Casablanca: Des idées inédites de réappropriation de l’espace public!
Comment ce quartier populaire a enclenché sa mue en 4 ans seulement
Gestion intelligente et réaffectation de l’espace public
Une approche originale financée par l’INDH et des bénévoles
La plateforme de commerce de proximité «Al Firdaous » se démarque dès l’entrée du quartier Sidi Bernoussi par l’autoroute. Ce nouveau concept de lutte contre le commerce anarchique et l’occupation du domaine public a fait rapidement des adeptes, à la fois auprès des commerçants et de la clientèle (Ph. Khalifa)
La métamorphose de Sidi Bernoussi ne passe pas inaperçue. Dès l’entrée de l’autoroute (du côté de l’ex-usine de thé et de sucre Somathes), le visiteur est frappé par les nombreux chantiers menés sur plusieurs fronts: espaces verts, terrains de sport, plateformes de commerce de proximité, esplanade, théâtre en plein air…
«Je suis originaire de Bernoussi. Pourtant, à mon retour durant ces vacances, je n’ai pas reconnu mon quartier. J’ai cru que je me suis égaré à l’entrée de l’autoroute», témoigne un MRE installé en Italie.
Cette transformation est d’autant plus étonnante qu’il s’agit là de l’une des zones les plus peuplées et les plus populaires de la capitale économique. La préfecture, qui s’étend sur une superficie de 39 km2, compte près de 630.000 habitants, dont 400.000 relevant de Sidi Moumen, l’un des plus anciens fiefs de bidonvilles à Casablanca (Skouila, Thomas, Zaraba…). Aujourd’hui, ce territoire est devenu un modèle en matière de gestion intelligente, d’aménagement et de réaffectation de l’espace public. A l’origine de cette mutation: une approche unique de l’autorité locale et des associations de quartier.
La recette de cette success-story? Des financements de l’INDH, couplés au bénévolat et appuyés par la contribution d’entreprises et d’associations de quartiers. Grâce à des dons financiers ou en nature, le quartier s’est transformé en méga-chantier à ciel ouvert.
L’idée de départ était simple: recaser les vendeurs ambulants dans le cadre de plateformes de commerce de proximité. La réflexion, qui a germé il y a 3 ou 4 ans, a finalement été traduite sur le terrain avec le lancement en juillet 2015 de la 1re plateforme de commerce de proximité (voir aussi notre édition du 3 juillet 2015). Aujourd’hui, deux structures sont déjà opérationnelles (celles de Abi Dor Al Ghifari et Al Firdaous), accueillant plus de 500
Fort de plus de 600.000 habitants, le territoire de Bernoussi est situé dans la banlieue nord-ouest de la métropole. A l’origine, un quartier ouvrier qui a accueilli des vagues de ménages de la classe moyenne dans les années 70-80
marchands ambulants transformés en commerçants sédentaires. Ce nouveau concept de plateformes de commerce de proximité (PCP) a fait rapidement des adeptes, à la fois auprès des commerçants et de la clientèle.
«Mais, lorsqu’on a commencé à installer ces marchés, on s’est rendu compte qu’il fallait régler la problématique de l’espace public dans sa globalité et non seulement le dossier sensible du commerce anarchique», explique Jamal Daloul, SG de l’Association de développement des espaces publics (ADEP).
D’où l’idée d’aller au-delà en entamant une véritable reconfiguration de l’espace public. L’objectif étant de combler le manque en matière d’espaces verts, mobilier urbain, espaces de promenade, de sorties pour les familles… Du coup, les simples plateformes de départ se sont transformées en structures offrant un véritable package urbain.
Ainsi, la PCP d’Al Firdaous, qui offre une assiette foncière importante aux alentours, a été totalement reconfigurée. Ce terrain vague, abandonné et jonché de détritus il y a quelques années, englobe aujourd’hui, outre la mosquée et la PCP, un espace dédié aux vendeurs de sandwichs, baptisé Maklati (traduction: ma bouffe), un jardin public… Sont prévus également plusieurs terrains de proximité (dédiés au foot, basket et volley). Et ce n’est pas tout. Un grand espace, baptisé «Oasis», est en cours d’aménagement au cœur du quartier. Des palmiers (déracinés sur la trajectoire du tram) y sont transplantés suivant un design paysagiste, qui rappelle les oasis. Outre les plans d’eau, espaces verts, aires de jeux, skate-park… un théâtre en plein air (pouvant accueillir jusqu’à 1.000 personnes) est aménagé au centre de cette
«Maklati» est un nouvel espace consacré au fast food. Grâce à un partenariat avec un fournisseur unique (Koutoubia), qui leur a accordé un abattement de 49%, les commerçants vendent leurs sandwichs à des tarifs défiant toute concurrence esplanade. Des animations (pièces théâtrales, spectacles divers…) y seront offertes gratuitement au grand public. Le site accueillera aussi un café et une librairie. «Ce nouvel espace est conçu pour devenir un pôle d’attraction pour les riverains», annonce Dalou. Le tout est financé en partie par les fonds de l’INDH, mais aussi grâce à des dons et contributions d’entreprises (financières ou en nature).
