Cessez-le-feu en Syrie : Erdogan remporte la mise aux dépens des Kurdes
La Turquie, qui a accepté jeudi de suspendre son offensive dans le nord-est de la Syrie et d'y mettre fin définitivement si les forces kurdes s'en retirent sous cinq jours, semble être la grande gagnante d’un accord négocié avec les Américains.
Accusé aux États-Unis comme à l'international, d'avoir offert à la Turquie un feu vert pour attaquer les alliés kurdes de Washington en Syrie, le président Donald Trump s’est félicité d’avoir obtenu, jeudi 17 octobre, un accord de "cessez-le-feu" synonyme de "grand jour pour la civilisation".
Un accord, annoncé par le vice-président des États-Unis Mike Pence à la suite d'une rencontre à Ankara avec Recep Tayyip Erdogan, qui est surtout perçu comme une capitulation américaine face aux revendications du président turc, aux dépens des Kurdes syriens.
"Le président américain a annoncé avoir sauvé des millions de vie, mais la réalité est bien plus complexe, c’est un accord a minima qui exclut les Kurdes, c’est un texte bipartite américano-turc qui reprend un accord précédent entre Washington et Ankara conclu avant l’offensive turque, qui comprenait déjà une zone démilitarisée à la frontière", explique à France 24 Julien Théron, enseignant Conflits et sécurité internationale à Sciences-Po.
Concrètement, la Turquie, qui a contesté la qualification de "cessez-le-feu", qui ne figure pas dans la déclaration conjointe américano-turque, s'est engagée à suspendre pendant cinq jours son offensive lancée le 9 octobre dans le nord de la Syrie. Et ce, afin de permettre aux forces kurdes de se retirer, d'une "zone de sécurité" d'une profondeur de 32 km le long de la frontière turque.
Le président turque a précisé vendredi que la "zone de sécurité" le long de la frontière turco-syrienne s'étendrait sur une longueur de 440 km, jusqu'à la frontière avec l'Irak.
Abandonner les villes conquises et déposer les armes
En outre, le texte de l’accord publié par la présidence turque prévoit, "afin de répondre aux préoccupations de la Turquie en matière de sécurité nationale, la récupération des armes lourdes des YPG et la destruction de leurs fortifications et de toutes leurs autres positions de combat situées dans la zone ".
La "zone de sécurité" était une vieille revendication de la Turquie, qui qualifie de "terroriste" les YPG et redoute de voir un embryon d'État kurde à ses frontières alimenter les aspirations séparatistes dans son pays. Un responsable turc a déclaré à Reuters que son pays avait obtenu "exactement ce que nous souhaitions" de ces pourparlers avec les Américains.
"Les États-Unis viennent de ratifier le projet de la Turquie visant à repousser sa frontière de 30 km à l'intérieur de la Syrie, sans être en mesure d'influencer de manière significative les événements sur le terrain", a résumé, très critique, l'ex-émissaire américain pour la lutte antijihadiste Brett McGurk, qui a démissionné en décembre lorsque le président Trump avait amorcé le retrait militaire américain.
En échange, les Turcs ont promis aux Américains que cette "zone de sécurité" serait temporaire et ne provoquerait pas de déplacements massifs de populations, a déclaré jeudi soir le représentant spécial américain pour la Syrie, James Jeffrey, à bord de l'avion du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo.
Selon Mike Pence, Ankara s'est aussi engagé à ne pas mener d'opération militaire dans la ville de Kobane, d'où les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) avaient délogé l'EI en 2015 à l'issue d'une bataille hautement symbolique.
"Des clauses que les Kurdes ont très peu de chances d’accepter"
De leur côté, les Kurdes de Syrie, tenues à l'écart des négociations, semblent être les grands perdants de cet accord qui contrecarre leurs rêves autonomistes dans le territoire baptisé Rojava, dans lequel ils avaient installé leurs propres institutions publiques. Dos au mur, ils se sont même retournés vers le régime syrien qui a déployé ses troupes dans des secteurs du nord du pays à l'appel des autorités de la minorité kurde.
