COP27, semaine 2 : où en est le financement des pertes et dommages?
Sans surprise, la question des pertes et dommages devrait encore largement dominer les débats à la COP27 sur le climat qui se tient à Charm el-Cheikh, en Égypte, jusqu'à la fin de la semaine. Le lancement d'un nouveau fonds dédié semble difficile à obtenir avant 2024. Si de nombreux pays ont mis la main à la poche, les regards se tournent désormais vers la Chine.
La question des pertes et dommages a dominé l’agenda de la COP27 la semaine dernière. Ce terme, encore méconnu il y a quelques années, est au cœur des négociations climatiques qui se poursuivent cette semaine à Charm el-Cheikh, en Égypte. Il désigne les dégâts irréversibles causés par le changement climatique au nom desquels les pays du Sud demandent depuis plus de trente ans des dédommagements aux pays du Nord. En vain jusqu’ici. Mais les choses semblent avancer quelque peu, avec plusieurs pays qui viennent d'annoncer leur intention de mettre la main à la poche.
L'Autriche a ainsi annoncé 50 millions de dollars, tandis que l'Écosse, qui avait précédemment promis 2 millions de livres sterling, a annoncé une rallonge de 5 millions de livres supplémentaires. De son côté, l'Allemagne a annoncé 170 millions de dollars et la Belgique 2,5 millions d'euros, spécifiquement au Mozambique, qui a subi de terribles pertes l'année dernière en raison de pluies extrêmes. L’Irlande a également déclaré qu’elle fournirait 10 millions de dollars, la Nouvelle-Zélande annonce 12 millions de dollars et le Canada 7 millions. Des montants qui viennent s’ajouter aux 13 millions promis par le Danemark.
"Il ne s'agit pas d'argent nouveau ou supplémentaire"
Au total, cela représente un peu plus de 270 millions de dollars dédiés aux pertes et dommages, selon les calculs de Josh Gabbatiss, de Carbon Brief. Mais attention, ces fonds ne vont pas alimenter un nouveau mécanisme. Ils vont soit venir soutenir le Réseau de Santiago, créé en 2019 pour mettre les pays vulnérables en relation avec les prestataires d’assistance technique ; soit les systèmes d’alerte précoce ; soit le Global Shield, lancé ce lundi 14 novembre par les pays du V20 et du G7, qui vise à protéger contre les risques climatiques dans les pays pauvres à travers des régimes d'assurance.
"Pour tous ces pays, à l'exception de l'Autriche, il ne s'agit pas d'argent nouveau ou supplémentaire. Les gouvernements se contentent de déshabiller Pierre pour habiller Paul et redirigent l'argent public initialement alloué à la réduction des émissions et à l'adaptation vers les pertes et dommages. Or il est urgent et nécessaire de continuer d’agir en parallèle sur les différents fronts pour contenir le réchauffement climatique tout en apportant des réponses concrètes aux impacts" analyse Fanny Petitbon de l'ONG Care France dans un communiqué.
En outre, nous sommes bien loin du compte puisque les coûts des pertes et dommages sont estimés entre 290 et 580 milliards de dollars par an dans les pays en développement d’ici à 2030, et jusqu’à 1700 milliards en 2050.
Regards tournés vers la Chine
Les pays du Sud maintiennent donc la pression. Et ils n’hésitent pas désormais à demander à ce que l'Inde et la Chine soient aussi tenus de payer les coûts des impacts climatiques, aux côtés des pays développés qui sont déjà obligés de fournir d'autres formes de financements climatiques. "Les économies émergentes à fortes émissions, dont la Chine et l'Inde, devraient contribuer à un fonds pour aider les pays à se reconstruire après des catastrophes liées au changement climatique", a ainsi déclaré le Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda.
La Chine, par la voix de son envoyé pour le climat Xie Zhenhua, s’est dit "disposée à soutenir un mécanisme d'indemnisation des pays les plus pauvres pour les pertes et les dommages causés par le changement climatique", sans que cela se traduise toutefois par le versement d’espèces sonnantes et trébuchantes. Les États-Unis, quant à eux, s’ils ont finalement accepté de mettre le sujet à l’ordre du jour, ne soutiennent pas une "incitation explicite à une nouvelle aide ou un nouveau financement"… sauf si la Chine est de la partie. Dans les pourparlers sur les pertes et dommages, ils tentent ainsi de remplacer les "pays développés" par les "Parties qui ont la capacité de le faire". Pour rappel, la Chine est aujourd’hui le premier pays le plus émetteur au monde, mais si on regarde les émissions cumulées, les États-Unis passent devant.
Taxer les profits des sociétés d'énergie fossile
En ouverture de la COP27, lundi 7 novembre, Emmanuel Macron a consacré une partie de son discours à la question du financement des pertes et dommages, qui pour la première fois de l’histoire des COP, a été mise à l’agenda des négociations officielles. Il a annoncé le lancement d’un nouveau groupe de travail avec la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, sur la question. Un groupe de sages de haut niveau regroupant des organismes comme le FMI, la Banque mondiale et l’OCDE, devra faire des recommandations d’ici le printemps prochain sur la façon de trouver de nouvelles capacités, de mieux prendre en compte la vulnérabilité climatique des pays et travailler sur une réforme des grandes institutions bancaires et financières.
Mais la porte-voix des pays du Sud entend aller plus loin. Mia Mottley plaide pour une taxation d’au moins 10% sur les profits des sociétés d’énergie fossile. Elle calcule que 37 milliards de dollars auraient ainsi pu être versés au financement climatique au cours des neuf premiers mois de cette année seulement. Le chiffre est basé sur les bénéfices des 15 plus grandes compagnies pétrolières et gazières cotées (BP, Shell, Exxon, Aramco, etc.) et équivaut à peu près aux pertes économiques causées par les inondations au Pakistan. "Comment les entreprises réalisent-elles 200 milliards de dollars de bénéfices au cours des trois derniers mois et ne s'attendent-elles pas à verser au moins 10 cents sur chaque dollar de bénéfice à un fonds pour les pertes et dommages ?", interroge-t-elle.
Le 14 novembre 2022
Source web par : novethic
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