Stress hydrique au Maroc : Quelle efficacité pour les politiques gouvernementales ?

«Le Maroc affronte l’une de ses pires sécheresses de l’histoire». Cette phrase que nous avons lue et entendue à maintes reprises au cours de cette année et qui sonne comme un électrochoc. Car oui, en raison des faibles précipitations de l’automne et l’hiver derniers, le pays souffre d’un stress hydrique croissant et la pénurie d’eau se fait de plus en plus sentir dans différentes régions du Royaume.
Selon le rapport du Word Ressources Institute, le Maroc occupe la 23ème place sur 165 pays exposés aux risques hydriques. Au cours de cette dernière décennie, les ressources en eau du Royaume se sont effondrées. Alors que la pénurie hydrique est constatée lorsque les ressources annuelles renouvelables d'eau douce sont inférieures à 1.000 m3 par habitant, la disponibilité en eau au Maroc est évaluée à 606 m3 par personne et par an en 2022. Un niveau qui n’est pas loin, aujourd’hui, de frôler le seuil absolu de pénurie d’eau fixé à 500 m3/ habitant/ par an.
Dans un exposé présenté en juillet dernier devant la Commission des infrastructures, de l’énergie, des mines et de l’environnement à la Chambre des représentants, le ministre de l'Équipement et de l'Eau, Nizar Baraka, a souligné que l’ensemble des bassins hydrauliques du Royaume connaissent un déficit criard, affectant ainsi l’approvisionnement en eau potable de plusieurs régions du pays.
Qualifiant la situation actuelle de «difficile», le ministre a tenu à rappeler que les ressources hydriques du Royaume ont diminué de 85% en raison des faibles précipitations et de la baisse considérable des chutes de neige au cours de cette année. Par ailleurs, Baraka a précisé que le niveau des nappes phréatiques régresse désormais de 2 à 3 mètres par an et que la baisse du taux de remplissage des barrages est passé de 9,4 milliards de mètres cubes en 2018 à 4,7 milliards de mètres cubes cette année.
Mesures gouvernementales : Les failles !
Au vu de la dégradation de la situation, le gouvernement ainsi que les différentes parties concernées accélèrent la mise en œuvre de solutions pour minimiser les dégâts et faire en sorte que la situation s’améliore dans les années à venir. Parmi ces mesures, la construction d’ici 2023 de 120 barrages fluviaux ainsi que le renforcement des programmes dédiés au dessalement des eaux de mer et ceux concernant le traitement des eaux usées. Mais quelle est la réelle efficacité de ces solutions ?
«La situation actuelle du Maroc en matière de ressources hydriques est très critique, seules des pluies salvatrices de la prochaine saison septembre-octobre peuvent sauver notre pays d’une catastrophe sociale, économique et environnementale. Le Maroc a connu effectivement une succession de trois années de faible pluviométrie, mais la situation serait moins dramatique si d’autres options avaient été adoptées», affirme Mohamed Benata, ingénieur agronome, docteur en géographie, président de l’Espace de solidarité et de coopération de l’Oriental (ESCO).
Et de poursuivre : «Le Maroc a institué des politiques publiques, surtout dans le domaine agricole, visant à la surexploitation des ressources hydriques souterraines pour l’encouragement de la production et l’exportation des cultures trop consommatrices d’eau. Cela a conduit au rabattement de toutes les nappes phréatiques à travers le pays, ce qui est une erreur stratégique très grave. Le Maroc a fait beaucoup d’effort en matière de construction de barrages, seulement une étude d’évaluation de cette expérience de plus de soixante ans devrait être faite pour tirer les conséquences et les leçons».
En effet, Benata, également coordinateur principal de l’Ecolo plateforme du Maroc du Nord, estime qu’en dépit des efforts consentis, le Maroc accuse un grand retard en matière de traitement des eaux non conventionnelles. «Plusieurs barrages se sont avérés inefficaces et n’ont pas rempli leur rôle au niveau du stockage et de la bonne gestion des ressources hydriques. A un moment donné, il fallait réorienter la politique publique marocaine et les finances publiques vers d’autres horizons».
Et d’ajouter : «A mon avis, le Maroc a accusé beaucoup de retard dans le traitement et la maîtrise des techniques de traitement des eaux non conventionnelles comme les eaux usées ou le dessalement des eaux de mer. La politique des barrages a été handicapée par le phénomène d’envasement qui a limité le volume stocké et la durée de vie des barrages. Ceci est une conséquence de la négligence du rôle bénéfique du reboisement des bassins versants pour la rétention des sols et leur influence sur la répartition des pluies. Par ailleurs, nos barrages n’ont pas respecté la vie aquatique et la biodiversité de nos rivières et des zones humides exigées par la loi sur l’eau», déplore-t-il.
Notons qu'en vue de remédier à cette situation, le Groupe Eau des lauréats de l'IAV Hassan II, constitué depuis 2 ans et dont l'expert Mohamed Benata fait partie, organise plusieurs webinaires avec la participation d'éminents experts pour discuter des potentialités, la demande ainsi que la gouvernance des ressources en eau au Maroc. Les résultats des travaux dudit groupe sur l'analyse de la situation actuelle et les stratégies pour y faire face seront publiés incessamment.
In fine, la pénurie des ressources hydriques prend de plus en plus d’ampleur, impactant non seulement l’environnement mais également l’économie du pays. Pour rappel, la Banque mondiale a indiqué dans une note rendue publique le 20 juillet dernier que la forte sécheresse et le ralentissement de l’économie mondiale affecteront la croissance du PIB national, qui s’établirait à 1,3% en 2022, contre 7,9% l’année précédente.
Le 09 Août 2022
Source web par : la quotidienne
Les tags en relation
Les articles en relation

