Commission nationale du recours fiscal: vers plus d'indépendance de l'Exécutif?
Le ministère de la Justice ne sera plus impliqué dans la désignation des magistrats de la CNRF. Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire reprend la main. Suffisant pour garantir l’indépendance d’une commission critiquée pour son manque d’autonomie ?
Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire interviendra dans la désignation des membres de la Commission nationale du recours fiscal (CNRF). Introduit dans le PLF2020, un amendement lui permet de proposer les noms des magistrats siégeant dans cette instance rattachée au Chef du gouvernement.
L’amendement agit précisément sur l’article 226 du Code général des impôts. Actuellement, le texte en vigueur prévoit la nomination de 7 magistrats par le Chef du gouvernement sur proposition du ministère de la Justice. Il en est de même pour le magistrat qui préside la commission. Si le PLF est adopté en l’état, ce ministère sera dépourvu de cette prérogative, qui sera transférée au CSPJ. De quoi couper un peu plus le cordon entre les juges et le ministère de la Justice.
La modification vient en écho à une proposition du groupe PAM à la Chambre des représentants. Mais cette formation voulait aller plus loin. Il était question que le Conseil nomme lui-même les magistrats et ne se contente pas de proposer des noms à la primature. "L’indépendance de la Justice suppose que les magistrats soient désignés par le pouvoir judiciaire et non le pouvoir exécutif", lit-on dans la note accompagnant la proposition d’amendement du PAM.
Une recommandation des Assises de la fiscalité
Renforcer l’indépendance des instances de recours est l’une des recommandations de la 3ème édition des assises de la fiscalité, tenue en mars 2019. Mais est-ce que cet amendement est à lui seul susceptible d’assurer l’indépendance de la CNRF ? Pour cette instance, le manque d’autonomie constitue l’une des principales sources de critiques. Opérer sous la tutelle du Chef du gouvernement ne l’empêche pas de trainer le titre "d’annexe de la Direction générale des impôts".
"Il suffit de consulter ses décisions pour voir que la plupart viennent conforter la position de l’administration fiscale", note cet avocat au barreau de Rabat, qui déplore un "manque de neutralité criant".
"De plus, cette institution ne statue pas sur le droit. Elle se contente d’examiner les faits sans s’étaler sur la légalité de la procédure, ce qui, pour le contribuable, réduit considérablement les possibilités de défense", ajoute le praticien.
La loi définit le champ d’intervention de la CNRF. En dépit de son statut "para judiciaire", elle doit statuer sur les litiges qui lui sont soumis et "se déclarer incompétente sur les questions qu'elle estime portant sur l'interprétation des dispositions légales ou réglementaires". Seules les questions d’abus de droit font exception à cette règle. Pour faire valoir davantage d’arguments, le contribuable doit se tourner vers la voie juridictionnelle.
La CNRF agit principalement dans ces situations:
L’examen de l’ensemble de la situation fiscale des contribuables prévu à l’article 216 du C.G.I, quel que soit le chiffre d’affaires déclaré ;
Les vérifications de comptabilité des contribuables lorsque le chiffre d’affaires déclaré, au compte de produits et charges, au titre de l’un des exercices vérifiés, est égal ou supérieur à 10 millions de dirhams ;
Les rectifications des bases d’imposition pour lesquelles l’administration invoque l’abus de droit.
Quand les Commission Locales de Taxation n’ont pas pris de décision dans un dossier dans le délai de 12 mois
Les décisions de la CNRF ne sont pas publiées
La loi prévoit la désignation de 100 représentants des contribuables, issus de différents secteurs. Ces personnes sont choisies parmi les personnes physiques membres des organisations professionnelles les plus représentatives. Or, leur absentéisme est souvent pointé du doigt. « Ils sont généralement absents des audiences. Les contribuables sont isolés, d’autant que la plupart décide d’entamer la procédure sans assistance d’un conseil », estime notre interlocuteur.
Instituée dans les années 80, la CNRF demeure par ailleurs un mystère pour une grande partie de l’opinion, y compris les juristes. "Les décisions des commissions ne sont jamais publiées", note en ce sens le rapport de la commission des finances (Chambre des représentants). Un suivi de ces décisions aiderait à en jauger l’évolution pour en harmoniser la teneur. Les députés déplorent en effet l’existence de "décisions contradictoires pour des contentieux fiscaux pourtant similaires". Avocat de profession, Abdellatif Ouahbi (PAM) a proposé un amendement rendant obligatoire la "publication périodique des travaux de la CNRF".
"Le caractère privé des informations" contenues dans ces décisions a motivé le rejet de cette dernière proposition.
Le 20/11/2019
Source web Par Médias 24
Les tags en relation
Les articles en relation
Marocanité du Sahara : L’ambassadeur US en Israël promet d’accélérer l’opérationnalisatio
La reconnaissance par l’administration Trump de la marocanité du Sahara entre dans sa deuxième année. Une décision que le président Joe Biden n’a pas a...
Gouvernement Akhannouch: après les 100 jours de grâce, des annonces de chantiers stratégiques
Le bilan des 100 premiers jours du gouvernement Akhannouch sera marqué par l’annonce des plans d’actions pour le lancement des chantiers stratégiques rela...
Fiscalité: Les 10 mesures sur lesquelles le gouvernement s'engage
Réaménagement du barème de l'IR, suppression de la cotisation minimale si le taux des déficitaires chroniques baisse, fiscalité simplifiée pour les pe...
Adoption d’une politique nationale de transformation économique
Création d’emplois, transformation économique. A la Chambre des représentants, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a rappelé les engagements pris et...
Importation des déchets non dangereux au Maroc : 416 autorisations délivrées depuis 2016 dans le
Les autorisations d'importation des déchets non dangereux au Maroc sont soumises à des procédures administratives strictes et rigoureuses, a déclaré Le...
Manifeste de l'Indépendance: 265 personnes graciées
À l'occasion de la commémoration de la présentation du Manifeste de l'Indépendance le Roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 265 personnes condamn�...
#Maroc_Algerie: Des drones et plus de 50.000 soldats surveillent les frontières du Royaume
Le ministre délégué chargé de l’administration de la Défense a révélé que plus de 50.000 soldats surveillent les frontières terrestres, longues de 3....
Stock stratégique de produits de base. Le Maroc compte créer un écosystème national intégré
Le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, a affirmé ce 11 avril que le gouvernemen...
Maroc : Adoption du projet de loi encadrant le droit de grève
La Chambre des représentants a approuvé, mardi soir, à la majorité, le projet de loi organique régissant les conditions et modalités d’exercice du droit...
Indemnité CNSS: Plus de 5.500 entreprises touristiques ont déposé leurs déclarations
Selon les chiffres présentés lundi par la ministre du Tourisme Nadia Fettah Alaoui, quelque 5.518 entreprises touristiques ont déposé leurs déclarations po...
Adoption du projet de loi sur le droit de grève au Maroc
La Chambre des représentants a adopté, ce mardi 24 décembre 2024, le projet de loi organique relatif au droit de grève après d'intenses débats en séa...