Le Maroc, nouvel Eldorado du trafic mondial de fossiles de dinosaures ?
Depuis plus d’une décennie, le Maroc a prouvé qu’il était une terre « garnie » de fossiles de dinosaures. Plusieurs empreintes et squelettes ont été découverts au sud du pays, classant ainsi le royaume chérifien parmi les premières destinations favorites des paléontologues, scientifiques et chercheurs, mais aussi de trafiqueurs. Le Maroc serait-il ainsi devenu un marché international de trafic des restes de dinosaures ?
Il y’a quelques jours, le journal espagnol El Mundo a publié une enquête sur le trafic des fossiles archéologiques et restes de dinosaures dans le sud du Maroc qualifiant le pays de « l’épicentre mondial de l’achat et de la vente de fossiles », où des os de dinosaures sont vendus à partir de 5 euros.
L’enquête du site espagnol révèle qu’au Maroc, près de 20.000 familles vivent de l’exploitation de fossiles de dinosaures. Un commerce illégal, mais qui génère environ 50 millions de dollars. Toutefois, l’argent passe malheureusement à l’extérieur du pays, poursuit l’enquête.
Un cadre juridique « ignoré »
Il existe un décret qui date de 1994 et qui liste les marchandises soumises à une licence d’exportation. Parmi les marchandises « pour lesquelles la licence d’importation est exigible à compter de la date de publication de l’arrêté du ministre du Commerce extérieur, des investissements extérieurs et de l’artisanat n° 1308-94 du 7 kaada 1414 (19 avril 1994) » on retrouve « les collections et spécimens pour collections de zoologie et de botanique, de minéralogie et d’anatomie, objets pour collections présentant un intérêt historique, archéologique, paléontologique et ethnographique et numismatique ».
Dans son enquête, le journal espagnol décrit les conditions dures des Marocains qui travaillent dans les trous « perdus » du sud du royaume à la recherche de restes de dinosaures pour gagner leur vie. À la ville d’Arfoud, un vendeur de fossiles marocain, Said, a dévoilé au journal espagnol que la plupart des restes qu’ils trouvent sont des « trilobites (arthropodes marins éteints datant d’il y a 542 millions d’années et qui vivaient dans des eaux similaires à celles de l’Antarctique) ».
Le vendeur a expliqué au journal qu’il vend, presque tous ses articles dénichés, aux touristes étrangers, qui passent par la région. Cependant, Said détient un entrepôt où il garde les articles précieux, comme des os de dinosaures qu’il vend à des chercheurs et des grossistes américains et européens à partir de 3.000 euros pour « un bout de queue ».
Un paradis pour les chercheurs et collectionneurs étrangers
Erfoud Juan Avilès, titulaire d’une maitrise en paléontologie des vertèbres de l’Université Complotes de Madrid à trouver sa « terre au trésor » au royaume chérifien.
Ce géologue de 27 ans, originaire d’Alicante en Espagne, détient le quatrième site web le plus actif au monde dans ce domaine, « Jurasic Dreams », consacré à la vente de fossiles de dinosaures. Selon le journal espagnol, Juan Avilès travaille dans « les normes », pour se protéger des « accusations des scientifiques et chercheurs qui protestent contre certains importateurs qui tirent profit d’une activité non réglementée ».
« J’ai les papiers d’exportation, paye des taxes et je n’achète qu’aux vendeurs qui ont leur licence pour vendre des fossiles » a-t-il déclaré au journal avant d’ajouter qu’il est « très critique envers la vente de fossiles de vertébrés ».
Pour Juan Carlos Gutiérrez-Marco, paléontologue du Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC) qui se rend au Maroc depuis ses 17 ans pour ses recherches, estime que « l’absence de loi ne limite pas le trafic de fossile et que le patrimoine géologique au royaume n’est pas protégé » donnant l’exemple de fossiles vendus aux enchères un peu partout dans le monde sans que l’on sache d’où ils viennent, critique le chercheur.
Du côté du géologue d’Alicante, Juan Avilès, aucune loi au Maroc ne spécifie ce qui peut être retiré ou pas, poursuivant dans sa déclaration à « El Mundo » qu’une fois « l’atlantique traversée, les populations gagnent leur vie avec ce qu’ils ont, en l’occurrence la vente des fossiles ».
L’archéologue raconte au journal espagnol, qu’en 2013, il a investi toutes ses économies dans l’achat de fossiles dans le sud du Maroc. Sur son site web « Jurasic Dreams », Juan Avilès vend des dents de théropodes, datant du crétacé supérieur (96 millions d’années), au prix de 257 dollars l’unité, des griffes de Spinosaurus à 7.000 dollars, tandis qu’une mâchoire de rapace est vendue à 1.000 dollars.
Il indique également à « El Mundo » qu’il compte sur son site 650 clients fixes, principalement des collectionneurs nord-américains, qu’ils facturent en moyenne entre 6.000 et 12.000 euros par mois.
« Les prix varient en fonction de la rareté de l’espèce, de la complétude du fossile, de l’émail dentaire préservé, des cassures, de la couleur… Toutes les pièces que je vends sont accompagnées d’un certificat d’authenticité. Il faut faire attention, car le Maroc est le pays où il y a le plus de contrefaçons de fossiles, en particulier de trilobites », explique-t-il.
Juan Avilès fait savoir qu’ils ont trouvé des tibias et des fémurs de Spinosaurius, des Vélociraptors et plus de 10 espèces différentes datant de plus de 90 millions d’années, ce qui représente la dernière période du règne des dinosaures.
Un trafic loin d’être « cerné »
Pourquoi le Maroc est-il devenu donc le « souk » mondial des fossiles et restes de dinosaures, et l’une des destinations favorites des chercheurs et archéologues, ainsi que des collectionneurs européens et américains ? Le paléontologue Gutièrrez-Marco explique au journal espagnol, qu’il y a quelques années, « il y avait très peu de variétés de fossiles, car ils étaient vendus à la demande », mais aujourd’hui « tout ce qui peut être exploité est vendu », souligne-t-il.
En effet, le paléontologue fait savoir que sur le site de vente E-Bay, des fossiles du Maroc sont vendus à de très bas prix, tels que les mâchoires d’enchodus pour 5 euros. « Au Maroc, il y a maintenant des excavations massives où seuls les fossiles commerciaux sont recherchés. Certains creusent, d’autres les préparent et d’autres falsifient [des faux, en particulier des trilobites, les Marocains les appellent des composites, dans lesquels ils mélangent la résine fossile avec de la poudre de la même pierre à partir de laquelle le trilobite est fabriqué et fabriquent de petits moules à base de silicone », explique-t-il.
Le 19 août 2019
Source web Par hespress
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