Le Maroc face à la pire sécheresse de son histoire
Le Maroc est en train de succomber à une sécheresse longue de plusieurs années. Après avoir asséché les puits dans les campagnes, elle menace les villes. Le secteur agricole est particulièrement vulnérable.
"J'attends mon tour depuis deux heures", soupire Aïcha, la soixantaine. Avec son âne, elle vient remplir d'eau ses bidons chaque jour à l'un des trois puits d'Aïn Bellal, un village voisin du sien. Le tuyau qu'elle tient en main a été placé là par un mohacine, un bienfaiteur, qui offre l'eau de son propre puits.
Dans le village, Mohamed s'occupe justement de la toute petite plantation d'oliviers de sa cousine. "Notre puits de 86 m est à sec depuis quatre ans, alors nous avons fait creuser un deuxième puits de 139 m pour 40 000 dirhams (3 850 euros) et nous avons posé une conduite et construit une petite fontaine juste à l'extérieur de la propriété pour que les gens puissent se servir librement, explique ce père de famille. Le village compte 400 à 500 habitants, alors entre 100 et 120 personnes viennent s'approvisionner à notre fontaine chaque jour." Depuis deux ans, l'Office national de l'eau essaie bien d'installer de nouvelles bornes-fontaines, mais aucune ne fonctionne encore.
Des sécheresses à répétition
"Nous vivons actuellement un contexte très difficile avec plusieurs années successives de sécheresse et un déficit des apports en eau de plus de 60 % par rapport à la moyenne, explique Aïssam Rherari, chef de la division gestion de l'eau et phénomène extrême au ministère de l'Équipement et de l'Eau. La situation actuelle est même plus grave que la sécheresse bien connue des années 80 et 90. Les villes des trois bassins les plus touchés sont menacées de coupures. Ce risque est une première pour les villes, mais les campagnes, elles, subissent les conséquences de la sécheresse depuis 2017 déjà car beaucoup de villages n'ont plus d'eau dans les puits publics."
Selon le tout nouveau ministre de l'Équipement et de l'Eau, Nizar Baraka, ce sont ainsi 25 % des fontaines publiques qui ont cessé de fonctionner en zones rurales. La situation est tellement catastrophique que "cette année, en aval du barrage Al Massira, sur la rive droite de l'Oum Er Biaa, l'État a demandé aux agriculteurs qui pompent l'eau sur le fleuve pour irriguer leurs cultures de renoncer aux céréales pour ne garder que les oliviers, mais il faut voir qu'ainsi c'est le bétail qui risque de mourir de faim, raconte Hassan Makhlouk, conducteur de camion-citerne pour la commune de Aïn Bellal. Dans la région, le bétail se fait de plus en plus rare. Les gens vendent leurs bêtes faute d'eau."
Dans les trois régions les plus touchées, les mesures d'urgence se sont ainsi multipliées. "D'abord, nous remplaçons l'eau des barrages par la mobilisation des eaux souterraines. Nous faisons également basculer les eaux de certains barrages, comme celui de Moulay Ali Cherif, sur la Moulouya, qui étaient dédiés à l'agriculture, vers l'adduction d'eau potable pour les villes de Berkane et Nador", détaille Aïssam Rherari.
Ces mesures et la sécheresse risquent d’être dévastatrices pour le Royaume, où l’agriculture concentre encore 31 % des emplois et 12 % du PIB.
L’effet rebond de l’irrigation
Comment en est-on arrivé là ? Qui est responsable ? Au Maroc, personne ne semble se poser la question. Pendant longtemps, la politique de construction des grands barrages lancée par Hassan II dans les années 60 a fait référence. Parce qu’elle a permis d’augmenter le périmètre irrigué et de sécuriser l’approvisionnement en eau des villes, elle semble avoir donné l’illusion aux décideurs que le problème de l’eau était réglé définitivement. Le changement climatique n’est apparu que tardivement dans le schéma d’analyse. En parallèle, la gestion de l’eau morcelée entre une multitude d’acteurs publics n’a pas permis de s’adapter aux changements à l’œuvre.
