Volte-face de Trump sur le commerce avec la Chine
Dans un tweet, dimanche dernier, Trump a annoncé pouvoir protéger les employés de ZTE, le second plus grand fabricant chinois de composantes électroniques. La firme chinoise a déclaré la semaine dernière l’arrêt de ses «principales activités d’exploitation» suite aux sanctions imposées par le département du commerce américain.
Ladite entreprise emploie 75.000 employés et s’active dans plus de 160 pays.
Alors que les Etats-Unis et la Chine mènent un bras de fer commercial et manœuvrent ensemble pour la rencontre historique éventuelle avec la Corée du Nord, un obstacle inattendu est survenu, en l’occurrence ZTE, le fabricant des composantes électroniques. Ainsi, l’entreprise a déclaré la semaine dernière qu’elle «cesse ses principales activités d’exploitation» suite aux sanctions imposées par le département du commerce des Etats-Unis.
Dimanche matin, le président Trump surprend de nombreux responsables à Washington en annonçant sa volonté de revoir les sanctions. Il a aussi semblé vouloir sortir de l’impasse qui planait sur les négociations commerciales entre l’Amérique et la Chine. Dans un tweet, le président Trump a déclaré qu’il travaillait avec son homologue chinois Xi Jinping pour éviter l’effondrement de l’entreprise qui emploie 75.000 personnes. Cette initiative semble être un bémol pour une administration qui a sérieusement été dure en ce qui concerne les pratiques commerciales ‘’injustes’’ de la Chine. Les soucis de Trump concernant les emplois chinois vont à l’encontre de son souhait de relocaliser les emplois américains perdus à cause de la Chine.
En annonçant que l’Amérique va chercher des solutions pour remettre ZTE en activité, Trump atténue la tension entre ces deux pays à un moment crucial. La rencontre entre Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un est prévue pour le mois prochain et dépendra de la Chine qui jouera le rôle d’intermédiaire. Après des semaines de menaces économiques échangées entre les deux pays, les responsables des deux côtés ont repris les négociations dans une tentative de trouver une solution à une guerre commerciale imminente. Liu He, le premier conseiller économique du président chinois Xi, est attendu pour une visite à Washington cette semaine pour voir si les deux parties parviendront à trouver un terrain d’entente. La reprise des activités de ZTE réduit les tensions commerciales. Ceci démontre aussi la nature inextricable de la profonde guerre froide technologique entre les deux géants économiques.
La capacité de l’Amérique à paralyser l’entreprise simplement en la privant de l’accès aux pièces et composantes électroniques fabriquées aux Etats-Unis est un signe frappant quant à la façon dont Pékin est excessivement tributaire de la technologie américaine. Pardonner à une entreprise qui n’a pas réussi à punir ses employés coupables de violer les restrictions commerciales américaines contre l’Iran et la Corée du Nord constituera un précédent défavorable pour les Etats-Unis. Malgré le fait que leurs chaines d’approvisionnement électronique restent interdépendantes, aucune des deux puissances ne fait confiance à l’autre en ce qui concerne les technologies sensibles, une preuve qu’un deal à long terme peut s’avérer illusoire.
La Chine ne cèdera point sur les impératifs de sa politique industrielle telle «Made in China 2025 » destinée à préserver son autonomie. Similairement, la confiance des Etats-Unis dans les entreprises chinoises n’est pas facile à instaurer. Pour l’instant, Trump semble désirer sortir de l’impasse.
Questionné à propos des tweets du président, le porte-parole de la Maison Blanche, Lindsay Walters a déclaré que le président Trump s’attend à ce que le secrétaire de commerce Wilbur L.Rosse Jr. « prenne sa décision indépendamment et en cohérence avec les lois et les règlements pour prendre les mesures nécessaires concernant ZTE ».
Plus tard le dimanche, Trump a tweeté encore : «La Chine et les Etats-Unis travaillent ensemble sur le commerce, soyez cool, ça va marcher ». Mais cette volte-face laisse plusieurs personnes perplexes.
La fermeture de ZTE “a déjà suscité beaucoup de ferveur techno-nationaliste, à un moment délicat pour cette relation”, a déclaré Paul Triolo. “Personne ne veut voir les iPhone se faire écraser dans les rues des grandes villes chinoises”.
Le tweet du président a souligné sa volonté d’essayer de conclure des accords en offrant des concessions non conventionnelles ou sans rapport habituellement laissées aux négociateurs du gouvernement travaillant dans des processus plus structurés. Mais une intervention présidentielle pour sauver l’entreprise chinoise pourrait également être considérée comme une entrave à l’autorité du département du Commerce. Cela pourrait donc diminuer l’efficacité future de tels contrôles lorsqu’ils sont appliqués à d’autres firmes.
La possibilité d’une interdiction de sept ans d’utiliser la technologie américaine avait été inscrite dans le règlement de ZTE avec ce département l’année dernière. Avant que celui-ci n’active l’interdiction le mois dernier.
Malgré ses déclarations contradictoires, la firme chinoise avait reconnu que ses employés ne sont pas tous coupables de se soustraire aux sanctions. Pour cela, l’entreprise a demandé au département de reporter sa réponse afin qu’une enquête interne puisse déterminer pourquoi la direction a échoué à réprimander ses employés.
“Etant donné que ZTE avait plus de temps pour compléter son enquête interne, nous tiendrons en compte les fausses et récentes déclarations faites au gouvernement des Etats-Unis”, a déclaré le département du Commerce le mois dernier.
En réalité, ZTE représente beaucoup plus pour la Chine que de simples emplois. En tant que fabricant des équipements qui sous-tendent les réseaux cellulaires, l’entreprise joue un rôle crucial dans le processus d’innovation de la Chine ; au fait, c’est un outil pour influencer la technologie à l’extérieur de ses frontières.
Le gouvernement américain enquête également sur le principal concurrent chinois de ZTE, Huawei, pour ne pas avoir respecté les sanctions américaines à l’encontre de certains pays, notamment l’Iran et la Corée du Nord.
Huawei, le géant des télécommunications chinois a un poids plus important que ZTE en ce qui concerne les plans de politique industrielle de la Chine. En effet, Huawei pourrait être une carte essentielle lors des négociations commerciales.
Les deux entreprises ZTE et Huawei ont fait l’objet d’avertissements de sécurité récurrents par les services de renseignement américains. Les deux fabricants d’équipements de télécommunications entretiennent des relations étroites avec le gouvernement chinois.
Rappelons qu’un rapport publié en 2012 par le Congrès américain révèle que le fait de permettre aux entreprises d’installer des réseaux cellulaires américains constituerait une menace pour la sécurité nationale.
Le 17 Mai 2018
Source Web : Libération
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