Projets de territoires, défis d'aujourd'hui et de demain
Mercredi 13 Avril 2011 Un grand défi à relever pour gagner le pari de la compétitivité : Le Maroc a connu au cours des dernières années le lancement d’une nouvelle génération de projets qui tendent à le repositionner en une plateforme régionale de production, d’échanges et de distribution ; rôle qu’on attribue principalement à l’imposant complexe industriel et portuaire de Tanger Med qui permet, enfin, au pays de valoriser le potentiel que constitue sa position géographique privilégiée De même, par le renforcement de son infrastructure routière, autoroutière et ferroviaire, dont les rythmes de production ont été largement accélérés, et par la libéralisation du transport aérien, le pays tend à faire fructifier l’acte d’investir, améliore sa compétitivité économique et se dote des attributs d’une mise à profit des accords de libre-échange qu’il a conclus avec ses principaux partenaires. Parallèlement, la plupart des secteurs économiques et sociaux se sont dotés progressivement de stratégies, résultats d’études élaborées et fruits de concertations élargies avec les professionnels. Le secteur industriel, précurseur dans le domaine, doit sa stratégie d’ailleurs à une analyse multicritère ayant débouché sur l’identification des secteurs moteurs de la croissance où le Maroc se positionne en tant que leader régional comparé à ses principaux compétiteurs L’enseignement est de taille : le développement territorial ne s’improvise pas, il n’est pas le produit non plus d’un simple catalogage des chantiers et doit, par contre, être repensé dans le contexte de l’économie monde en termes d’un repositionnement à la fois compétitif et concurrentiel. Néanmoins, si cet exercice, mené à l’endroit du territoire national s’est avéré concluant et produit une émulation en termes de construction de stratégies sectorielles, force est de constater que les autres niveaux territoriaux peinent encore à trouver leur voie. En témoigne le démarrage difficile des plans communaux de développement dont le processus s’appuie sur des concepts forts mais non encore appropriés au niveau local. La démarche participative prônée est à elle seule anxiogène pour la catégorie d’élus habitués jusqu’ici à des rapports distants avec les électeurs, limités d’ailleurs aux périodes des campagnes électorales. Il en est de même pour la reddition des comptes toujours perçue comme un exercice périlleux plutôt qu’un acte de bonne gouvernance. Pour leur part, les partenariats devant servir d’opportunités pour le croisement des financements et des expertises semblent être peu utilisés par les communes où la maîtrise d’ouvrage constitue le talon d’Achille. En somme, le processus d’élaboration des plans communaux de développement repose sur une démarche qui ne règle pas la grande équation ; celle de l’aire d’analyse limitée indûment aux contours administratifs et du repositionnement stratégique de la commune dans son environnement. De surcroît, il vient s’ajouter aux multiples outils de planification économique et spatiale aux horizons temporels et aux logiques différenciées. Les grandes agglomérations et les régions sont les moins loties en matière de planification en ce sens que les stratégies de développement actuelles méconnaissent dans leur démarche les processus recherchés que les villes compétitives empruntent pour adopter des manœuvres stratégiques agressives. La régionalisation avancée pose d’ores et déjà aux prochaines collectivités régionales un grand défi ; celui de l’innovation en termes d’approche pour la construction de projets de territoires gagnants En somme, le constat de limites afférentes aux démarches actuelles de construction des stratégies de développement territorial est là, et la nécessité de repositionner nos territoires concurrentiellement est aujourd’hui un souci partagé. L’atteinte de cet objectif majeur suppose déjà une bonne analyse du portefeuille d’activités du territoire à travers un diagnostic stratégique des atouts compétitifs et de l’attrait du marché Cette analyse prospective débouche sur des manœuvres stratégiques appropriées qui s’expriment en termes d’expansion, de contraction voire d’abandon des activités en déclin ne justifiant plus le moindre investissement. Elle exige aussi la mise sur pied d’une planification stratégique pour une mise en œuvre réussie des programmes et actions retenus. Les territoires étant désormais dans l’ère de la compétitivité, le marketing territorial ayant vocation de promouvoir les espaces devient un leitmotiv L’environnement des territoires étant également en perpétuel changement, tout comme les stratégies des compétiteurs, une veille territoriale et une mise à l’écoute des évolutions dudit environnement sont de nos jours une composante fondamentale de la démarche de construction des projets de territoires. L’intérêt de cette veille est d’alerter sur les menaces et de disposer des éléments de décisions pouvant appeler des adaptations stratégiques de sorte à repositionner constamment le territoire C’est là la démarche appropriée pour la construction et la mise en œuvre maîtrisée de la stratégie de développement territorial, laquelle s’inspire des méthodes élaborées par les grands cabinets conseils et dont la plus connue est celle expérimentée au Maroc sur le secteur industriel national, à savoir McKinsey. Outre la démarche McKinsey, on compte aussi celles d’ADL, BCG, ou de Porter… qui reposent toutes sur le même principe : analyser la position concurrentielle du territoire et de l’attrait du marché, examiner le portefeuille d’activités pour décider de la manœuvre stratégique et décider de l’allocation optimale de ressources somme toute rares. Laquelle des démarches choisir pour élaborer un projet de territoire gagnant ? Chacune a ses points forts et ses limites ; néanmoins on retiendra sans doute la chaîne de valeur de Porter qui renvoie à la nécessaire intégration des filières du territoire, on empruntera à McKinsey son analyse multicritère, à la démarche ADL le degré de maturité des activités, à BCG son aspect quantitativiste reposant sur le taux de croissance des activités. En somme, en matière de construction de projets de territoires, deux écueils sont à éviter : sur-imprimer la stratégie interne du territoire au risque de rater les adaptations que dicte l’environnement –reproche attribué à la démarche McKinsey- ou bien tenter de tout mesurer et tomber du coup dans l’ésotérisme Aujourd’hui la conviction est forte que la maîtrise de ces démarches permettra à nos territoires –notamment à nos futures régions- de gagner le pari de la compétitivité et de rompre avec les logiques actuelles où elles sont de simples réceptacles d’interventions sectorielles sans intégration aucune ; logiques qui continueront à prédominer tant que les territoires et les acteurs locaux n’auraient pas déclaré leurs propres projets de territoires. Rompre avec ces logiques est un objectif à notre portée. Cela appelle des actions volontaristes qui offrent aux territoires la possibilité de passer à un nouveau pallier de développement et de se battre à armes égales à ceux de leurs concurrents puisqu’il s’agit en définitive de gagner la bataille du développement : - un développement qui nous procure les moyens de nos ambitions en termes de réponses à la demande sociale; un développement que nous voulons tous durable et au service du bien-être des populations * Chercheur en urbanisme et gouvernance territoriale SOURCE WEB Libération Par Abderrazzak Belkhiri *