Comment le FMI nuit au Maroc
FIN D’UNE NOUVELLE MISSION DU FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL AU MAROC
Depuis plusieurs années et à ce jour, les réformes préconisées par le FMI ont donné les résultats actuels: une économie qui tire sa principale valeur ajoutée de l’agriculture et qui s’endette pour garantir une bonne partie de son fonctionnement au moment où sa productivité et sa compétitivité faibles génèrent des recettes fiscales insuffisantes.
Le Fonds monétaire international (FMI) dicte encore ses «réformes » au Maroc. Le caractère directif devient patent dans les propos de l’équipe en charge des missions régulières de l’institution de Bretton Woods au Maroc. Ainsi, à l’issue de la dernière mission du FMI dirigée par Roberto Cardarelli du 30 novembre au 10 décembre 2021, ce dernier a encensé encore une fois le Maroc mais s’est contredit en appelant à une mesure et à son contraire. «Grâce à une campagne de vaccination très réussie et à la réaction rapide des autorités, la crise sanitaire a été placée sous contrôle et l’économie marocaine rebondit.
L’activité économique a récupéré la majeure partie du terrain perdu pendant la récession mondiale marquée de 2020, qui n’a pas épargné le Maroc». Le début était encourageant. Que du positif! Puis, voulant montrer que le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour relancer l’économie, il ajouté: «En 2021, malgré la réduction attendue d’environ 1% du déficit budgétaire, l’orientation de la politique budgétaire est restée expansionniste, l’accélération des dépenses courantes (sous l’effet de la hausse de la masse salariale du secteur public et des cotisations sociales) faisant plus que compenser l’augmentation des recettes fiscales liée à la reprise économique». Ce que le chef de mission du FMI oublie de mentionner, c’est que la hausse des dépenses courantes est une mauvaise stratégie.
Cotisations sociales
En Europe, la règle générale est que la masse salariale ne doit pas dépasser 8% du Produit intérieur brut (PIB). Au Maroc, elle dépasse les 13% du PIB. Aucune mention de ce genre qui inciterait le gouvernement à limiter les avantages et les primes des grands fonctionnaires ou encore les hauts salaires. Aussi, le FMI ne dit rien au sujet des dépenses des administrations, entreprises et institutions publiques ainsi que des ministères. Aucune coupe dans leur budget de fonctionnement! Quant à la hausse des cotisations sociales, le FMI ne spécifie pas s’il s’agit des aides et subventions accordées aux familles nécessiteuses pendant trois mois (avril-juin 2020) ou des aides octroyées aux personnels des entreprises en difficulté du fait des répercussions de la pandémie. Le gros de ces aides a été absorbé par le Fonds spécial de gestion de la pandémie créé à l’initiative du Roi Mohammed VI. Et l’argent injecté dans ce fonds ne doit pas figurer dans les comptes publics.
Par ailleurs, le FMI, qui ne recommande plus mais qui dicte ce qui doit se faire, souligne que «les autorités marocaines devraient réduire davantage le déficit budgétaire global, et rapprocher, à moyen terme, le ratio dette sur PIB de son niveau d’avant la pandémie», soit à 65% du PIB. D’une part, il loue la politique expansionniste visant à relancer l’économie et, d’autre part, il insiste sur le fait que le Maroc doit contenir son déficit budgétaire et réduire son endettement devenu élevé et insoutenable.
Deux choses contradictoires. On ne peut pas relancer l’économie sans investir et, partant, sans creuser un peu le déficit budgétaire. Aussi, si le FMI n’est pas content du taux d’endettement public du Royaume, il en est le principal créancier. Pourquoi alors ne fait-il pas pression sur le gouvernement afin de diminuer l’endettement ou de diminuer les intentions de s’endetter à l’international en 2022 comme cela ressort du projet de loi de finances? Sauf s’il fait, de manière délibérée, la distinction entre le discours et l’action.
Assiette fiscale
Pour le FMI, la solution viendra de la hausse de l’assiette fiscale et de la progressivité du système fiscal. La croissance économique, la vraie, ne peut provenir des recettes fiscales mais de la productivité et de la compétitivité de l’économie. Une véritable croissance économique entraîne des créations d’emplois. Or, le FMI n’a pas signalé ce phénomène inquiétant et alarmant que représente le chômage au Maroc. Près de 1 million de Marocains ont perdu leur emploi depuis l’avènement de la pandémie, à coups de restrictions répétitives et souvent injustifiées décidées par le gouvernement.
Dans le secteur informel, la situation va de mal en pis. Et on n’en parle pas. Le FMI n’évoque que les indicateurs macro-économiques qui ne renseignent en rien sur le vécu quotidien des Marocains. Et pourquoi devrait-il s’en inquiéter? Il n’est pas le gouvernement. Il a donné la preuve de son insensibilité face aux maux sociaux lorsqu’il a évoqué l’inflation. «Les services du FMI sont favorables à cette orientation monétaire accommodante, surtout que les pressions inflationnistes restent contenues et les anticipations d’inflation bien ancrées», lit-on.