Reste à savoir si les Forces démocratiques syriennes (FDS), mouvement dominé par les Kurdes qui étaient, avec l’appui des Américains, en première ligne du combat contre les jihadistes de l’organisation État islamique (OEI), se conformeront pleinement à cet accord.
Sans faire référence au texte, le commandant des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré au media kurde Ronahi TV que le groupe accepterait le cessez-le-feu avec la Turquie dans le nord de la Syrie. Il a ajouté qu'il se limitait aux zones frontalières séparant les villes de Ras al Aïn et Tal Abyad, précisant que le sort des autres régions sous contrôle kurde n'a pas été discuté.
"Les Kurdes ne sont pas signataires de l’accord, et c’est là que le bât blesse puisqu’il est entre autres questions de l’abandon de villes conquises de haute lutte par le YPG aux jihadistes, et également de demander aux milices kurdes de déposer les armes avant de se retirer de la zone tampon souhaitée par Ankara, explique Mathieu Mabin, correspondant de France 24 à Washington. L’abandon des villes et le désarmement sont deux clauses que les Kurdes ont très peu de chances d’accepter, et ce sont deux points précis qui menacent directement le cessez-le-feu".
Le 18 octobre 2019
Source web Par france24
Les tags en relation
Les articles en relation
#usa_ACCORDS_DE_PARIS: 05/11/2020 - Biden promet de rejoindre l'accord de Paris s'il est élu
Joe Biden a présenté un plan de 1.700 milliards de dollars afin que les Etats-Unis atteignent d'ici 2050 la neutralité carbone. Ph : AFP «Aujou...
Les BRICS envisagent l'après-dollar : vers une nouvelle monnaie de réserve internationale ?
Les BRICS envisagent sérieusement l'avenir du système monétaire international, selon les propos tenus par le représentant russe du Fonds monétaire inte...
#MAROC_USA_ELECTIONS 2020: « Avec Joe Biden, des réseaux hostiles au Maroc vont se remobiliser »
Donné largement favori dans la course à l’élection présidentielle par les derniers sondages, Joe Biden devrait vraisemblablement succéder à Donald Trump...
L'ONU condamne à une large majorité la décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capi
Donald Trump est à nouveau isolé sur la scène internationale. L'Assemblée générale de l'ONU a adopté à une large majorité, jeudi 21 décembre, ...
USA et Chine s'imposent de nouvelles taxes douanières, le conflit s'envenime
Les Etats-Unis ont frappé jeudi de nouvelles taxes douanières 16 milliards de dollars de produits chinois, déclenchant des représailles immédiates de Péki...
Accords historiques entre Israël les Emirats et Bahreïn
Par ces accords, Donald Trump espère apparaître en "faiseur de paix" avant la présidentielle américaine. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyah...
Un monde de fous, ou l'Avoir veut encore dominer l'Etre
Coronavirus : Le vice-gouverneur du Texas estime que les personnes âgées devraient se sacrifier pour l’économie «Êtes-vous prêt à prendre le risque ...
Mohammed VI « se poutinise » selon un journal espagnol
Un journaliste espagnol estime que le Maroc est politiquement plus proche de la Russie que de l’UE et de l’Espagne. En témoigne son absence à l’Assembl�...
Cobalt : l’ère de l’après pétrole pris dans une bataille entre les États-Unis et la Chine
La Chine semble très bien partie pour verrouiller le marché. Alors que l’urgence climatique pousse les grandes nations à revoir leurs stratégies en m...
Nombreux hommages à l'ex-président américain Georges H.W. Bush après son décès
Nombreux hommages à l'ex-président américain Georges H.W. Bush après son décès Du monde de la politique à celui des affaires en passant par Hollyw...
#ISRAEL_NETANYAHOU_JUIFS_AMERICAINS_TRUMP: Le cinglant désaveu de Nétanyahou par les Juifs améric
Le Premier ministre israélien se retrouve ainsi piégé par son pari exclusif sur Trump et ses alliés « sionistes chrétiens ». La disparition, le 12 janvie...
L’administration Biden importe de la roche phosphatée extraite du Sahara
Sous l’administration Biden, les Etats-Unis ont repris l’importation de phosphate extrait au Sahara. Un navire américain, «Amis Ace», avec une cargaison ...