Réforme stratégique de la gestion de l'eau au Maroc face au stress hydrique
La montée du stress hydrique au Maroc pousse l’État à revoir en profondeur ses plans et programmes liés à l’eau. Le Royaume prépare ainsi une révisio...

Campagne de sensibilisation contre le gaspillage de l'eau au Maroc : des gestes simples pour préser
Depuis plus d'un mois, le ministère de l'Equipement et de l'Eau mène une campagne sur les réseaux sociaux pour sensibiliser contre les pratiques ...

Des politiques climatiques aux résultats concrets
LES POINTS MARQUANTS Si des milliers de mesures n'ont pas réussi à enrayer le changement climatique, certains pays ont toutefois réalisé des progrès...

Conseil national des langues : Un 1er amendement contre le «français»?
L’article 3 du projet de loi organique crée la polémique à la Chambre des représentants Certains députés ont formulé des interrogations sur les lang...

Conformément aux Hautes Orientations Royales Le gouvernement met en place un programme d'urgence po
Le Chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, répondant aux questions des députés. Conformément aux Hautes Orientations Royales, le gouvernement a mi...

Maroc : 10,9 millions de touristes en 2022
Quelque 10,9 millions de touristes ont visité le Maroc durant l'année 2022, a indiqué à Rabat, la ministre du Tourisme, de l'Artisanat et de l'�...

Séisme : la BEI va prêter 1 milliard d'euros au Maroc pour la reconstruction
La Banque européenne d'investissement va prêter 1 milliard d'euros sur 3 ans pour aider le Maroc dans ses efforts de reconstruction post-séisme. L...

À quoi pourrait ressembler l’avenir du travail en Europe ?
La technologie est en train de bouleverser la nature du travail en Europe. Nous avons grandi dans un monde où les téléphones sans touche, les appels vidé...

Des terres asséchées et abandonnées : comment le stress hydrique a transformé le voisinage du ba
Le manque de précipitations a transformé les villages voisins du barrage Al Massira. Autrefois fertiles, les terres agricoles sont aujourd’hui totalement de...

Future In Africa : Une 4e édition pour une meilleure gestion de l'eau grâce au digital
Sous le thème « Digital 4 Water : Le Digital pour une meilleure gestion de l’eau », Future In Africa revient pour une 4ème édition les 25 et 26 octobre 2...

Transport aérien : RAM affiche un taux de récupération de l'activité de 77% à fin 2022
Royal Air Maroc (RAM) a réalisé un taux de récupération de 77% à fin 2022 par rapport à l'année 2019, malgré la fermeture des frontières pendant pl...

Réchauffement climatique : les quatre combats à suivre de la COP28
Réduire les émissions, sortir des énergies fossiles, donner les moyens aux pays en développement de s’en passer... Passage en revue de quatre points chaud...