L'escalade Téhéran/Ryad risque d'alimenter les guerres par procuration
L'ambassade d'Arabie saoudite incendiée à Téheran
L'escalade entre l'Iran et l'Arabie saoudite après l'exécution d'un chef religieux saoudien risque d'alimenter les guerres par procuration qu'elles se livrent, notamment en Syrie et au Yémen, selon des experts.
Ryad a annoncé dimanche soir la rupture de ses relations avec l'Iran qui avait dénoncé violemment l'exécution du cheikh Nimr al-Nimr samedi en Arabie saoudite. Des manifestants iraniens avaient en outre attaqué les représentations saoudiennes à Téhéran et à Machhad.
L'exécution de cheikh al-Nimr va "contribuer à la polarisation saoudo-iranienne", affirme Jane Kinninmont de l'institut Chatham House à Londres.
"L'Iran cherche à se positionner comme le défenseur des intérêts des chiites mondialement", explique-t-elle. Et "les autorités saoudiennes verront dans la réponse iranienne une validation apparente de leur perception que l'Iran se mêle de leurs affaires intérieures".
Ryad a d'ailleurs dénoncé, en annonçant sa rupture avec Téhéran, "les ingérences négatives et agressives de l'Iran dans les affaires arabes qui entraînent souvent dégâts et destructions".
Les experts notent que l'Arabie saoudite mène une politique étrangère et militaire plus audacieuse et plus affirmée depuis l'avènement en janvier 2015 du roi Salmane et la montée en puissance de son jeune fils Mohammed, propulsé vice-prince héritier et ministre de la Défense.
Le royaume a pris en mars la tête d'une coalition arabo-sunnite qui est partie combattre au Yémen des rebelles chiites, accusés de liens avec Téhéran, mais le conflit s'est enlisé et aucune issue n'est en vue.
- Ryad "joue avec le feu" -
Les Saoudiens "jouent avec le feu, c'est évident", estime François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris. Depuis le début du conflit au Yémen, ils sont "dans la même fuite en avant".
"S'ils jugent que la confrontation avec l'Iran est inévitable, autant la provoquer au moment où les Américains sont encore là et où l'Iran est encore dans une situation économique et militaire relativement peu flambante", relève-t-il.
Pour Mahjoob al-Zweiri, professeur d'études moyen-orientales à l'Université du Qatar, des choses ont radicalement changé entre Téhéran et Ryad.
"L'Iran avait parié dans le passé sur une politique étrangère et intérieure saoudienne hésitante. Mais, au cours de l'année écoulée, la donne a complètement changé et Ryad a adopté une position plutôt provocatrice à l'égard de Téhéran", explique-t-il.
Le mois dernier, Ryad a organisé une réunion sans précédent des factions politiques et des groupes armés de l'opposition syrienne qui luttent contre le régime de Bachar Al-Assad, soutenu par l'Iran.
Quelques jours plus tard, le prince Mohammed ben Salmane a créé la surprise en annonçant la formation d'une "coalition antiterroriste" de 34 pays à majorité sunnite, visiblement pour faire taire les critiques selon lesquelles le monde musulman et l'un de ses chefs de file, l'Arabie saoudite, n'ont rien fait jusqu'ici contre les jihadistes.
Certains pensent "qu'une politique proactive et déterminée de l'Arabie saoudite est à même d'obtenir des résultats, y compris dans la réponse à l'Iran et à sa politique dans la région", indique M. Zweiri.
- Luttes d'influence -
L'exécution de cheikh al-Nimr est intervenue alors des tentatives avaient été menées en décembre pour donner une chance à des règlements politiques en Syrie et au Yémen.
Mais, selon M. Zweiri, la tension provoquée par l'exécution de samedi "pourrait pousser Téhéran à davantage de coordination avec Moscou pour compliquer encore plus la situation en Syrie".
Les Iraniens pourraient aussi "prolonger le conflit au Yémen dans le but d'épuiser l'Arabie saoudite, confrontée à l'effondrement des prix du pétrole", selon lui.
Les mises à mort en Arabie ont d'ailleurs précédé de quelques heures l'annonce de la fin du cessez-le-feu au Yémen, la coalition sous commandement saoudien accusant les rebelles pro-iraniens d'avoir profité de la trêve pour avancer leurs pions.
L'aggravation des tensions rappelle aux Occidentaux que le monde musulman reste secoué par des luttes d'influence entre "Saoudiens et Iraniens, Persans et Arabes, sunnites et chiites" dont les enjeux sont autrement plus importants aux yeux de Ryad et Téhéran que la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique, résume M. Heisbourg. Pour ces deux "principaux acteurs du Moyen-Orient, la lutte contre Daech (un acronyme de l'EI) est le cadet de leurs soucis"
Le 06 Janvier 2016
SOURCE WEB Par Atlas Info
Les tags en relation
Les articles en relation
Perspectives 2016 Banque mondiale La croissance de la région MENA beaucoup plus rapide que la moyen
Selon la Banque mondiale, l’atonie de la croissance dans les principaux pays émergents pèsera sur la croissance mondiale en 2016. Dans la région Moyen-O...
Découverte d’un nouveau type de roche sur la lune
En mission sur la lune depuis 2013, le rover chinois Lapin de Jade a découvert un nouveau type de roche volcanique. Cette découverte a été annoncée par l...
La TPE marocaine en quête d’une bouée de sauvetage
Attijariwafa bank rouvre le débat autour de ces structures entrepreneuriales Le tissu entrepreneurial reste fragile compte tenu du poids de l’informel qui...
Une autre crise avec les Pays-Bas ?
Le Parlement néerlandais vient d’approuver une proposition sur la dénonciation de manière unilatérale de la convention maroco-néerlandaise sur la sécuri...
Arrestation au Maroc d'un belgo-marocain directement lié aux attentats de Paris (officiel)
Le bureau central des investigations judiciaires (BCIJ) relevant de la Direction Générale de la Surveillance du Territoire (DGST) a réussi à arrêter, vendr...
Comment l'Etat islamique tisse sa toile sur la planète
Sur la défensive en Syrie et en Irak, le groupe Etat islamique (EI) profite de sa renommée pour rallier des organisations djihadistes ou des individus isolés...
Le Maroc a suspendu toutes ses relations avec la Délégation européenne de Rabat
Le ministère des Affaires étrangères et de la coopération a enjoint aux ministères marocains de cesser leur coopération avec les institutions européennes...
Tunisie: chute de près de 34 % des recettes touristiques à fin novembre
Les recettes touristiques de la Tunisie ont accusé une chute vertigineuse de près de 34 % sur les onze premiers mois de l'année 2015, marqués par des at...
La CGEM fait de son université d'été un rendez-vous de premier plan
ROUND UP. Ce fut à la fois intéressant, frais et consistant. Pour sa deuxième édition, l’université d’été de la CGEM a fait l’événement et marq...
L'État islamique menace à nouveau la Grande-Bretagne
L'État islamique (EI) menace à nouveau la Grande-Bretagne. Cette fois c'est par le biais d'une vidéo dans laquelle des membres du groupe jihadist...
CES de Las Vegas la French Tech en force, mais le tourisme très discret
190 start-up françaises sont présentes au Consumer Electronics Show mais le tourisme reste largement sous-représenté. Le Consumer Electronics Show (CES) ...
Le Maroc condamne fermement l'attentat de Zliten
Le Royaume du Maroc a condamné fermement l'attentat à la voiture piégée qui a visé un centre de formation de la police dans la ville de Zliten, ayant f...