Climat: «Les 100 milliards de dollars difficiles à atteindre»

La conscientisation des peuples, nations et gouvernements… en marche
«Considérez l’eau, respectez-la, aimez-la, … assurez l’avenir de vos enfants», conseille Loïc Fauchon
Pour Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, «l’expérience marocaine, concernant l’eau et l’assainissement, est unique en Afrique. Je suis convaincu que la coopération marocaine avec nombre d’Etats fera avancer l’accès à l’eau et à l’assainissement tout au moins au niveau du continent» (Ph. YSA)
100 milliards de dollars, c'est la somme promise par les pays riches aux plus pauvres à partir de 2020. Il faut un peu de temps pour réunir l'argent. Chaque année, l'Afrique, le Bangladesh et des pays d'Amérique du Sud toucheront 100 milliards au moins. Ce qui est encore en discussion après les COP21 et 22, tenues respectivement à Paris et Marrakech, c’est si cette somme devrait être mobilisée avant 2018.
Dans cet entretien exclusif, Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, souligne que la capacité du fonds climat n’est pas encore atteinte. Toutefois, l’invité de marque du Forum de Fès dédié à «l’eau et le sacré» reste «très optimiste sur le fait que pas à pas, et grâce au dialogue, on arrivera à financer ces sujets et aider les pays qui sont les plus en difficulté». Décryptage.
- L’Economiste: Les 100 milliards de dollars promis par les pays riches aux plus pauvres pourront-ils être mobilisés avant 2018?
- Loïc Fauchon: Vous savez, ces sujets-là n’avancent pas rapidement. Il faut en avoir conscience. On est à l’échelle de la planète. Il y a 200 pays, 200 nations, et 200 gouvernements. La conscientisation est effective. Elle avance, pas seulement chez les gouvernants, mais aussi dans les populations. Les gens font plus attention parce qu’ils payent l’eau, mais aussi parce qu’ils ont conscience qu’elle fait partie de l’équilibre de la planète. Le pouvoir politique, qui n’est que la représentation de la population, comprend bien que c’est un sujet auquel il faut prêter attention. La question des finances est un peu difficile parce qu’on est dans une période où l’économie mondiale internationale est en souffrance et que les financements sont difficiles à dégager. Néanmoins, il y a un fonds d’une capacité de 100 milliards de dollars qui est mis en place. Cette capacité n’est pas encore atteinte, mais je suis très optimiste sur le fait que pas à pas, on arrivera à financer ces sujets et aider les pays qui sont le plus en difficulté. L’expérience marocaine, surtout concernant l’eau et l’assainissement, est unique sur l’ensemble des 63 pays d’Afrique. Je suis convaincu que la coopération marocaine avec nombre d’Etats fera avancer l’accès à l’eau et à l’assainissement tout au moins au niveau du continent.
- Les pays qui subissent la pollution devraient-ils passer à une autre étape: demander une justice internationale?
- C’est la question spécifique des cours d’eau internationaux: on partage de la ressource et avec elle des pollutions. Ceci crée des tensions. Certains problèmes se règlent par le dialogue. D’autres vont vers la Cour internationale de justice (La Haye), comme pour d’autres sujets et pas seulement pour l’eau. Mais il faut faire dire le droit par une instance reconnue de tous. Toutefois, quand le dialogue et la volonté sont là, quand les Etats et les gens se parlent, nous arrivons toujours à des solutions pacifiques. Ainsi, les guerres de l’eau doivent rester l’apanage des journalistes.
- Vous avez choisi le Forum de Fès, qui a pour thème «l’eau et le sacré», pour dispenser votre discours...
- Tout à fait. Ce n’est pas un choix au hasard. Montrer qu’à travers les siècles, il y a eu un rapport très fort entre l’eau, la spiritualité, le sacré, c’est une évidence. Mais il faut s’appuyer sur cette force pour pouvoir regarder le présent et l’avenir. Dans quel état allons-nous transmettre l’eau à nos enfants et petits-enfants. C’est une formule un peu choc qui reflète la réalité d’aujourd’hui. L’eau a des adversaires et des ennemis. Alors, il y a le climat que le Maroc traite au nom de la communauté internationale, mais il y a aussi d’autres sujets qui sont la croissance démographique, la pollution que connaissent les fleuves, et les tensions qui nécessitent que nous appuyons notre action politique sur trois piliers, simples à comprendre: le partage des connaissances, le partage des techniques (une meilleure gestion), et les finances. Pour ce troisième volet, il faut trouver l’argent pour faire cet effort dans le futur à travers les stations d’épuration, les canalisations d’eau… Et celles-ci coûtent cher. Donc, il faut faire admettre au citoyen comme au politique que l’eau est une priorité. Enfin, il y a la gouvernance participative. Le citoyen doit être associé à gestion de l’eau pour en comprendre l’importance. Cette gestion ne devrait pas se faire seulement dans les cabinets ministériels et les salles des conseils municipaux. Il faut à la fois une gestion locale et que l’Etat joue son rôle, à travers les organismes de bassins, comme, pour le cas de Fès, l’agence du bassin du Sebou, qui est un exemple de gestion partagée de l’eau. Mais, au-delà de tout ceci, s’il y a un seul message à faire passer à la population, c’est de dire: considérez l’eau, respectez-la, aimez-la, parce que nous en avons besoin aujourd’hui et vous en avez besoin pour vos enfants.
- Grâce à la COP22, tenue au Maroc, l’eau est intégrée dans les calculs climatiques et environnementaux…
- C’est exact. Le Maroc a joué un rôle déterminent tout au long de l’année 2016. Et ce, depuis la COP21 qui s’est tenue à Paris pour faire admettre, ce qui n’était pas le cas auparavant, que l’eau était un élément essentiel du débat climatique, et comme a dit Sa Majesté, «de la justice climatique». L’ambition du Maroc a été réalisée. D’abord, en organisant, à Marrakech, la plus belle COP de l’histoire, et puis surtout dans les résultats en faisant admettre que le traitement de l’eau devait être au centre du débat climatique. Nous espérons que durant cette année, sous la présidence marocaine, et jusqu’au mois d’octobre, on puisse fortifier encore cette position qui consiste à placer l’eau au cœur du débat.
Faire face aux problématiques écologiques
Le Festival de Fès des musiques sacrées du monde se poursuivra jusqu’au 20 mai. Initiée sous la thématique «l’eau et le sacré», cette nouvelle édition «est l’occasion pour explorer le symbolisme de l’eau et exhorter le monde à se réconcilier avec l’environnement et se mobiliser pour l’avenir des générations futures et de la planète», estime Abderrafie Zouitene, président de la Fondation Esprit de Fès. L’on comprend, lors du forum de Fès, que le choix de la thématique répond à la nécessité de sensibiliser le plus grand nombre aux problématiques écologiques qui travaillent la planète et dont dépend le sort même de l’humanité. Ainsi, Abdelâdim Lhafi et Loïc Fauchon, respectivement le Haut commissaire aux eaux et forêts et le président du Conseil mondial de l’eau, s’accordent à dire que «les changements climatiques viennent amplifier des déséquilibres structurels, notamment celui de la croissance démographique qui a été, au 20e siècle, deux fois plus rapide dans les zones où l’eau est rare, comparativement aux zones humides».
Le 08 Mai 2017
SOURCE WEB Par L’économiste
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