VOUS AVEZ DIT ELECTIONS AFRICAINES
Les observateurs des élections en Afrique sont des salauds
Le recours à des observateurs internationaux, généreusement rémunérés au passage, pour surveiller le bon déroulement des élections en Afrique permet de cautionner des scrutins calamiteux comme celui du Mali. Que trouve-t-on de commun entre la présidentielle au Bénin et le double scrutin législatif et présidentiel au Niger ? Dans un cas comme dans l’autre, alors que les opérations électorales étaient toujours en cours, un groupe « d’observateurs » a rendu publique une déclaration pour attester du caractère « transparent, régulier et égalitaire » du scrutin. Quid de la phase cruciale et sensible du dépouillement ? Quid de l’étape décisive de la centralisation des résultats, pendant laquelle se produit la falsification des procès-verbaux des bureaux de vote ? En réalité, la bonne intention d’observer les élections en Afrique – pour attester de leur sincérité a fait naître une espèce d’observateurs. Lesquels sont prêts à apporter, contre espèces sonnantes et trébuchantes, leur amabilité à des scrutins désastreux. Quel que ce soit le mode de leur « enrôlement », ces observateurs agissent selon un protocole immuable : ils arrangent leur déclaration puis la lisent le jour du scrutin, de préférence à la radio nationale. De Djibouti au Nigeria, en passant par l’Egypte, le Tchad, le Gabon ou le Mali aujourd’hui, la teneur de cette déclaration reste la même : « Globalement, les élections se sont bien passées, dans le calme et la transparence. » Et pour faire bonne figure, la déclaration ajoute dans des cas extrêmes de fraudes : « Il y a eu quelques difficultés qui ne sont pas de nature à mettre en cause la sincérité du scrutin. » MAURRE YA !
Pour cette catégorie d’observateurs, plus les pays africains n’organisent d’élections, mieux le business se porte. Le chiffre d’affaires de l’activité peut même connaître des progressions spectaculaires l’année où des scrutins présidentiels sont organisés dans les « pétromonarchies » d’Afrique centrale comme la Guinée équatoriale, le Gabon et le Congo. C’est le cas en 2016 ! Ce juteux créneau, qui fut longtemps le monopole des ressortissants d’autres régions du monde, a enregistré depuis peu l’arrivée en force d’Africains. Ils se recrutent surtout parmi les acteurs de la société civile ou d’activistes locaux, déterminés à prendre leur part du gâteau.
L’observation des élections en Afrique n’a pas grande utilité. Elle ne sert ni l’enracinement de la culture démocratique, ni la transparence des processus électoraux sur le continent. Toutefois, on était loin d’envisager le naufrage de l’observation électorale que vient de provoquer l’invalidation par la Cour suprême kényane des résultats du scrutin présidentiel du 8 août.
Les juges de la plus haute institution du pays ont estimé que la réélection du président sortant, Uhuru Kenyatta, était tellement entachée d’irrégularités qu’il n’y avait aucune autre alternative que sa reprise complète. Quelques jours plus tôt, pourtant, les observateurs internationaux avaient quant à eux estimé que la présidentielle avait été libre et crédible.
En réalité, ce n’est pas la première fois que les observateurs électoraux ne « voient » pas l’évidence.
Qu’il soit effectué pour le compte d’organisations internationales comme la Francophonie, l’Union africaine ou les communautés économiques sous-régionales (Cédéao, SADC, Ceeac), le travail d’observation électorale a été dévoyé depuis très longtemps en Afrique. Il s’est transformé en business et en mercenariat. Ainsi, des personnalités à l’agenda surchargé sont mandatées par des organisations internationales pour aller observer des élections. Faute de temps, elles arrivent la veille ou l’avant-veille du scrutin, rencontrent quelques sensibilités politiques individuellement ou collectivement à leur hôtel. Le jour du scrutin, ces mêmes personnalités font le tour de quelques bureaux de vote de la capitale et, au mieux, de sa périphérie, puis rendent une déclaration sur la bonne tenue des élections. Avec souvent, pour principal critère d’appréciation, le fait qu’il n’y ait eu ni bousculade, ni bagarre dans les bureaux qu’ils ont visités. Anciens chefs d’Etat, anciens chefs de gouvernement, anciens ministres ou universitaires réputés, ces observateurs reprennent leur avion au lendemain du scrutin. Ils ont déjà empoché leurs per diem, le plus souvent en liquide et en devises. Ces indemnités journalières peuvent être conséquentes : entre 500 euros et 1 000 euros pour les « sans-grade », entre 1 000 euros et 2 000 euros pour les grades intermédiaires et bien au-delà de 2 000 euros pour les « haut gradés ».Sur le terrain, ces personnalités côtoient des observateurs « free lance » qui proposent spontanément leurs services ou sont directement sollicités par les pouvoirs locaux désireux d’obtenir l’amabilité des observateurs internationaux. Avec les observateurs free lance, les pouvoirs signent souvent un engagement contractuel. Il inclut la prise en charge du transport aller-retour, le per diem, l’assistance logistique, la pension complète à l’hôtel et, à la fin du séjour, une enveloppe qui peut monter jusqu’à 50 000 euros, en fonction de ce que pèse la parole de l’observateur sur le marché international. En retour, notre auditeur s’engage à certifier, souvent sans être sorti de sa chambre d’hôtel, la sincérité du scrutin. A cet égard, l’année 2016, qui fut exceptionnelle en nombre de scrutins présidentiels et législatifs organisés sur le continent, a généré un chiffre d’affaires impressionnant pour ces mercenaires d’un genre particulier. En conclusion nous rappellerons tout simplement cette maxime : Le plus grand mal, à part l'injustice, serait que l'auteur de l'injustice ne paie pas la peine de sa faute.
Source web par: Mohamed Ousmane
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