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Interview avec Dr Fadwa Chbani Idrissi : « Le développement du tourisme doit se faire en adéquation avec les ODD »

Interview avec Dr Fadwa Chbani Idrissi : « Le développement du tourisme doit se faire en adéquation avec les ODD »

Membre du laboratoire « LERMA » de l’Université, Dr Fadwa Chbani Idrissi détaille dans cet entretien la place accordée au tourisme durable dans la nouvelle feuille de route du secteur.

Interview avec Dr Fadwa Chbani Idrissi : « Le développement du tourisme doit se faire en adéquation avec les ODD »

- Le Maroc a choisi depuis longtemps la voie du développement durable, de l’énergie renouvelable et du tourisme responsable. Comment évaluez-vous la stratégie et les projets du Maroc en matière de tourisme durable ?

- Le laboratoire de recherche LERMA a mené un travail de recherche relatif à l’engagement et à la gouvernance du tourisme durable marocain. Ce travail de recherche a porté sur plusieurs volets, dont le volet stratégique et opérationnel. Dans ce cadre, et dans l’esprit d’approcher l’objectif central de cette recherche scientifique sur le tourisme durable et sa gouvernance et de confronter tous les résultats issus de l’analyse documentaire avec la réalité du terrain, une enquête a été menée auprès de 70 établissements d’hébergement (EH) de Marrakech et de son arrière-pays, l’échantillon est très diversifié, garantissant ainsi aux résultats de recherche d’être très représentatifs.

Pour la gouvernance de ce chantier, les résultats de l’enquête des EHs ont montré qu’une multitude d’acteurs visibles, qui sont en relation avec les établissements d’hébergement pour le chantier de la durabilité, sont principalement installés au niveau central, il s’agit principalement du ministère du Tourisme, de l’ADEREE (Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique) et des bureaux d’études et de conseil. Ces acteurs ciblent principalement les hôtels structurés.

L’analyse de la relation de coordination entre tous les acteurs et les EHs montre qu’il existe principalement trois types de relation. Il s’agit des réunions, des séminaires de sensibilisation et des propositions techniques et financières.

En ce qui concerne la perception de la durabilité, elle dépend de la localité de l’établissement, autrement dit : les directeurs/responsables d’établissements installés en milieu urbain annoncent toutes les formes du tourisme durable, par contre ceux installés au niveau de l’ancienne Médina affirment qu’ils n’ont aucune idée sur la notion de la durabilité, et ceux installés en arrière-pays pensent que le tourisme durable est équivalent à l’écotourisme. Quant à la perception de l’importance de la durabilité, une prise de conscience de son importance a été remarquée chez les directeurs/responsables des établissements d’hébergement.

Cette prise de conscience est traduite par plusieurs actions volontaires qui sont mises en place par les EHs pour répondre à un besoin précis lié principalement à l’optimisation des factures d’eau et d’électricité. De plus, l’engagement des EHs manque clairement d’une approche intégrée qui touche à tous les piliers du développement durable.

- Le ministère de tutelle se mobilise en déployant son nouveau Plan 23/26. Quelle est la place accordée au tourisme durable dans cette nouvelle feuille de route stratégique ?

- Aujourd’hui, dans le contexte actuel marqué par la sortie de la crise sanitaire Covid-19 et le rayonnement du Royaume à l'échelle internationale depuis la participation du Maroc à la Coupe du Monde au Qatar en 2022, la nouvelle feuille de route du secteur s’est fixé comme objectif de transformer le secteur du tourisme en agissant sur les leviers essentiels dont le développement d’une nouvelle offre, articulée autour de l’expérience client et structurée autour de 9 filières thématiques et 5 filières transverses, dont le développement durable.

Le laboratoire LERMA a aussi mené un travail de recherche portant sur la reconstruction inclusive du secteur après la crise sanitaire pour sa reprise accélérée, et ce travail a proposé une nouvelle approche sur la base des différentes lectures et analyses des chercheurs pour une reconstruction inclusive d’un secteur clef pour l’économie nationale. Ainsi, cette approche proposée a appelé à la prise en considération des Objectifs du Développement Durable (ODD) dans les ateliers de travail programmés par les acteurs pour affiner les objectifs et les projets prioritaires de la nouvelle feuille de route, permettant sans aucun doute de sortir la trajectoire du tourisme marocain de sa dimension traditionnelle à une échelle plus généraliste qui participe directement à la réalisation des ODD.

