Par Malak Laraki Un SDAU se doit d’être un document visionnaire
L’architecte Malak Laraki ne mâche pas ses mots. Avec verve, elle dépeint un constat des plus saumâtres de l’urbanisme au Maroc : SDAU souvent dépassés par l’évolution urbaine des villes concernées, projections urbanistiques obsolètes, manque de vision futuriste, manque d’implication de tous les acteurs…Loin de se contenter de remuer le couteau dans la plaie, elle pose un diagnostic juste et propose les alternatives qui s’imposent. VDM : Tracé dans une perspective de 25 ans, le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (SDAU) prend-il en considération les grandes lignes du développement intégré du territoire auquel il s’applique dont, essentiellement, la densité urbaine et la mobilité? Laraki Malak : C’est le rôle même d’un SDAU ! Malheureusement, les SDAU prennent beaucoup de retard à leur réalisation et leur approbation et sont souvent dépassés par l’évolution urbaine des villes concernées. Prenons Marrakech en exemple. Cette ville a connu une extension fulgurante qui n’a suivi aucun schéma ni plan d’aménagement en cours, lors des dernières décennies. Le résultat aujourd’hui est affligeant ! Des extensions dans des zones rurales, des réalisations dans les zones dites à « préserver ». Une ville nouvelle réalisée selon l’esprit d’un énorme lotissement, Tamansort…etc. Marrakech est confrontée aujourd’hui à de graves problèmes : urbanisation anarchique, difficulté certaine de circulation des véhicules et de transport entre différents quartiers urbains et des « banlieues » ou villes satellites ! Un SDAU doit prendre en considération non seulement la densité urbaine et la mobilité, mais être capable de s’adapter et de donner des réponses aux situations et aux cas particuliers. Un SDAU doit-il rester un document figé ? Voilà la question qui se pose en tous cas pour nous au Maroc. Un SDAU se doit d’être un document visionnaire. 25 ans c’est long, mais c’est également une période qui représente toute une génération d’urbains citoyens dont l’implication est nécessaire pour toute vision futuriste. Un SDAU doit être révisable tous les 10 ans pour mieux cerner les perspectives de la ville. La mise en œuvre des documents d’urbanisme souffre de beaucoup de dysfonctionnements dont l’écart entre les réalisations et les projections urbanistiques qui continue à s’élargir. Comment, à votre avis limiter ce phénomène ? En effet les différents utilisateurs de ces documents que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privés se retrouvent face à des projections urbanistiques dépassées et obsolètes. Il est difficile de parler de limiter le phénomène, ne pouvons-nous pas revoir le mode de réalisation de ces documents d’urbanisme, de se questionner sur leurs objectifs et du comment de leur utilisation ? Les concevoir dans de véritables perspectives d’avenir avec une vision globale. Il est important aujourd’hui de réaliser ces documents par de véritables équipes pluridisciplinaires conscientes des enjeux et qui les affrontent de façon professionnelle. Leur application, de même, demande rigueur et ouverture d’esprit. La conception actuelle de la planification urbaine s’inscrit-elle dans le cadre d’un développement urbain durable comme elle est sensée le faire ? Permettra-t-elle à nos grandes villes d’être compétitives à l’échelle mondiale ? Je ne suis pas capable aujourd’hui de répondre de manière sereine à cette question ! Ce qui se passe aujourd’hui dans nos villes suite à la politique menée par les responsables des villes et des régions provoque un grand désarroi à ce sujet. Un développement urbain durable ? Comment pouvons-nous être compétitifs à l’échelle mondiale si nous refusons de nous aligner à ce que représentent ces villes comme équipements structurants, voieries, eau potable, électricité, transports urbains, services postaux…etc pour l’ensemble des zones qui les constituent. Quel est la part du culturel, musées, lieux d’expositions…etc dans ces villes ? Des plans de ces villes avec des noms de rues et de places, un repère virtuel de ces villes ? Les listes sont longues. Mais cela est faisable ! Nous en en avons le potentiel si notre politique le veut ! Les Agences Urbaines de par leur mission sont sensées accompagner les évolutions urbaines des villes. Qu’en est-il en réalité ? Sont-elles efficaces dans leur manière de procéder ? Les agences urbaines telles qu’elles se présentent aujourd’hui répondent aux évolutions urbaines des villes avec les moyens et les compétences mises à leurs dispositions. La vérité est que le citoyen et les professionnels sont perdus. Chaque agence a son mode de fonctionnement, les commissions techniques des instructions des projets sont interdites aux premiers concernés, les architectes (sauf Casablanca pour laquelle il y a très long à dire). Il n’y a pas, véritablement, de réflexions menées sur les documents d’urbanisme, il n’y a que leur application à la lettre sans aucun recul par rapport aux dates d’émission desdits documents et à leur validité et encore moins de considération vu la qualité des projets présentés. Les Agences Urbaines doivent envisager le quotidien et projeter l’avenir de nos villes, procéder à de véritables analyses du foncier en sachant dire non à certaines opportunités qui ne sont pas toujours bénéfiques à long terme (en exemple toutes ces villes nouvelles !). Elles doivent réussir à impliquer dans leur démarche tous les acteurs potentiels : élus, architectes, BET, promoteurs…etc. Les agences urbaines méritent une attention particulière quant à leur statut et leur rôle réel en tant qu’élément moteur pour conduire l’évolution urbaine des villes. Que pensez-vous de la démarche du Conseil du gouvernement qui s’est réuni vendredi dernier pour l’adoption d’une série de textes dont celui de la loi no 16-89 complétant la loi sur l’exercice de la profession d’architecte et la création de l’Ordre national des architectes, sans concertation préalable avec ces derniers ? Je m’excuse, mais de quel Ordre parlez-vous ? Celui qui a permis cet état de fait ? Celui dont le président, responsable dans l’administration, est au fait de ce qui s’y prépare ? Ce bureau de l’Ordre qui souhaite soit disant démissionner pour protester contre cette décision la veille du jugement sur son élection ? Le Gouvernement quant à lui, n’étonne personne, il applique sa politique ! Aucune concertation ! SOURCE WEB Par Villes du Maroc Interview de l’Architecte Malak Laraki du Groupement Associati