Parmi ces entreprises citoyennes figurent la fondation Jamaï, Whirlpool, Somaca, Michoc, Prominox, Univers Acier… Somaca a même offert gratuitement une voiture (Logan), exposée à l’entrée de la plateforme d’Al Firdaous. Une tombola, organisée chaque semaine dans les plateformes, permet aux acheteurs de gagner des lots divers (allant d’un simple ballon, un réfrigérateur ou une cuisinière à une voiture). L’appui des entreprises a suscité une émulation et la proximité de la zone industrielle, qui abrite plus de 600 unités est en fait un atout pour le quartier.
Aujourd’hui, l’expérience de cette préfecture en matière de lutte contre l’occupation du domaine public est digne de figurer dans les annales. D’ailleurs, plusieurs villes (Marrakech, El Jadida, Agadir, Benslimane) et arrondissements (Maârif, Anfa, My Rchid, Sidi Belyout …) vont s’en inspirer. En effet, cette stratégie locale basée sur le bénévolat et la rationalisation des financements de l’INDH peut être dupliquée à l’échelle nationale. Si l’un des quartiers les plus difficiles de la métropole l’a réussi, pourquoi pas d’autres?
«Zéro ferrachas»!
Quatre à 6 millions de DH. C’est le montant nécessaire pour l’aménagement d’une plateforme d’accueil de 200 à 300 vendeurs ambulants (ou ferrachas). Outre les deux plateformes opérationnelles, 4 autres sont en cours d’aménagement sur le territoire de Sidi Bernoussi. A terme, 14 plateformes accueilleront près de 4.000 vendeurs ambulants de la zone (Azhar, Anassi, Attacharouk…), à raison de 240 bénéficiaires par plateforme. Le tout pour un budget global avoisinant les 70 millions de DH. Le principe est simple: rien n’est construit en dur, pas de propriété, ni de location… Les commerçants s’acquittent d’un montant de 40 DH/jour (soit 1.200 DH/mois) pour bénéficier d’un espace sous chapiteau de 1,5 sur 3 m, avec services de gardiennage, maintenance et nettoyage inclus. La gestion de ces espaces est confiée à un opérateur privé (Park Zine). L’idée est d’éviter le principe de la propriété et d’encourager ces vendeurs à sortir de l’informel. Ces derniers bénéficient aussi d’accompagnement et de formation en gestion (assurée par la Fondation Mohammed V). Une manière de les préparer à adopter le statut d’auto-entrepreneur. Mais, l’un des effets induits de ces nouvelles structures est la baisse des taux d’agressions et de criminalité dans les environs. C’est en tout cas le sentiment des riverains en l’absence de chiffres officiels pour l’étayer.
L’homme par qui le changement arrive!
La métamorphose du quartier est menée tambour battant par son gouverneur Mohammed Ali Habouha. Cet homme du terrain a enclenché une véritable émulation qui commence à donner ses fruits. D’ailleurs, les riverains ne tarissent pas d’éloges à son égard. Selon des témoignages, le représentant de l’autorité n’hésite pas à mettre la main à la pâte: Il se mêle à la foule, s’implique dans la conception et le suivi des projets et chantiers menés sur son territoire… Ce qui lui a valu la sympathie des habitants. Pourtant, il ne s’agit pas d’un natif de la zone, ni même de Casablanca. Nommé en 2010 gouverneur de l’arrondissement Sidi Bernoussi, Mohammed Ali Habouha, est né à Tan-Tan. Il a démarré sa carrière administrative en 1990 au port de Casablanca, puis à Agadir avant d’être chargé du port de Laâyoune en 1991. Il a également servi en qualité de directeur de projet d’Unité d’exploitation de crustacés en 1997 et de secrétaire général à l’Administration centrale du ministère de l’Intérieur en 2004. Habouha a aussi occupé le poste de secrétaire général, détaché au cabinet du wali de la région de Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra. Il a été nommé en mars 2010 gouverneur de la province de Tarfaya.
Le 27 Août 2016
SOURCE WEB Par Le Matin
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