaces, dangers, maux que nous nous sentions capables de gérer.
Loin de la Chine, loin de l’Asie, l’Europe dans son égocentrisme se sentait relativement à l’abri et déplorait surtout les annulations massives de touristes chinois durant la Golden week.
Sale temps pour les transports aériens, sale temps pour le tourisme, rien de bien nouveau finalement pour un secteur habitué à se débattre parmi des incendies, des inondations, des grèves, des vagues terroristes et autres plaies à venir dont nous n’avons encore même pas idée !
On se plaignait alors aussi de ce phénomène, vieux comme le tourisme de masse, mais si spectaculaire que l’on appelle le "sur-tourisme" et l’on continuait à en débattre allègrement sur les plateaux de radio (comme je l’ai fait d’ailleurs sur France Inter).
Pour réécouter l'émission en podcast :
Livrer le touriste à la vindicte, il faut reconnaître qu’il y a de quoi faire les beaux titres des médias et assouvir la colère de tous ces anonymes qui se rêvent en Indiana Jones et ne sont que des voyageurs parmi des millions d’autres, profitant de quelques billets bon marché pour déferler sur des destinations surtout urbaines, ayant provoqué par leur manque de prévoyance de tels débordements !
Sauf que le battement d’aile du papillon n’en a pas fini de nous précipiter dans la tourmente.
Ce dimanche matin de février, nous apprenons que l’Italie, notre voisine est désormais touchée par l’épidémie de Coronavirus si redoutée.
Et pas n’importe quelle Italie : la Lombardie (près de 10% du CA de l’économie italienne), la Vénétie (30 millions de visiteurs pour la seule cité des Doges), la Toscane, la Sicile…
Confinement, fermeture des écoles, universités, musées, lieux de loisirs et même de la prestigieuse Scala de Milan. Annulation des parades de carnaval… Un remake de « Mort à Venise » en train de se dérouler sur la lagune sous nos yeux ahuris (sans le talent de Visconti !).
Et de nouveau, après l’aqua alta, le spectre du "sous tourisme" qui se profile. A Venise, on parle de cascades d’annulations.
A Paris, le président de la CCI évoque pour les touristes chinois 100% de baisse de réservation sur le mois de février et 80% sur le mois de janvier.
Certes, tant qu’il ne s’agit que de diminution des visiteurs chinois qui, rappelons-le, ne sont qu’environ 2.2 millions, le problème est gérable. Seuls les commerces ayant imprudemment misé sur une clientèle unique sont pénalisés.
Mais désormais, ce sont nos premières clientèles, les Européens, qui eux aussi sont sur leurs gardes.
Le serveur d’Easyjet, le standard d’Opodo ont croulé toute la semaine sous les demandes de reports et d’annulations. Lesquelles, compte tenu de l’absence de mesures nationales, ne sont pas satisfaites.
Ce qui ne veut pas dire pour autant que les Européens s’envoleront tout de même vers les destinations fragilisées. Mieux vaut perdre ses billets plutôt que d’être contaminés !
Pire ! L’attentisme semble de rigueur. Où partir ? Et où ne pas partir ? Deux questions sans réponse témoignant du désarroi ambiant d’autant plus prégnant que les nouvelles sont floues, parfois contradictoires, sans parler des fake news !
En une nuit donc, notre monde a vacillé et mis à mal notre assurance d’Européens bien nés, persuadés que leur monde était protégé contre ce type de danger.
En France, après les épisodes des grèves et Gilets Jaunes, on a beau s’habituer à l’adversité, nous n’en menons pas large devant ces menaces inédites qui, non contentes de faire plonger le tourisme, ébranlent l’économie mondiale.
Se profile même le risque de pénuries de médicaments pour nos laboratoires ayant imprudemment délocalisé la majeure partie de leur production dans l’Empire du Milieu !
Seule bonne nouvelle, les villes paralysées par les mesures de quarantaine, reprennent du souffle. Moins de voitures, c’est moins de pollution. Moins de voyages aériens, c’est aussi moins de CO2…
Pourrions-nous donc profiter de ce phénomène de "sous tourisme" pour remettre en question nos comportements et les modèles économiques de nos entreprises de voyage ?
L’heure est peut-être venue de redresser la barre afin de refaire partir le monde et sa mondialisation dans le bon sens et ramener le tourisme à un équilibre harmonieux entre "sur" et "sous" !
Le 27 Février 2020
Source web Par Tourmag
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