Maroc : «Pourquoi Mohammed VI s’est lancé dans l’aventure spatiale» – la tribune de Mathieu Luinaud
« Les besoins de surveillance du Front Polisario au Sahara occidental et des relations diplomatiques tendues avec l’Algérie voisine justifient des capacités de surveillance souveraines »
Le tremblement de terre qui a frappé la région du Haut Atlas le 8 septembre 2023 a révélé l’importance des capacités spatiales dans la réponse aux crises et catastrophes naturelles. Si les capacités mobilisées en urgence ont été internationales, avec l’activation de la charte internationale « espace et catastrophes majeures », sur demande de l’Onu pour le compte de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, cette catastrophe a aussi rappelé l’importance de disposer de capacités souveraines tout en sensibilisant l’opinion publique aux enjeux du spatial.
Le royaume chérifien est loin d’avoir attendu cette catastrophe qui l’a frappé pour s’intéresser à ce domaine et a même été parmi les premières puissances du continent africain en matière de développement. C’est notamment le rôle du Centre royal de télédétection spatiale (CRTS), qui fait office d’agence spatiale nationale et de gestionnaires de la diffusion d’imagerie satellite dans le pays. Le pays compte en effet une capacité souveraine en observation de la Terre grâce au double programme de satellites Mohammed-VI A et B lancés respectivement en 2017 et 2018 dont l’un est consacré aux usages militaires d’espionnage et l’autre a une vocation davantage civile.
Données. Sur le plan domestique et dans une économie où l’agriculture et la pêche représentent autour de 12% du PIB, une utilisation plus intensive de la donnée spatiale offre des perspectives indéniables de gains de productivité pour le pays, avec un meilleur contrôle des semences et des ressources halieutiques dans une double perspective d’efficacité et de préservation pour le pays.
Les enjeux sont aussi liés à la sécurité nationale. Les besoins de surveillance du Front Polisario au Sahara occidental et des relations diplomatiques tendues avec l’Algérie voisine justifient des capacités de surveillance souveraines et qui ne sont pas étrangères au renouvellement annoncé des deux satellites espions du Royaume qui ont fait l’objet d’un nouveau contrat mi-2023.
Il semblerait d’ailleurs que ce renouvellement se fasse au détriment de la France et du consortium formé par Airbus et Thales Alenia Space, à l’origine des satellites précédents. C’est la firme israélienne Israel Aerospace Industries (IAI) qui aurait été retenue, dans un contexte de tensions diplomatiques entre la France et le Maroc. Cette nouvelle génération de satellites d’observation de la Terre, connue sous le nom OptSat-3000, offrirait une résolution de 40?cm, contre 70?cm pour les satellites Mohammed-VI, ainsi qu’une interopérabilité avec la constellation d’imagerie radar italienne COSMO-SkyMed, qui offrirait de nouvelles perspectives de fusion de données utiles notamment pour l’Etat marocain.
Distanciation. Ce choix, qui peut surprendre dans sa distanciation du partenaire français historique , peut par ailleurs s’expliquer par le rapprochement récent entre le Maroc et Israël, dont la société IAI a été un bénéficiaire de premier plan, via la signature d’un accord de coopération consistant particulièrement en la construction d’un centre d’excellence à l’Université de Rabat pour y développer l’effort de R&D spatiale et la formation d’experts marocains.
La préfiguration de ce nouveau pôle d’expertise n’est qu’un des atouts dont pourrait disposer le Maroc pour devenir, à terme, une terre d’industrie spatiale. Sur le plan manufacturier, la proximité géographique avec l’Europe et la préexistence de voies commerciales faciles d’accès peut en faire un choix privilégié de localisation de sites de production offrant, entre autres, des coûts de production réduits. Cette tendance est déjà à l’œuvre dans l’industrie automobile où les grands industriels consentent des investissements colossaux dans les chaînes de production locales, leur permettant de dégager plus de marges bénéficiaires pouvant par la suite être réinvesties dans la R&D, une dynamique aujourd’hui facilitée par des accords de libre-échange qui se multiplient et des procédures administratives rapides et allégées.
Mathieu Luinaud est enseignant en économie à Sciences Po Paris, expert du secteur spatial et auteur de « L’Industrie Spatiale » dans la collection Que sais-je??
Le 19/01/2024
Source web par : lopinion
www.darinfiane.com www.cans-akkanaitsidi.net www.chez-lahcen-maroc.com
Les tags en relation
Les articles en relation
Airbus assomme Boeing en plaçant l'A350-1000 chez Qantas
Dix jours après avoir vendu 50 A321 XLR à United Airlines, Airbus remporte l'appel d'offres lancé par la compagnie australienne pour son projet de vo...
Le Maroc est appelé à devenir un pôle régional de l’industrie de défense aérienne
Trois entreprises aérospatiales, Sabca Maroc, la société belge Sabena – une filiale de Blueberry Group – et la société américaine Lockhead Martin, von...
Comment Norwegian se bat pour sa survie en 3 points
L'année 2019 sera décisive pour l'avenir de la low-cost, minée par une dette de deux milliards d'euros. La compagnie a lancé un plan de réducti...
Toulouse. Un vol monocouloir sans une goutte de kérosène pour fin 2021, Airbus affiche ses ambitio
Les principaux acteurs aéronautiques français, dont Airbus à Toulouse, annoncent leur ambition de faire voler un monocouloir avec 100% de carburant alternati...
C’était juste un petit avant-goût. Par Von Alfred Hackensberger du journal allemand WELT
Les personnes qui ont rejoint Ceuta à la nage ces derniers jours seront suivies par beaucoup d’autres. Surtout si l’Europe ne reconnaît pas enfin le Maroc...
#MAROC_UNION_SOVIETIQUE_PECHE: Quand l'Union soviétique venait provoquer le Maroc dans les eaux au
Au début des années 1980, l'Union soviétique a été contrainte de payer une amende au Maroc afin de libérer quatre navires russes de pêche, retenus pa...
Air France lance de nouvelles liaisons vers Marrakech, Rabat et Agadir
La compagnie aérienne Air France vient d’annoncer le lancement de trois nouvelles liaisons vers Marrakech, Rabat et Agadir à partir du printemps 2017. Le...
Séisme d'Al Haouz : Aziz Akhannouch s'est rendu ce samedi dans les zones sinistrées
Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, s'est rendu ce samedi 23 septembre, dans certaines régions touchées par le séisme qui a frappé le Maroc le 8 s...
Boeing pourrait provoquer un crash boursier mondial
Le constructeur aéronautique américain Boeing est le plus important acteur de l'indice Dow Jones, dont il représente 11,6%. Son impact sur la dynamique d...
L'Allemagne Accepte la Décision de la CJUE Invalider les Accords UE-Maroc sur la Pêche et l'Agricu
L'Allemagne a pris acte de la décision de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) qui a annulé deux accords commerciaux signés entre l'U...
Sahara : De Mistura devant le Conseil de sécurité, le 16 octobre
L’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental informera, le 16 octobre, les membres du Conseil de sécurité sur se...
La terre a tremblé à Agadir
Début de semaine intense à Agadir. La ville a en effet été le théâtre d’un tremblement de terre. La secousse, dont l’épicentre est à Aït Amira à C...