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Le Maroc célèbre dimanche le soixante et onzième anniversaire du Manifeste du 11 janvier 1944

Le Maroc célèbre dimanche le soixante et onzième anniversaire du Manifeste du 11 janvier 1944

La présentation du manifeste de l’indépendance cristallise la parfaite symbiose entre le Trône et le peuple marocain

La date du 11 janvier est une occasion pour se rappeler l’unité et la cohésion entre la monarchie et le peuple marocain dans leur combat pour l’indépendance et la liberté.

La présentation du «Manifeste de l'indépendance» a marqué un tournant majeur dans la lutte du Maroc pour sa libération, dans la mesure où les élites patriotiques, qui étaient jusque-là réformistes, sont devenues indépendantistes. En effet, le mouvement nationaliste, au travers de toutes ses organisations, depuis le jour où il a commencé à œuvrer à visage découvert, soit à partir de la publication du «dahir berbère» du 16 mai 1930, exigeait jusque-là le strict respect du traité du Protectorat, c'est-à-dire en deux mots, le maintien de la souveraineté marocaine et la modernisation, via des réformes conséquentes, du pays. L’événement majeur après le 11 janvier 1944 fut le discours du Sultan Sidi Mohammed Ben Youssef à Tanger le 9 avril 1947.

La célébration par le peuple marocain du 71e anniversaire de la présentation, le 11 janvier 1944, à S.M. le Sultan Sidi Mohammed Ben Youssef d’un texte intitulé «Ouathiqat Al Istiqlal», est une occasion donc pour se remémorer la portée hautement symbolique d’un événement historique qui traduit la communion du peuple et du Trône dans la défense des valeurs spirituelles et nationales de la patrie.

Présenté par le Parti de l'Istiqlal, nouvellement créé à l’époque, le Manifeste de l’indépendance constitue un document qui illustre un événement dans le processus de la lutte héroïque menée par les Marocains pour la libération et l'indépendance du pays et le parachèvement de son intégrité territoriale. Les signataires du Manifeste avaient alors réclamé la fin du régime de protectorat imposé au Maroc par le traité du 30 mars 1912. Il s'agissait de réclamer l'indépendance du Maroc.

«La date du 11 janvier est une occasion pour se rappeler l’unité et la cohésion entre la monarchie et le peuple marocain dans leur combat pour l’indépendance et la liberté. Poursuivant les mêmes objectifs, le Roi et le peuple ont pu faire face au système en place et acculer le colonisateur à revoir ses calculs. En effet, le Souverain et le mouvement nationaliste étaient d’accord sur le fait qu’un changement de la situation du Maroc s’imposait et qu’il fallait mettre fin au régime du protectorat», explique l’universitaire et historien Mohamed Larbi Messari.

Le Manifeste de l'Indépendance comportait en particulier des revendications relatives à l'indépendance «dans son intégralité nationale sous l'égide de Sa Majesté Sidi Mohammed Ben Youssef», ainsi que des démarches auprès des pays concernés pour garantir cette indépendance et l'intégration du pays au sein du groupe des États ayant approuvé la Charte de l'Atlantique.

Le document insistait en particulier sur l'intérêt royal porté au mouvement de réformes et à la création d'un régime politique de la choura garantissant les droits et devoirs de toutes les composantes du peuple marocain. Cet événement a ravivé la flamme de la résistance au sein du peuple marocain, d'autant plus que feu S.M. Mohammed V avait réitéré, lors de sa visite historique à Tanger en 1947, les revendications contenues dans le Manifeste, et refusé ainsi de se plier aux autorités coloniales.

La tenue en janvier 1943 de la Conférence d'Anfa à Casablanca avait été l'occasion pour feu S.M. Mohammed V, de rencontrer le Président américain de l'époque, Franklin Roosevelt, et le Premier ministre britannique, Winston Churchill. feu S.M. Mohammed V avait, ainsi, saisi cette opportunité pour soumettre à la conférence l'idée de l'indépendance du Maroc et d'une adhésion du Royaume à la Charte Atlantique. Laquelle idée avait reçu le soutien du Président américain qui a qualifié de logique l'ambition du Maroc de recouvrer sa liberté. Un an après cette conférence, les nationalistes, sous la conduite de feu S.M. Mohammed V, avaient élaboré un document portant sur les principales revendications, particulièrement l'indépendance.
La réponse de la Résidence coloniale à la présentation du Manifeste a consisté en une forte pression sur Sa Majesté le Sultan pour qu'il se démarque de l'idée de l'indépendance, et le lancement d'une série d'arrestations de nationalistes.

Le 28 janvier de la même année, une large vague d'arrestations a frappé les rangs du Parti de l'Istiqlal et a notamment conduit à l'emprisonnement de son secrétaire général, feu Ahmed Balafrej. Des vagues de soulèvements et de manifestations se sont soldées par de nombreuses victimes, en particulier dans les villes de Fès, de Rabat et de Salé.

