RÉFORME DU CODE DE LA PRESSE LES ENJEUX D’UN TEXTE TRÈS ATTENDU
LA COMMISSION SCIENTIFIQUE RENDRA SA COPIE FINALE MERCREDI 17 AVRIL
LE SNPM DIT AVOIR MILITÉ POUR «UN TEXTE LIBÉRAL»
Truffé de formules généralistes et de sanctions mirobolantes, l’actuel code de la presse est considéré, à plus d’un titre, comme dépassé et relativement liberticide
LA commission scientifique en charge de la deuxième révision du code de la presse de 1958 (la première
ayant eu lieu sous le gouvernement Youssoufi en octobre 2002) va livrer sa
copie mercredi 17 avril. La profession commençait à s’impatienter: La réforme a
traîné dans les tiroirs de deux gouvernements successifs sans trouver preneurs.
L’enjeu d’une telle révision n’est plus à démontrer : truffé de formules généralistes
et de sanctions mirobolantes, l’actuel texte est considéré, à plus d’un titre,
comme dépassé et relativement liberticide. Younès
Moujahid, président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM),
affirme que «les différentes lignes rouges posées par le texte de 2002
n’existaient pas dans la mouture de 1958». Il ajoute: «Nous avons milité pour
un texte libéral» continue Moujahid, et d’ajouter «les termes restrictifs sont
relativement larges et ambiguës, à titre d’exemple, l’atteinte aux mœurs est une
nomenclature générique, alors que le terme pornographie est plus précis». Les
revendications du SNPM ne s’arrêtent pas là. Son président milite pour un
«élargissement des compétences de la justice en matière de la presse et que les
différentes restrictions ne se fassent plus par voie administrative».
Le ministre de la
Communication, Mustapha El Khalfi, confie à L’Economiste que
«les différentes revendications ont été prises en compte». Il justifie aussi le
retard prit pour la mise en place du texte par «la divergence des intérêts en
place». Néanmoins, le ministre continue de caresser la profession dans le sens
du poil: décriminalisation, et élargissement des compétences de la justice en
matière de saisie d’édition de journaux sont à l’ordre du jour. «Il s’agit non
seulement d’être au diapason des normes constitutionnelles mais aussi des engagements internationaux du Maroc en
matière des droits de l’Homme». Faisant référence au Pacte international
sur les droits civils et politiques, ratifié par le Maroc, El Khalfi joue à
l’équilibriste: «il s’agit de concilier deux impératifs: renforcer la liberté
dans le cadre de la responsabilité». Si le texte n’est toujours pas rendu
public, l’on se doute qu’il s’inspire fortement de l’article 19 du Pacte de
1966.
Le second alinéa affirme
que «toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la
liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées
de toutes espèces, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite,
imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix». Une disposition
doublée de «responsabilités spéciales», lesquelles sont clairement énoncées :
«Le respect des droits ou de la réputation d’autrui, et la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques»
Toute restriction supplémentaire serait donc une atteinte aux engagements
internationaux du Royaume.
Le ministère est d’autant plus engagé que son rapport de 2012, sur
«les efforts de promotion de la liberté
de la presse», avait réitéré l’engagement du gouvernement à «élaborer des
dispositions juridiques garantissant l’accès à l’information pour les
journalistes et sa diffusion». Et ce, avec un «élargissement graduel des
possibilités d’accès à l’information», notamment concernant le budget: «Des
dispositions juridiques concernant l’accès libre aux informations au profit des
journalistes ont été élaborées en vertu de la nouvelle Constitution. Ces
dispositions, qui devront faire partie du projet de la loi globale sur la
presse et la publication, traiteront, entre autres, des délais de traitement
des demandes d’obtention des informations, les parties responsables, les
exceptions prévues, les voies de recours ainsi que des dispositions sur le
droit de réutilisation de l’information».
Pour rappel, la commission scientifique a pour charge d’élaborer
des propositions relatives à 4 projets
de loi : code de la presse, le statut du journaliste professionnel, presse
électronique et Conseil national de la presse. «Cette instance sera
indépendante et ses membres seront élus. Elle aura pour charge de délivrer les
cartes de presse ainsi que de définir les règles
éthiques et déontologiques de la profession», conclut le ministre.
Rappel des référentiels
OUTRE les dispositions de la Loi fondamentale et des engagements
internationaux, Mustapha El Khalfi indique à L’Economiste que «plus de 600
décisions judiciaires entre 2003 et 2013 concernant les affaires de presse ont
constitué une jurisprudence sur laquelle le texte va se baser». Cette
jurisprudence concerne surtout les amendes et autres dommages et intérêts que
le SNPM veut revoir à la baisse. Younès Moujahid affirme à ce titre que «les
amendes prévues par le texte actuellement en vigueur sont excessives et les délits
d’atteinte à la réputation sont disposés en termes vagues. En plus des
réaménagements légaux, un programme de «spécialisation des magistrats au droit
de la presse» devrait être entrepris suite à la promulgation du code de la
presse selon El Khalfi.
SOURCE WEB Par Abdessamad NAIMI L’EconomisteTags : code de la presse de 1958- Younès Moujahid, président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM)- engagements internationaux du Maroc en matière des droits de l’Homme- les efforts de promotion de la liberté de la presse- 4 projets de loi : code de la presse, le statut du journaliste professionnel, presse électronique et Conseil national de la presse- règles éthiques et déontologiques de la profession-