- Dans la cadre de la «Vision 2020» du tourisme, le Royaume a affiché son ambition de placer le tourisme durable au cœur de sa stratégie. Quel bilan en tirez-vous ?

- Effectivement, l’enjeu de la durabilité, considéré comme un levier de différenciation et de positionnement de la destination touristique marocaine, s’est placé au cœur de la stratégie de développement touristique « Vision 2020 ». Cette forte mutation stratégique et décisionnelle s’est inscrite dans la dynamique enclenchée au niveau national et international autour du sujet du développement durable.

Concrètement, le travail de recherche précité a permis de constater que le tourisme marocain s’est lancé rapidement dans cette dynamique internationale et nationale à travers plusieurs réalisations : le renforcement des critères de durabilité au niveau de la réglementation touristique, l’appui aux professionnels du tourisme, l’encouragement et la promotion des initiatives à travers les Trophées Maroc du Tourisme et la Journée marocaine du tourisme durable.

- Quels sont les enjeux et les défis du tourisme responsable ?

- Afin d’inscrire le tourisme marocain dans les Objectifs du Développement Durable, ce travail de recherche a relevé plusieurs défis. D’abord, sur le volet stratégique, les résultats ont montré qu’un changement d’échelle d’actions s’impose. Un changement qui suppose une mobilisation de tous les acteurs pour mettre en place une démarche intégrée pour le tourisme durable qui permettrait de synchroniser toutes les réglementations concernant le tourisme avec des mécanismes de contrôle, de définir des indicateurs de suivi de la durabilité dans le secteur touristique pour une meilleure planification et gestion du secteur, de sensibiliser le touriste lui-même en mettant en avant les bonnes pratiques dans le secteur, de définir un cahier des charges d’investissement touristique…

Ensuite, en ce qui concerne le volet opérationnel, qui a touché aux établissements d’hébergement, les résultats de recherche ont conclu qu’il y a très peu d’études publiées au niveau international qui définissent la trame à suivre pour inscrire l’industrie hôtelière dans les Objectifs du Développement Durable. Bien que les grandes chaînes hôtelières aient annoncé l’adoption d’une démarche intégrée de la durabilité, la crédibilité des résultats de cette démarche reste limitée. De ce fait, la définition des actions claires et propres à l’industrie hôtelière, dans le cadre des guides pratiques, reste un élément indispensable pour s’assurer de la participation efficace de cette industrie dans les Objectifs du Développement Durable.

- Comment le tourisme durable peut-il participer à la relance du secteur du tourisme au Maroc ?

- Le tourisme durable tel qu’il est défini par l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) est « un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil ».

Par conséquent, et en se basant sur les résultats de recherche, le développement du tourisme doit se faire dans une approche intégrée et inclusive en adéquation avec les ODD, pour être en mesure de promouvoir une croissance à long terme tout en maintenant une utilisation équilibrée des ressources.

Les ODD sont considérés comme un appel à l’action par tous les pays, pour protéger la planète. Avec ces objectifs, les dirigeants reconnaissent que l’élimination de la pauvreté doit s’accompagner de stratégies qui renforcent la croissance économique et répondent à un éventail de besoins sociaux, et le tourisme a tout le potentiel de contribuer à tous ces objectifs pour une relance durable.

- Par ailleurs, l’agritourisme est un concept de plus en plus en vogue au Maroc. Quelles sont, selon vous, les mesures à mettre en place pour capitaliser sur ce potentiel ?

- Le travail de recherche a tenté d’approcher également l’évolution de la notion du tourisme durable, et les résultats ont montré qu’à travers son évolution, plusieurs expressions ont été définies : l’écotourisme, le tourisme responsable, le tourisme solidaire, l’agrotourisme…, ce sont tous des expressions et des concepts développés pour exprimer la même dynamique. Aussi, le tourisme est une chaîne constituée de plusieurs maillons : l’hébergement, le touriste, le transport…, et tous ces maillons doivent adopter la même dynamique de durabilité pour participer à la réalisation des ODD.

SOURCE WEB PAR : Lopinion

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