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Femmes imams, elles défient les traditions patriarcales

Femmes imams, elles défient les traditions patriarcales

Islam De Copenhague à Los Angeles, mais aussi à Bradford ou à Berne, des musulmanes prennent le pouvoir.

Sherin Khankan est sous le feu des projecteurs. Cette Danoise de 41 ans, fille d’un Syrien et d’une Finlandaise, a lancé vendredi à Copenhague l’adhan, l’appel à la prière, dans la mosquée Mariam. Sa collègue, l’imam Saliha Marie Fetteh, a prononcé la khutba, le sermon, devant une quarantaine de musulmanes et une vingtaine de consœurs chrétiennes, juives ou autres, venues les soutenir. Une petite révolution, en guise d’inauguration pour ce lieu de culte ouvert en février dans un appartement du centre-ville, au-dessus d’un fast-food. Depuis, ces locaux ont vécu cinq cérémonies de mariage, parfois interreligieuses. C’est là le dernier épisode d’une «rébellion» féminine qui s’ébauche aux quatre coins de la planète islamique.

Des femmes imams, il y en avait certes déjà en Chine au XIXe siècle. Mais c’était une singularité. Depuis, on en a vu apparaître en 1995 en Afrique du Sud, en 2005 au Canada… La même année, Amina Wadud, professeure d’études islamiques de l’Université du Commonwealth de Virginie, a fait sensation en présidant la prière du vendredi devant une congrégation mixte à New York. Rebelote en 2008 à Oxford, en Angleterre. En 2012, l’initiative «Inclusive Mosque» est lancée à Londres par deux militantes féministes. L’an dernier, une mosquée réservée aux femmes ouvre à Los Angeles, en Californie. Et en 2018, en Grande-Bretagne, une mosquée gérée par un directoire féminin doit ouvrir à Bradford. L’imam, un homme, devra garantir la mixité des lieux…

Autant de démarches lancées par des musulmanes qui se disent marginalisées, voire exclues des mosquées traditionnelles, dominées par les hommes. Généralement séparées, elles sont placées soit derrière eux, soit sur un balcon, soit dans une pièce séparée, pas toujours accueillante, souvent trop petite. Par ailleurs, s’il n’est pas interdit à une femme de prêcher devant d’autres femmes, il n’est pas admis qu’elle mène la communauté dans la prière.

«Les femmes en ont marre»

«J’applaudis tous les pas vers une pleine participation des femmes au cœur de la mosquée», lance à Berne Elham Manea. Suissesse et Yéménite, cette politologue à l’Université de Zurich copréside la branche helvétique de l’initiative Inclusive Mosque avec une professeure de français à Bâle, Jasmina El-Sonbati, fille d’un Egyptien musulman et d’une Autrichienne catholique. Le 27 mai, elles ont organisé une prière du vendredi dans la Maison des religions, à Berne. Elham Manea a prononcé le sermon devant une toute petite assemblée mixte. L’adhan avait été lancé par une prédicatrice venue de Londres. Le tollé fut immédiat.

«J’ai vraiment été surprise par l’ampleur prise par la polémique dans les médias arabes», avoue la Bernoise. «Mais j’ai aussi été étonnée de voir combien de messages de soutien nous avons reçus. Des femmes nous ont écrit du Yémen en guerre! En Egypte, j’ai moi-même pu constater que beaucoup de musulmanes veulent du changement, mais n’osent pas le dire publiquement.»

Dérive salafiste

Sans doute. Mais qu’en disent le Coran et les Hadiths? «Les juristes – des hommes! – brandissent une citation prêtée au Prophète: Un peuple qui confie le pouvoir à une femme ne prospérera jamais. Une citation dont ils jugent pourtant l’authenticité peu fiable», note la Bernoise. «Les féministes avancent d’autres citations ou rappellent que la femme du Prophète prêchait. Par ailleurs, à la grande mosquée de La Mecque, il n’y a pas de séparation entre hommes et femmes!»

Mais Elham Manea juge vains ces débats théologiques. «La réalité, c’est qu’en 1970 la prière était mixte à la mosquée de Berne. Puis sont venus les fonds du Golfe et l’influence salafiste. Les femmes ont été évincées. On nous impose un ordre social patriarcal, à l’époque des droits humains! Je dis que nous pouvons prier ensemble et qu’une femme peut être imam. Aujourd’hui je suis une marginale, mais demain ce que je dis sera normal. Exactement comme pour les femmes pasteur!»

Le 03 Septembre 2016
SOURCE WEB Par Tdg

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