De nombreux résistants furent traduits devant le tribunal militaire pour atteinte à l'ordre public et furent mis à mort. 67 personnes ont signé ce Manifeste. Tous font partie du panthéon marocain : grands résistants avant l'indépendance, les signataires sont devenus ensuite les symboles du Maroc libre.


Témoignages

Abdelmajid Benjelloun, historien et écrivain marocain

«Il reste beaucoup à faire pour sensibiliser les jeunes à cet anniversaire»

Il faut tout d’abord mettre l’accent sur la grande question des rôles respectifs des élites et du peuple dans les grands événements historiques. Il y aurait beaucoup de choses à dire à ce sujet, pour ce qui concerne la libération du Maroc en 1955-56. Mais pour me limiter à la période 1944-56, il est clair que le peuple a soutenu le Manifeste de l'indépendance, les preuves en sont les manifestations de rue, et notamment à Rabat, réprimées dans le sang. Cela étant, le peuple dans son écrasante majorité était absolument contre l’exil du Sultan, et il l’a montré avec une multitude d’actions et d’attitudes.

La majorité du peuple vivait à la campagne, et ses revendications s’exprimaient précisément par la voie et la voix des nationalistes organisés en partis politiques, surtout par le Parti de l’Istiqlal, auteur du Manifeste de l'indépendance, qui était à l’époque le parti nationaliste marocain le plus important. Les patriotes organisés politiquement et même syndicalement voulaient, pour employer une formule lapidaire, un Maroc moderne et démocratique.
Aujourd’hui, je pense que les célébrations qui sont faites autour du 11 janvier au Maroc sont une bonne chose. Le 11 janvier, soit le jour de présentation du Manifeste, est même devenu une fête nationale, et il faut s’en féliciter vivement. Quant à savoir si les Marocains et la jeunesse sont suffisamment sensibilisés à ce jour important, je ne le pense pas. Certes, les manuels d’histoire dans les écoles et les lycées l’évoquent.

Mais il reste beaucoup à faire pour sensibiliser davantage les jeunes à ce Manifeste. Je n’ai pas de propositions concrètes, si ce n’est que le théâtre et le cinéma – je ne parle pas ici de la littérature, car l’on sait que les jeunes lisent peu – pourraient être mis à contribution à cet effet. Le devoir de mémoire est-il respecté au Maroc ? Que fait-on pour entretenir le souvenir ? Je pense que oui, dans une certaine mesure, ne serait-ce que parce que nos historiens font leur travail. Mais malheureusement, le grand public, comme on dit, ne lit pas leurs ouvrages.

Mohamed Larbi Messari, universitaire et ancien ministre  «Une occasion exceptionnelle pour commémorer la symbiose entre le mouvement nationaliste et la monarchie»

«La date du 11 janvier est une occasion pour se rappeler l’unité et la cohésion entre la Monarchie et le peuple marocain dans leur combat pour l’indépendance et la liberté. Poursuivant les mêmes objectifs, le Roi et le peuple ont pu faire face au système en place et acculer le colonisateur à revoir ses calculs. En effet, le Souverain et le Mouvement nationaliste étaient d’accord sur le fait qu’un changement de la situation du Maroc s’imposait et qu’il fallait mettre fin au régime du protectorat.

De leur côté, les nationalistes, confiant en la volonté d’un Souverain qui s’est monté digne de son rôle et de son statut depuis son intronisation en 1927, lui ont adressé leur manifeste qui demande l’indépendance. Pour sa part, Mohammed V a soumis ce manifeste au gouvernement qui à son tour a affirmé qu’il fallait se mettre du côté des revendications populaires. Cet événement est donc une occasion exceptionnelle pour commémorer cette symbiose et ce soutien mutuel entre le mouvement nationaliste et la Monarchie dans leur lutte pour la liberté et la dignité.

Il y a aussi un point important qu’il faut signaler, le Manifeste du 11 janvier 1944 n’était pas le premier du genre. Un document émanant des nationalistes de la zone nord du Maroc avait été soumis au Souverain le 14 février 1942. Ce document de plusieurs pages, signé par deux leaders du mouvement nationalistes dans le Nord, à savoir Abdelkhalek Torrés et Mekki Naciri, revêt une importance particulière.

Ce document était axé sur deux objectifs principaux, l’indépendance et l’unité nationale. En effet, les élaborateurs de ce manifeste qui a été adressé au sultan Mohammed V mettait l’accent sur la nécessité de mettre fin au système du protectorat dans les zones nord et sud du Royaume, mais aussi sur l’unité des deux zones sous l’égide du Sultan.

Pour finir, il est important de rappeler la symbolique de cette date et qui, comme je l’ai dit au début, reflète cette forte convergence et cette synergie entre les revendications populaires et les objectifs qui ont été fixés par un Sultan à l’écoute de son peuple».

 

12 janvier 2015 –

SOURCE WEB Par  A.A. et A.L., LE MATIN

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