Fouad Laroui: «Oubliez Casablanca, Fès, Marrakech, c’est à Ben Guerir que les choses se passent aujourd’hui»
Ecrivain, mais aussi ingénieur, mathématicien et économiste, Fouad Laroui a quitté les Pays-Bas pour Ben Guerir. A Fès, au festival Littératures itinérantes, le samedi 1er octobre dernier, il a animé une conférence. Thème retenu: «d'une culture à l'autre». Pour Le360, il évoque cette expérience dans une «ville chère à [s]on cœur». Interview.
Ancré au Maroc, le français est une langue qui, semble-t-il, régresse… L'actuel coup de froid entre le Maroc et la France ne risque-t-il pas de compliquer davantage cette situation ?
Tout d’abord, il faut séparer les choses. Un sentiment anti-français ne doit pas nécessairement déboucher sur un sentiment anti-culture française. Cela n’aurait plus aucun sens de ne plus lire Voltaire, Hugo, Sartre ou encore Foucault…
Nous avons peut-être des problèmes en ce moment avec le gouvernement français, à cause d’une certaine politique, celle des visas, qui est extrêmement déplaisante, mais ce n’est pas une raison pour en finir avec la présence de la culture française et de la langue française dans notre pays. Au contraire, c’est une richesse.
Autre chose: les gens disent qu'il faut passer à la langue anglaise, car c’est elle qui ouvre les clés du monde. C’est vrai, mais c’est aussi faux, car je ne pense pas qu’il faudrait remplacer une langue par une autre. C’est comme si on voulait se couper un bras. Cela n’a aucun sens.
Je pense personnellement qu’il faut absolument rester dans l’appropriation de la langue française, car elle fait partie du XXe siècle. Une grande partie du XXe siècle s’est exprimée en langue française par des Marocains d’ailleurs. La langue française fait donc partie de notre identité. Cela dit, ajouter l’usage de l’anglais bien compris (...), c’est une richesse aussi. Je ne suis pas pour remplacer le français par l’anglais, comme je peux souvent l'entendre, et je trouve d’ailleurs cela absolument aberrant. Prenons les deux. L’anglais et le français.
Oui, mais la littérature marocaine d’expression française, très prolifique, n’a pas empêché la volonté actuelle de certains Marocains de s’intéresser à une autre langue étrangère…
On a eu Driss Chraïbi et Ahmed Sefrioui, et même avant eux, il y avait quelqu’un qui s’appelait Abdelkader Chat... Ensuite, il y a eu toute une floraison d’écrivains.
La littérature marocaine d’expression française est très riche, elle a justement permis de faire rayonner le Maroc à l’international. Un pays rayonne par sa culture, par sa gastronomie, et par sa littérature. C’est un fait.
Au cours de votre intervention à Fès, au festival Littératures itinérantes, vous avez annoncé que vous êtes désormais installé à Ben Guerir, après avoir quitté les Pays-Bas. Quel est votre projet?
Ben Guerir, c’est une ville chère à mon cœur. C’est une des villes les plus tranquilles du monde. Il y a plus de chats que d’êtres humains. C’est super d’y habiter. Il y a une université formidable, qui a une ambition légitime de devenir l'une des grandes universités du monde. Et si on s’y met tous, si on avance sur le même momentum, comme on dit en anglais, on y arrivera. C’est une ville fantastique par le nombre d’enseignants, de chercheurs mais aussi d’étudiants de très haut niveau. Oubliez Casablanca, Fès, Marrakech, c’est à Ben Guerir que les choses se passent aujourd’hui.
Le 05/10/2022
Source web par : le360
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