Compétitivité du tourisme Comment réveiller le levier de la qualité
Abdelmounim Belalia est expert et professeur de management stratégique. En tant que directeur du Centre d’études et de recherches en gestion de l’ISCAE, il a fondé les laboratoires et chaire de recherche du groupe. En 2015, il a créé le mastère Management stratégique et conduite du changement (MS2C) dont il est responsable. Ingénieur, docteur en management stratégique et ancien enseignant-chercheur à l’université Paris Dauphine, il a aussi travaillé dans un cabinet de consulting à Paris spécialisé en management du changement (Ph. TM)
Nous étions contents de revenir dans cette ville touristique du Royaume et changer d’air ne serait-ce que la période d’une conférence de deux jours. Cependant, les désagréments vont commencer dès la confirmation des informations de la réservation. Il a fallu ensuite surmonter le choc psychologique d’une chambre dont l’hygiène ne correspond pas au rang indiqué de l’hôtel. Viendra plus tard l’indisponibilité du personnel et d’autres problèmes… La question de la qualité dans le secteur du tourisme au Maroc est récurrente et ne concerne pas que les petites unités. Nous avons réussi à construire des hôtels avec des investissements énormes mais nous avons omis l’élément le plus important: la qualité du service.
La compétitivité d’un secteur comme le tourisme peut être tirée vers le haut par l’effet de trois facteurs principaux : le prix, la qualité ou l’innovation. Le tourisme marocain, qui s’est appuyé pendant longtemps sur une offre à un prix moyen plus cher que les pays comparables, a opéré dans les dernières années une mue vers une offre accessible à la grande masse des touristes. Un raisonnement sur la base du nombre des nuitées s’est substitué à celui de la valeur ajoutée par touriste. Ce positionnement s’est avéré payant car il a permis au Maroc d’être parmi les destinations les plus prisées dans la région, sans compromettre l’implantation de chaînes touristiques de haut niveau. La compétitivité ne peut donc passer par un effet supplémentaire sur les prix qui serait synonyme d’une baisse des recettes générées par le secteur.
L’innovation peut être un levier de compétitivité lorsque les entreprises ont la possibilité de développer de nouveaux concepts pour fournir la prestation au client. Selon le manuel d’Oslo édité par l’OCDE, l’innovation peut porter sur quatre domaines: le produit (ou la prestation), les procédés, l’organisation ou la commercialisation.
L’innovation dans la prestation consiste à introduire un service nouveau ou amélioré. Dans le secteur touristique, explorer des circuits nouveaux qui exploitent les spécificités locales ou introduire un tourisme écologique qui respecte l’environnement constituent des innovations de la prestation. L’innovation des procédés porte sur les méthodes de produire la prestation et implique de nouvelles techniques, équipements ou méthodes de production. Cuisiner en utilisant une technique nouvelle à vapeur par exemple est une forme d’innovation de procédés. Une entreprise peut aussi innover dans l’organisation interne et externe de ses équipes et processus de travail. Une coordination qui assure le partage des informations sur le client entre les équipes d’hébergement et de restauration dans un hôtel est une innovation d’organisation. Le dernier type d’innovation concerne les méthodes de commercialisation de la prestation. Un hôtel qui conçoit un système intelligent de fixation des tarifs avec les tour-opérateurs serait aussi dans ce type d’innovation.
L’innovation dans le secteur du tourisme reste un levier dont les effets sur la création de valeur sont limités à cause de la marge d’innovation possible dans le secteur et la facilité d’imitation de toute technique ou méthode nouvelle par les concurrents. La qualité est de loin le levier le plus accessible et le plus déterminant pour améliorer la compétitivité du secteur. Elle représente un langage commun que tout client peut comprendre: un service de qualité sera apprécié par un client japonais comme par un client russe. La qualité est le moyen idoine pour dépasser les frontières et exporter une offre touristique aux différents clients étrangers.
Une démarche qualité dans le secteur du tourisme peut porter sur plusieurs volets. Le premier est lié à l’information et la communication car il s’agit de donner aux clients des informations claires et sans équivoques quel que soit le moyen de communication (téléphone, site internet, mail…). L’accueil est un domaine important dans le secteur puisqu’il doit être synonyme de disponibilité, de courtoisie et d’attention. Vient ensuite le confort des lieux qui renvoie à la propreté et à l’entretien des commodités utilisées et des endroits fréquentés. Comme élément transversal, la compétence du personnel garantit une prise en compte des attentes des clients et des réponses adéquates dans tous les maillons de la chaîne de valeur.
L’offre marocaine est caractérisée en général par une qualité qui ne la met pas dans un niveau haut de compétitivité. Plusieurs facteurs expliquent cette réalité. Le premier est lié à l’insuffisance des ressources humaines qualifiées dans le domaine. L’ouverture de plusieurs centres de formation dans les métiers du tourisme n’a permis que partiellement de répondre à ces besoins. La culture des managers des établissements est aussi un facteur explicatif du niveau de la qualité. Plusieurs mettent l’accent sur des indicateurs comme la rentabilité ou le taux de remplissage et ne font pas le lien avec la qualité comme facteur de performance. Les coûts de la non-qualité peuvent en effet atteindre jusqu’à 30% du chiffre d’affaires, ce qui représente une perte pour le secteur.
Le côté positif de cette réalité est que la marge reste importante pour les entreprises et les opérateurs afin de différencier leurs offres par la qualité. Le tableau n’est pas tout noir et les initiatives ne manquent pas. Le Grand Mogador Tanger est le premier hôtel d’Afrique certifié HotelCert en catégorie prestige. Au ministère du Tourisme, une direction dédiée à la réglementation, le développement et la qualité mène les caravanes et les campagnes dans les villes du Royaume pour sensibiliser les opérateurs à l’importance de ce thème. Il faut dire que l’offre touristique marocaine a réussi le tremplin vers une offre accessible en s’appuyant sur des infrastructures touristiques de haut niveau. Le défi suivant est de parier sur les ressources humaines pour des compétences et une culture basée sur la qualité du service.
SMQ
Dans le secteur du tourisme, plusieurs certifications et labels qualité peuvent couronner l’effort d’une entité. La certification HotelCert par exemple est une rétribution de l’effort dans sept domaines: le sourire, la disponibilité, les informations pratiques et touristiques, la tranquillité, la propreté, la bonne literie et le contrôle qualité. Mettre en place un Système de management de la qualité (SMQ) est souvent un investissement lourd en termes de temps et de ressources et un chemin dont la réussite dépend aussi bien de l’engagement de la direction que de l’implication du personnel de l’entreprise.
Le 29 Avril 2016
SOURCE WEB Par L’économiste
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