Facebook: médias et publicitaires vont subir l'onde de choc
Le coup de barre de Facebook vers un fil d'actualité recentré sur les proches risque de faire des victimes parmi les médias les plus dépendants aux réseaux sociaux, et les professionnels de la publicité s'interrogent sur les intentions de la plateforme.
Facebook, devenue une plateforme pour découvrir toutes sortes de contenus, de marques ou médias, et qui avait perdu la faveur des plus jeunes, a annoncé revenir à ses origines: un réseau social ayant pour priorité les publications partagées par la famille ou les amis.
D'un changement d'algorithme, le géant californien peut ainsi ébranler le modèle économique de pléthore de médias qui reposent entièrement sur l'audience de Facebook et se rémunèrent avec la publicité numérique.
"Les nouveaux médias greffés aux plateformes ont déjà souffert des attaques de Facebook pour tuer les pièges à clic, ils vont encore plus souffrir ", explique Nicolas Reffait, associé du cabinet de conseil Bearing Point.
"Pour des médias comme Buzzfeed, Konbini, Brut, Elephant, c'est une remise en question", renchérit Jérémy Robiolle, directeur d'étude chez Xerfi.
"Pour les médias traditionnels qui font héberger une partie de leurs contenus sur Facebook pour gagner en visibilité, cela risque aussi d'assécher une partie de la manne publicitaire", ajoute-t-il.
Ces derniers médias, très critiques par ailleurs vis-à-vis de l'outil proposé par Facebook "Instant Articles", qui permet aux éditeurs d'héberger leurs articles directement sur la plateforme mais leur rapporte très peu de revenus, pourraient ainsi être incités à prendre leurs distances.
Concrètement, les contenus ne devraient plus apparaître automatiquement sur le fil de l'internaute qui a "aimé" la page du média ou de la marque mais seulement s'ils sont partagés activement par ses proches.
Johan Hufnagel, ancien responsable de Libération devenu directeur de la rédaction de Loopsider, un nouveau média 100% réseaux sociaux qui s'est lancé mercredi, garde cependant son sang-froid: "On savait que ça allait venir, donc on l'a anticipé (...) Il va falloir se battre pour avoir de l'engagement réel, donc que les utilisateurs partagent et commentent", explique-t-il à l'AFP.
Le directeur de Brut, Guillaume Lacroix, reste lui aussi confiant. "90% de notre reach (portée NDLR) provient du partage d'ami. Un algorithme qui privilégie les contenus qui ont un fort taux d'interaction nous est donc très favorable (...) Ca va désengorger le fil", estime-t-il.
Reprendre le contrôle
"Il y a eu de grosses crises en terme d'image de marque ces derniers mois" chez Facebook avec la diffusion de fausses informations, les accusations de provoquer une addiction, ce qui peut expliquer pourquoi le groupe veut reprendre le contrôle, note Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Nantes.
"Mais il y a également un autre problème: le plafonnement des recettes publicitaires. Désormais, ceux qui veulent avoir de la visibilité devront payer pour être visibles", relève-t-il.
Difficile à ce stade de jauger l'impact sur les publicités du réseau social puisque tout l'écosystème est pris de court.
"Ils ne nous préviennent pas en amont, ils imposent la +Facebook Lex+", soupire un acteur de la publicité alors que les médias et les annonceurs attendent des indications pour pouvoir décrypter les annonces du PDG de Facebook Mark Zuckerberg.
"Il est possible que Facebook privilégie désormais les publicités reposant sur la donnée, au display (vidéos etc...) mais il ne va pas se tirer une balle dans le pied" en renonçant à la publicité qui représente 97% de ses revenus, estime Renaud Menerat, président de la Mobile Marketing Association France
Du fait du changement d'algorithme, il est possible que les marques qui avaient embauché des "community managers", créé des pages Facebook et comptaient sur ce nouveau mode de marketing pour se faire connaître remettent en question leur stratégie en voyant leurs contenus disparaître des fils.
"D'un point de vue des utilisateurs, ça fait sens, mais les médias et les annonceurs risquent d'être perdants. Les marques risquent d'avoir une portée moindre et vont devoir compenser par un budget média plus important", c'est à dire acheter plus de publicités, note Frédéric Marty-Debat, directeur général de Performics, agence média du groupe Publicis pour les réseaux sociaux.
Le 14 Janvier 2018
Source Web : Médias 24
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