Le Maroc vole-t-il l’or de l’Afrique ?
Dans quelques jours, le 30 janvier, le Maroc bouclera la deuxième année de son retour en 2017 à l’Union Africaine (UA), 33 ans après avoir quitté son ancêtre l’Organisation de l’Unité Africaine. Cette réintégration constituait un succès diplomatique et l’aboutissement d’une action de réappropriation par le Maroc de son espace naturel.
Depuis son accession au trône, le Roi Mohammed VI s’est échiné à renforcer ses liens avec l’Afrique de l’Ouest et à les consolider avec des pays dont les relations sont plus anciennes comme le Gabon, le Sénégal, la Guinée Conakry ou encore la Côte d’Ivoire. Rabat s’est également ouvert à des pays de l’espace anglophones avec lesquels il entretenait des relations plus ou moins distantes.
La mise en œuvre de cette stratégie a nécessité le déploiement de secteurs clés comme les banques, les assurances ou les entreprises de téléphonie mobile. Multipliant les déplacements et les séjours dans les pays du continent, le souverain a couvert de sa caution morale, de son prestige et de son pouvoir de nombreux contrats signés en sa présence.
La même année, en février 2017, Rabat mettait à profit cette dynamique pour demander l’adhésion à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO). Alors qu’elle semblait acquise, elle représenta le premier couac d’une diplomatie qui n’avait connu jusque là que des succès.
Une alerte que le Roi a prise très au sérieux. En octobre 2017, à l’ouverture de la 2ème année législative, Mohammed VI annonce la création d’un ministère exclusivement dédié aux affaires africaines pour assurer un suivi constant et rigoureux de la coopération avec les pays du continent. Trois mois plus tard, en janvier 2018, le Roi sort de son escarcelle l’homme miracle. Comme à son habitude, le souverain surprend son monde par son choix.
Inconnu du grand public, Mohcine Jazouli a derrière lui un quart de siècle dans le conseil stratégique et la mise en œuvre de projets. L’Afrique ne lui est pas inconnu où il a mené plusieurs missions. Son cabinet, Valyans, y est présent depuis 2011. De même il y a réalisé des missions pour des gouvernements africains, comme la Côte d’Ivoire et le Gabon, notamment dans les secteurs de la pêche et de l’agriculture, et y accompagne le secteur privé marocain en Afrique subsaharienne.
Pourtant, aux Affaires étrangères, la présence de Monsieur Afrique laisse une impression d’évanescence et ses apparitions se font par intermittence. Dans ce département aux habitudes bien ancrées, il n’aurait pas les coudées franches. L’arbre bien enraciné de Nasser Bourita lui ferait trop d’ombre.
Mais c’est peut-être une autre histoire. Depuis l’affirmation de l’ambition africaine du Maroc on savait que ce ne serait pas une mince affaire. L’Afrique n’est pas un long fleuve tranquille qui ruisselle sagement de Cap Spartel au Cap de Bonne-espérance.
On savait que la diplomatie offensive du Roi Mohammed VI faisait bien plus que déranger, notamment nos amis les Algériens qui ont fait du continent noir pendant de longue années leur terrain de prédilection et continuent à le considérer avec un orgueil déplacé et mal venu, au nom d’une tutelle révolutionnaire passée de temps, comme leur domaine réservé.
Depuis le décès de Nelson Mandela, il n’y a pas de jour sans que l’Algérie et l’Afrique du Sud ne trouvent un prétexte pour rendre publique l’infinie tendresse que leur inspire la cause d’un peuple sahraoui auquel ils essaient inlassablement et vainement de donner corps. S’il n’y avait que ça.
Dès l’annonce de la demande d’adhésion du Maroc à la CEDAO, c’est paradoxalement au Sénégal qu’on a vu partir l’expression d’une méfiance à l’égard d’un Maroc « glouton », pour s’étendre à d’autres pays africains. Récemment c’est une vidéo sur l’exploitation de mines d’or gabonaises qui a fait son apparition et fait florès. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, c’est le site d’une radio camerounaise, Cameroonvoice, qui s’est fendu d’un long article développant la théorie d’un Maroc sous-traitant en Afrique, dans un curieux « tandem nuisible au continent», pour le compte de la France.
La main des services algériens ? J’y mettrai ma main au feu. Mais aussi les comportements de quelques uns de nos « opérateurs » et de leurs cadres que dans certains cas sont assimilés à ceux coloniaux des « petits français ». Sans doute que des susceptibilités des populations locales ont tendance à les amplifier. Il faut néanmoins se méfier des insuffisances marocaines, des erreurs de cadrage et de casting et de toute sorte d’attitudes ou d’actions de nature à faire prospérer le sentiment anti-marocain. Et il y a surtout un bilan à faire.
Le 25/01/2019
Source web : quid
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