Sur la route du Brexit, les nids-de-poule

L'état de voirie est une vraie problématique au Royaume-Uni. Il manquerait quelque 10 milliards de livres sterling pour combler tous les trous présents dans les rues du pays.
Dans les dîners en ville (et à la campagne d’ailleurs), les soirées britanniques commencent par une consigne ferme : «Ce soir, on ne parle pas du Big B !» L’injonction est en général formulée par l’hôte de la soirée sur un ton légèrement suppliant. Pour la simple et bonne raison que si le Big B est abordé, les chances de ruiner le dîner et des amitiés sont assez élevées. Le Big B, c’est bien sûr le Brexit. Et, inévitablement, une fois sifflés quelques verres ou bouteilles de vin, le sujet s’impose de lui-même.
Mais avant, les invités auront essayé de se concentrer sur des sujets plus consensuels, comme les prix de l’immobilier (astronomique à Londres), les écoles (privées, publiques, pension dès l’âge de 11 ans ou pas ?) et… les nids-de-poule. Cette acné qui orne toutes les rues britanniques passionne les foules et désole les automobilistes et les cyclistes. La blague obligée du dîner est de trouver celui qui détient le record du nid-de-poule le plus ancien et le plus profond dans sa rue. En 2017-2018, selon des chiffres officiels, quelque 905 172 nids-de-poule avaient été dénombrés à travers le Royaume-Uni, soit presque 20 000 de plus par rapport à l’année précédente. Certains, bien sûr, blâmeront la météo britannique, sa tendance à la forte humidité qui, associée à des épisodes de gel, peut faire s’effondrer l’asphalte comme un soufflé raté. Mais l’explication ne tient pas. Le Royaume-Uni est régulièrement classé tout en bas des sondages sur la qualité des routes, en Europe et dans le monde.
Chaque mois de mars, les rues de tout le pays deviennent d’immenses chantiers à ciel ouvert. Pourquoi ? Parce que le 31 mars marque la fin de l’année fiscale et que c’est à ce moment-là que les conseils municipaux décident de dépenser en vitesse le budget qui avait été alloué aux nids-de-poule. L’idée est de pouvoir réclamer à l’Etat au moins la même somme pour leur budget de l’année suivante.
«Raccommodage grossier»
La situation est tellement sérieuse qu’un comité parlementaire sur les transports s’est penché sur la question et a publié en juillet un rapport détaillé. Devant le Parlement, la députée travailliste Lilian Greenwood, présidente du comité parlementaire en charge du sujet, a insisté sur «un scandale national», alors que son rapport évoquait «la peste des nids-de-poule» et l’état «profondément misérable du réseau routier». Le diagnostic était simple : un manque de fonds (les budgets des conseils municipaux ont subi ces dix dernières années jusqu’à 25% de coupes) et une gestion du problème plus proche du «raccommodage grossier» que d’un vrai traitement de fond. En gros, on bouche rapidement le trou et on croise les doigts pour qu’il ne se débouche pas tout de suite. Le rapport préconisait un investissement massif, au moins 10 milliards de livres sterling (11,7 milliards d’euros) et une stratégie à long terme, sur au moins cinq ans, pour l’amélioration du réseau routier.
Dans les dîners, outre le Brexit et les nids-de-poule, on parle aussi depuis quelques semaines des élections à venir, le 12 décembre. Dans son manifeste électoral, le chef du parti conservateur, Boris Johnson, a inventé un nouveau slogan. Aux côtés de son désormais fameux et un peu éculé «Get Brexit Done !» («Concrétisons le Brexit !), il promet de «Get those potholes fixed !» («Réparons ces nids-de-poule !»). Il a annoncé une enveloppe de 2 milliards de livres pour «boucher les trous». Une somme qui ne devrait suffire qu’à remplir un cinquième des nids-de-poule, confirme le syndicat Asphalt Industry Alliance. Parions que le Big B et les nids-de-poule resteront des sujets de choix pour les conversations des dîners en ville pour les années à venir.
Le 28 novembre 2019
Source web Par liberation
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