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Maroc Abdelilah Benkirane, Choisi comme Premier Ministre

Maroc  Abdelilah Benkirane,  Choisi comme Premier Ministre

Abdelilah Benkirane a prêté serment devant le roi Mohammed VI ce mardi. Son parti, le PJD, était arrivé en tête des élections REUTERS / Stringer Le tonitruant chef du parti islamiste a été choisi comme Premier ministre par le roi du Maroc, après la victoire du PJD aux élections législatives de vendredi. Portrait. De l'action violente à la politique C'est dans l'action clandestine qu'Abdelilah Benkirane fait ses premières armes. Il intègre la Chabiba al-islamiya. Ce groupe estudiantin radical islamiste combat très violemment les mouvements de gauche dans les années 1970-1980. Mais l'assassinat d'Omar Benjelloun, un syndicaliste socialiste, en 1975, provoque une profonde crise dans ses rangs: faut-il rester dans l'action violente ou la récuser et se tourner vers l'action politique? Abdelillah Benkirane, alors âgé de 22 ans, choisit la seconde voie. Il tourne le dos à la clandestinité. "Une décennie après, le drame algérien fonctionne comme un repoussoir" et le confirme dans son choix, écrit Tel Quel. Pendant des années, il "se fraye un chemin atypique dans les méandres de l'islamisme politique marocain", lit-on sur Slate Afrique. Il arrime associations et partis les uns aux autres (notamment le MUR, ou Mouvement unification et réforme) pour aboutir à la création du Parti de la Justice et du Développement (PJD), et participe aux tractations avec le pouvoir pour obtenir sa légalisation en 1998. L'Express racontait ce long chemin vers la légalité en 2006, à travers le portrait du leader du PJD, Saadeddine el-Othmani. En 2008, ce dernier est supplanté par Abdelilah Benkirane, élu secrétaire général de la formation dite "islamiste modérée". Trois ans après cette consécration, il a fait du PJD le premier parti du Maroc et va mener le prochain gouvernement. Le credo qu'il affiche Issu d'un milieu pieux et conservateur, "diplômé de physique, député de Salé, ce père de six enfants est un pragmatique", écrit Le Monde à qui il accorde une interview en 2008 pour exposer son credo politique. Il prône une "moralisation de la vie politique au Maroc" alors que la société "souffre de nombreux maux, surtout de la corruption et du clientélisme". Il veut un PJD "exemplaire" et modéré: il dit "non" à la charia qu'il promet de ne jamais imposer. "Les gens attendent de nous des solutions à leurs problèmes (santé, éducation, chômage...) Même si notre référentiel est islamique, notre contrat avec la population marocaine est politique." Les gens attendent de nous des solutions à leurs problèmes. Même si notre référentiel est islamique, notre contrat avec la population marocaine est politique Autre volet indispensable pour comprendre Abdelilah Benkirane: il s'affiche comme profondément monarchiste. "Nous soutenons entièrement le souverain", clamait-il en 2008 comme ces derniers temps. "Je suis un monarchiste convaincu", a-t-il déclaré cette semaine, ajoutant qu'"un Premier ministre qui va tenir tête au roi ne risque pas de réussir" dans cette monarchie parlementaire naissante. Un point sur lequel il s'oppose aux radicaux islamistes qui faisaient partie du "Mouvement du 20 février", et espéraient sans doute une réforme plus profonde de la Constitution du Maroc que celle concédée par Mohammed VI. Un penchant populiste Jamais de cravate pour Abdelilah Benkirane qui aime rappeler qu'il vient du quartier populaire d'Al-Akkari à Rabat. Visage affable, les yeux un brin ironiques sous des sourcils noirs épais, barbe poivre-sel finement rasée, cet orateur charismatique fait un tabac à la tribune et à la télévision. Même si ses anciens "camarades" le traitent "d'agent du Makhzen" (le palais royal), il va devenir "la figure incontestée, presque naturelle de l'antisystème, un comble pour celui qui