L'industrie aéronautique se réunit dans l'optimisme à Farnborough mais craint le Brexit
Le salon aéronautique de Farnborough s'ouvre lundi dans un contexte de forte croissance du secteur aérien, dans lequel le principal défi reste de produire plus d'avions pour satisfaire la demande, en dépit de menaces comme le Brexit ou la guerre commerciale.
"Le marché peut absorber tout ce qu'on peut y mettre aujourd'hui", a déclaré Ihssane Mounir, le directeur commercial de Boeing, lors du Paris Air Forum fin juin. 2018 "sera une bonne année" notamment grâce à l'Asie et aux compagnies low-cost.
"Le marché est là, il est très porteur sur les zones géographiques bien connues", a abondé Eric Schultz, son alter-ego chez Airbus. "Notre plus gros problème est de satisfaire cette demande."
L'avionneur européen prévoit un doublement de la flotte mondiale d'avions de ligne au cours des 20 prochaines années, "pour atteindre 48.000 appareils" en 2037 contre 21.450 aujourd'hui.
La croissance du trafic aérien, de 4,4 % par an, entraînera un besoin de 37.390 avions neufs d'ici 2037, pour une valeur de 5.800 milliards de dollars, selon ses dernières prévisions.
Boeing publiera les siennes durant le salon, mais celles-ci s'accordent avec celles de son concurrent européen.
Le principal moteur de croissance demeure le segment moyen-courrier, porté par les compagnies low-cost. Airbus estime que celui-ci représente à lui seul un besoin de 28.550 avions neufs, soit plus des trois quarts de la demande.
Pour y répondre, le principal défi des avionneurs est d'augmenter les cadences de production des avions, une gageure alors que les chaînes d'approvisionnement sont déjà extrêmement tendues.
Airbus, qui vise la livraison d'environ 800 appareils cette année, est freiné par des retards de fourniture de moteurs pour l'A320neo en raison des problèmes rencontrés par les motoristes Pratt & Whitney et CFM International, la co-entreprise de Safran et General Electric.
Cette forte croissance pousse paradoxalement à une consolidation de l'industrie aéronautique depuis deux ans, avec comme dernier mouvement en date le rapprochement stratégique annoncé entre Boeing et l'avionneur brésilien Embraer, qui répond à l'alliance Airbus-Bombardier, effective depuis le 1er juillet.
- Craintes autour d'un "Brexit dur" -
Les deux géants consacrent ainsi leur omnipotence sur le marché après avoir absorbé leurs petits concurrents, et contrôlent désormais à peu près tout ce qui se fait comme avion de ligne au-delà de 70 places.
Ils visent également à se renforcer dans le domaine des services et de la maintenance, dont ils ont fait l'un de leurs leviers de croissance grâce entre autres au numérique, au détriment des équipementiers, eux-mêmes en train de se regrouper pour préserver leurs prés carrés.
Mais si Boeing et Airbus se rendent coup pour coup, tous deux ont en ligne de mire l'arrivée sur le marché du chinois Comac, qui prépare le lancement dans quelques années de son premier moyen-courrier, le C919, et travaille déjà à un projet de long-courrier, bien plus complexe à développer, en partenariat avec les Russes.
En attendant, un nouveau front est en train de s'ouvrir entre les deux mastodontes sur un segment qui n'existait pas jusque-là, le milieu du marché, entre le moyen et le long-courrier. Tous guettent l'annonce par Boeing d'un nouvel avion, baptisé Middle of Market par l'américain et 797 par les observateurs, qui offrirait les capacités et le confort d'un long-courrier aux coûts d'exploitation d'un mono-couloir.
Airbus assure que ce segment existe déjà et qu'il en détient 88% des parts grâce à son A321neo Long Range.
Reste une ombre sur cette dernière édition de Farnborough avant le Brexit: dans quelles conditions la Grande-Bretagne sortira-t-elle de l'Union européenne? Tom Enders, le patron d'Airbus, qui fabrique les ailes de ses avions au Royaume-Uni, a prévenu que les conséquences "seraient très sévères en cas de Brexit dur ou désordonné".
Il s'est notamment dit préoccupé d'une sortie du Royaume-Uni de l'Agence européenne de la sécurité aérienne. "Si cela advient, dès avril prochain les certifications de milliers de parties de nos avions ne seraient plus valables, ce qui pourrait mener à un arrêt de notre production".
Plus inquiet encore, Paul Everitt, président d'ADS, qui représente la filière aéronautique britannique, a estimé qu'en l'absence d'accord, "notre pire scénario - et ce n'est pas être alarmiste - est véritablement que les avions ne voleront pas."
Le 13 Juillet 2018
Source web Par La vie eco
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