Surtout, la priorité a été donnée, à partir de 2008, au développement d’une agriculture exportatrice ; or celle-ci consomme 83 % de l’eau au Maroc. L’État a donc massivement subventionné l’irrigation en goutte-à-goutte tout en la présentant comme une solution pour réduire la demande en eau. Subventionnée tous azimuts, elle a en réalité mené à un accroissement des surfaces cultivées. Chaque année, au Maroc, les nappes enregistrent ainsi un déficit supplémentaire de 1 milliard de m³ sur les 9 consommés au total par l’agriculture.
Face au désastre annoncé, la priorité est aujourd’hui donnée au dessalement. Ces stations de dessalement, les villes et les agriculteurs vont encore les attendre pendant plusieurs années sous la menace du pire.
Le 08/07/2022
Source web par : la libre
Les tags en relation
Les articles en relation
Réchauffement Climatique : Les Forêts Risquent de Devenir des Sources de CO2 Plutôt que des Puits
Les forêts, longtemps considérées comme des alliées précieuses dans la lutte contre le réchauffement climatique, pourraient bientôt devenir des sources d...
33è Marathon international de Marrakech : Plus de 12.000 athlètes sur la ligne de départ
Stars : La 33è édition du Marathon international de Marrakech (MIM) aura lieu le 29 janvier avec la participation de plus de 12.000 athlètes élites et ama...
195 géoparcs mondiaux de l’Unesco répondent présents à l’Appel de Marrakech
Organisée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du 04 au 11 septembre par le Réseau mondial des géoparcs de l’Unesco, le Conseil région...
Face à la Sécheresse et aux Records de Température, le Maroc à un Tournant Critique
En ce début d'année 2024, le Maroc est confronté à une sécheresse alarmante, selon le dernier rapport de l’Observatoire européen de la sécheresse (...
Aziz Akhannouch : Priorité aux Investissements et à la Gestion Durable de l'Eau pour la Seconde Mo
Le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a réaffirmé ce jeudi à Rabat que l’Exécutif, à l’entame d’une nouvelle phase politique, mettra l’accent s...
FTI ÉTEND SON PROGRAMME DE VOLS ÉTÉ SUR AGADIR
Suite à l’article que nous avons publié s’interrogeant sur l’avenir de FTI Group au Maroc à la lumière des difficultés conjoncturelles que le groupe ...
Rapport : La crise hydrique inquiète les institutions financières nationales
A l’instar des autres pays du continent africain, le Maroc est devenu très vulnérable au cours des dernières années à l’érosion hydrique, a noté le r...
Tunnel Marrakech-Ouarzazate : le tracé via Ourika retenu, le temps du parcours réduit d’une heur
Les études géophysiques et géotechniques complémentaires pour la réalisation du tunnel reliant Marrakech à Ouarzazate via Ourika, ainsi que la poursuite d...
#Changement_Climatiqur #2050_ouvrons_les_yeux: Comment le réchauffement climatique va bouleverser n
Le monde remportera-t-il la bataille contre le réchauffement climatique? BFMTV vous propose une émission d'anticipation exceptionnelle pour envisager notr...
Découverte pétrolière au Maroc : 1 milliard de tonnes en jeu
Un tournant pour l’énergie au Maroc Le Maroc confirme son ambition de devenir un acteur clé dans le secteur énergétique avec l’annonce d’un important...
Sans flexibilité, le Maroc sera un géant de l’énergie renouvelable aux pieds d’argile
Tarik Sfendla Africa Market Development Manager, Wärtsilä Energy Jouissant de ressources éoliennes et solaires exceptionnelles ainsi que d’une positi...
Zones oasiennes : l’ANDZOA poursuit sa trajectoire de développement pour les années à venir
Le ministre de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts (MAPMDREF), Mohammed Sadiki, a présidé ce 21 novembre à...


samedi 9 juillet 2022
0 
















Découvrir notre région