Cette déclaration en dit long sur l’amalgame créé au niveau de l’Etat et soutenu par le FMI concernant l’inflation. La banque centrale et le FMI parlent toujours d’un indice qui ne reflète guère la réalité. Il s’agit de l’inflation sous-jacente, préparée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), et sur la base de laquelle Bank Al Maghreb à l’habitude d’établir des perspectives économiques et monétaires.
Les économistes savent qu’un indice d’inflation sous-jacente doit être accompagné d’une politique de subvention des prix à la consommation des matières premières et des produits de première nécessité. Or, au Maroc, autant les gouvernements qui se succèdent que le FMI se félicitent de compresser le budget dédié à la compensation. C’est antinomique. On cherche à paralyser le seul mécanisme qui assure un tant soit peu une redistribution des richesses.
C’est dire que sur le plan social, le FMI ne s’étale pas beaucoup sur l’inflation des prix qui réduit comme une peau de chagrin le pouvoir d’achat des citoyens. Depuis plusieurs années et à ce jour, les réformes préconisées par le FMI et autres bailleurs de fonds internationaux (Banque mondiale…) ont donné les résultats actuels: une économie qui tire sa principale valeur ajoutée de l’agriculture (et dire qu’on aspire à être une économie émergente) et qui s’endette pour garantir une bonne partie de son fonctionnement au moment où sa productivité et sa compétitivité faible génèrent des recettes fiscales insuffisantes. Tout compte fait, l’endettement élevé du Maroc le met sous la merci du FMI, entre autres.
Le 21 décembre 2021
Source web par : maroc-hebdo.press
Les tags en relation
Les articles en relation
Le HCP table sur une hausse de 7,2% de l’activité économique au T3 – 2021
Au deuxième trimestre 2021, l’économie nationale se serait redressée de 12,6%, en variation annuelle, selon le haut-commissariat au Plan. Cette évoluti...
Mieux vaut tard que jamais… le mea culpa du FMI
Le FMI admet une désastreuse histoire d’amour avec l’euro et présente ses excuses pour l’immolation de la Grèce L’équipe des principaux collabora...
Pollution atmosphérique: Ce que risque le Maroc
La pollution atmosphérique coûte au Maroc chaque année plus de 1,04% de son PIB. C’est ce qu’a annoncé Nezha El Ouafi, secrétaire d’Etat en charge du...
Maroc/Covid-19: Près de 67% des entreprises exportatrices impactées par la crise sanitaire
Près de 67% des entreprises exportatrices au Maroc auraient été impactées par la crise sanitaire, suite aux restrictions actuelles adoptées par la majorit�...
« L’ÉCONOMIE AFRICAINE 2023 » : À REBOURS DES IDÉES REÇUES
L’Agence française de développement publie ce 19 janvier la quatrième édition de son ouvrage de référence « L’Économie africaine 2023 », aux éditi...
Pour le FMI, le Maroc reprend le chemin de la croissance
La reprise économique du Maroc est mise en avant par le FMI lors d’un point presse sur les perspectives de croissance dans la région. En effet, pour l’ins...
A Skhirat, Akhannouch en défense de son Plan Maroc Vert
Aziz Akhannouch, ministre de l’agriculture, présentant les résultats du PMV à Skhirat le 18 décembre 2018. AIC PRESS Le ministre de l'Agriculture a...
PLF-2023: Hausse prévisionnelle des recettes ordinaires de près de 50 MMDH (Mme Fettah)
Les recettes ordinaires devraient augmenter, au titre du projet de loi de finances (PLF) de 2023, de près de 50 milliards de dirhams (MMDH) par rapport à la l...
Assemblées annuelles du FMI et de la BM : les institutions de Bretton Woods affirment leur soutien
C’est un soulagement pour le Maroc de savoir que le rendez-vous le plus attendu de l’année sera maintenu. Les assemblées annuelles du FMI et de la Banque ...
Séisme d'Al Haouz : À Marrakech, les artisans reprennent confiance
L'activité touristique a repris à Marrakech, notamment dans les rues de l'ancienne Médina. Les artisans de la célèbre place Semmarine, entre autres...
Enquête L'Economiste-Sunergia: Très chère la vie au Maroc!
Le coût de la vie au Maroc est élevé. Même si les statistiques officielles rendent compte d'une faible inflation sur l'année 2019 et prévoient un ...
Symposium international L’université apporte sa contribution à la réflexion sur le modèle de d
Cette séance inaugurale a été l'occasion pour l'assistance de se faire une idée de la vision du nouveau modèle économique et social. Ph. Seddik ...