est né dans ses jupes", écrit Slate Afrique, ajoutant: "Son populisme à visage débonnaire séduit aussi bien les démunis que les classes moyennes". "Nous sommes décidés à combattre au maximum les dégâts commis par les gens et les partis d'influence qui gravitent autour de lui, dépassent les limitent acceptables et font du tort à l'ensemble du pays", répondait-il au Monde. Sa cible préférée? Fouad Ali El Himma, un ami du roi qui avait tenté de créer son propre parti. Des dérapages qui inquiètent Mais Abdelilah Benkirane, c'est aussi un verbe haut. Un peu trop peut-être, pour certains membres du PJD qui a accusé une vague de démissions en février. Le chef du parti a multiplié décisions sans concertation, coups de tête, "gaffes" et écarts de langage, ces dernières années. "Son animosité et sa violence verbale à l'égard de toute pensée ou attitude qu'il juge attentatoires à la religion trouvent leurs racines (...) dans la confrontation avec les militants d'extrême-gauche à l'Université", explique Tel Quel. En voici quelques illustrations... Je vais essayer d'être plus sérieux et plus rationnel "La laïcité à la française est un concept dangereux pour le Maroc", selon lui. "Les laïques veulent répandre le vice parmi ceux qui ont la foi. (...) Ils veulent que la déviation sexuelle (soit l'homosexualité, dans le vocabulaire islamiste, NDLR) se répande", lançait-il lors d'un meeting de la jeunesse de son parti en juin 2011. Il fait partie des premières voix à condamner les "déjeûneurs" qui mangent en public alors que les musulmans pratiquants observent le jeûne du ramadan. Pour parler d'un festival de musique, il évoque la "souillure" et la "débauche". A ses yeux, Elton John "encourage l'homosexualité au Maroc" et Shakira "favorise les moeurs légères". Sur certains points, il entrerait presque en désaccord avec le roi Mohammed VI... Les droits des femmes posent problème par exemple: au début des années 2000, il s'emporte contre la tenue d'une journaliste et "il défend toujours fermement l'inégalité entre frères et soeurs au moment d'un héritage", malgré la réforme du statut de la femme, selon France 24. Il insulte parfois ses opposants politiques lors de meetings. Et l'identité berbère ou amazighe, qui a pourtant gagné une place plus importante à la faveur de la réforme de la Constitution cette année, fait partie de ses cibles favorites. Objectif: rassurer Son profil tonitruant a pu laisser penser que le roi lui préfèrerait Saadeddine el-Othmani, psychiatre discret et consensuel, pour occuper la tête du nouveau gouvernement. Mais, au vu de la victoire historique du PJD dans les urnes, Abdelilah Benkirane transforme l'essai et devient Premier ministre d'un futur gouvernement de coalition, issu des élections du 25 novembre dernier. Avant cela, il a mutiplié les déclarations visant à rassurer les Marocains comme les Occidentaux. Ce samedi, sur France 24, il a fait une promesse: "Je vais essayer, moi et l'équipe qui va travailler avec moi, d'être plus sérieux et plus rationnel." Pendant la campagne électorale, il a d'ailleurs mis en avant "un grand bon sens sous un habillage religieux revu à la baisse", souligne Christian Makarian, directeur délégué de la rédaction de L'Express, dans sa chronique. Ce mardi, sur Europe 1, Abdelilah Benkirane ajoutait: "Il y a des termes comme démocratie, liberté, droits de l'Homme qui sont impossibles à dépasser." Au sujet des femmes, l'orateur a l'habitude d'évoquer ses filles ou sa femme qu'il n'a "jamais obligées à porter le voile"... A l'antenne de la radio française, il ne peut s'en empêcher: "Je ne veux pas avoir des problèmes avec les femmes. Avec la mienne, c'est déjà suffisant" Et de conclure: "Cessez d'écouter ceux qui agitent l'épouvantail. Vous allez être agréablement surpris, n'ayez pas peur!" SOURCE WEB Par Marie Simon, publié le 29/11/2011 à 16:12, mis à jour à 16:29 L’EXPRESS le 29 Novembre 2011