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Evasion fiscale, salariat déguisé... Pourquoi le gouvernement veut réviser la taxation des auto-entrepreneurs

Evasion fiscale, salariat déguisé... Pourquoi le gouvernement veut réviser la taxation des auto-entrepreneurs

Lancé en 2015 pour encourager l’entrepreneuriat, combattre l’informel et faire face au chômage des jeunes, le statut de l'auto-entrepreneur a montré ses limites. Entre évasion fiscale et salariat déguisé, le détournement de ce régime a poussé le gouvernement à en réviser la fiscalité dans le cadre du PLF 2023.

Sept ans après le lancement du statut de l’auto-entrepreneur, force est de constater que ce régime, mis en place pour faciliter l’intégration des porteurs de projets dans le secteur formel, s’est transformé en outil d’évasion fiscale et d’allégement de charges salariales. La raison est à chercher du côté des entrepreneurs qui ne déclarent qu’une partie de leur chiffre d'affaires pour échapper à l’impôt ou des entreprises qui exigent ce statut à leurs employés pour échapper aux engagements contractuels.

Selon les dernières données communiquées par la Direction générale des impôts (DGI), la population des auto-entrepreneurs a plus que quadruplé en quatre ans pour atteindre 373.663 adhérents à fin 2021. D’après l’Observatoire marocain de la TPME, les services arrivent en tête des activités déclarés par les auto-entrepreneurs (48,2%), suivis du commerce (37%), de l'industrie (8,6%) et de l'artisanat (6,2%).

«Avant la crise sanitaire, j’étais employé en tant que chargé de projet dans une agence évènementielle, je percevais un salaire mensuel comme précisé dans mon contrat (...) J’ai été licencié avec l’arrivée du Covid-19 à cause de l’arrêt d’activité de l’entreprise qui m’a promis de me reprendre une fois la crise dépassée. En début d’année j’ai été contacté par mon ancien employeur qui m’a proposé de reprendre mon poste avec le même salaire, les mêmes horaires de bureau mais avec un statut-auto entrepreneurs en facturant chaque mois le montant relatif à mon salaire», témoigne à Le360 un jeune Casablancais qui a requis l’anonymat.

Et d’ajouter: «j’ai accepté l’offre parce que je n’avais pas le choix, j’ai beaucoup cherché du travail ces derniers temps mais en vain: soit on me propose un salaire misérable soit on me demande le statut d'auto-entrepreneur. Depuis le covid beaucoup d’entreprise évitent de signer des contrats pour pouvoir se séparer facilement de leurs collaborateurs en cas d’imprévus».

L’échec du statut d’auto-entrepreneur a été également dénoncé par les membres de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), qui ont appelé, en marge de la dernière conférence de presse organisée pour présenter les propositions du patronat pour le PLF 2023, à réformer le statut d’auto-entrepreneur de manière à assurer une concurrence loyale entre les entreprises et garantir un impact positif pour l’économie.

«Des demandes ont été formulées l’année dernière, dans le cadre du PLF 2022, pour relever le plafond du statut d’auto entrepreneurs à un millions de dirhams, mais ça n’a pas été fait (…) quand nous avons demandé des statistiques nous avons été surpris de savoir que le chiffre d’affaires moyens d’un autoentrepreneur au Maroc est de 8.800 dirhams (…) ça veut dire que nous avons créé un régime pour faire face à l’informel mais qu’il n’a pas donné ses fruits», a souligné le vice-président de la commission innovation et développement à la CGEM, Mohammed Reda Lahmini, en présence notamment du président de la Confédération Chakib Alj.

Selon les patrons, si les montants déclarés sont faibles c’est qu’une grande partie des factures ne sont pas déclarées pour ne pas dépasser le plafond d’exonération et échapper ainsi à l’impôt tout prétendant être dans le formel.

«Cinq ans après son lancement, le bilan n’est pas fameux. Il faut revoir l’ensemble des métiers qui entrent dans le statut d’auto-entrepreneur pour pouvoir réaménager les taux et les plafonds et avoir des résultats plus favorables. En l’absence d’élargissement de l’assiette, la pression fiscale va rester élevé et c’est toujours les mêmes qui vont payer et qui vont être contrôlés», a précisé Reda Lahmini.

Pour corriger les failles du statut de l’auto-entrepreneur, le gouvernement a intégré une première mesure dans le cadre du PLF 2023, il s’agit d'exclure de ce régime, le surplus du chiffre d'affaires annuel dépassant 50.000 dirhams, lequel est réalisé pour des prestations de service avec le même client. Le surplus du chiffre d’affaires va ainsi être soumis à la retenue à la source par le client précité, à un taux libératoire de 30%.

«Nous avons malheureusement relevé des pratiques qui vont à l’encontre des objectifs du statut de l'auto-entrepreneur. Des personnes recourent à ce régime pour contourner le salariat et c’est ce qu’on veut éviter à travers la nouvelle mesure fiscale. Notre objectif est de protéger les salariés et de lutter contre la vulnérabilité des emplois», a expliqué la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, mardi 25 octobre 2022, lors du dernier point de presse consacré à la présentation du PLF 2023.

Malgré les nombreuses failles relevées, la ministre de l’Economie a assuré qu’il n’est pas question d’abandonner le statut d'auto entrepreneur, elle a, dans ce sens, réaffirmé l'attachement de l'exécutif à ce statut mis en place pour favoriser l’intégration dans l’informel, notamment chez les artisans et les commerçants.

Le 30 octobre 2022

Source web par : le360

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