Le retour de l’inflation dans le monde : quelles conséquences pour le Maroc ?
L’inflation, cette belle endormie, est revenue au cœur de l’actualité économique, politique et sociale, avec la flambée des prix au Maroc, comme un peu partout dans le monde. S’agit-il, simplement, de hoquets dans le redémarrage de l’économie après la crise, ou d’un phénomène durable qui s’installera, dans le temps rognant le pouvoir d’achat des ménages et freinant la machine de la relance ? Éléments de réponses.
Après deux décennies où le sujet semblait avoir, pratiquement, disparu des conversations économiques, l’inflation est revenue au centre des préoccupations des économistes et des politiques.
Considérée jusque-là comme « une lubie intellectuelle », l’inflation ayant été éradiquée, depuis trois décennies déjà, le sujet revêt aujourd’hui une importance cruciale, avec la hausse des prix à la production et à la consommation que connaît le monde entier, dans le sillage de la crise du Covid-19.
A commencer par les États-Unis qui affichent, selon les chiffres de l’OCDE, une inflation supérieure à 5% ou encore la zone euro où le taux d’inflation devrait remonter à 4,3% en ce mois de novembre, selon la même source. « Du jamais vu ! », commente l’OCDE, dans un papier publié le 21 septembre dernier.
Le Maroc n’est pas en reste. Affichant un taux d’inflation de 1,2%, loin des niveaux américains et européens, le pays connaît une vague de hausse des prix alimentaires et énergétiques, faisant chauffer les syndicats, les réseaux sociaux et les politiques de l’opposition, qui critiquent, d’ores et déjà, la politique du nouveau gouvernement et appellent à des mesures concrètes pour préserver le pouvoir d’achat des ménages.
Comme nombre d’économistes, l’exécutif a été, il faut le dire, surpris par cette flambée des prix qui n’était pas prévisible. Et continue d’y voir un phénomène temporaire, comme l’a assuré dans sa conférence de presse de présentation du PLF 2022 la ministre des Finances, Nadia Fettah, qui a assuré que le risque d’une hyper inflation est exclue au Maroc et que le pays ne dépassera pas un taux de 1,2%.
Quand le ressenti l’emporte sur les chiffres macroéconomiques
Même si ce taux de 1,2% reste faible et conforme aux objectifs de la politique monétaire de Bank Al Maghrib, certains prix sont plus visibles que d’autres. Et dans ce domaine, les ménages ne raisonnent pas macro, mais « inflation ressentie ». Quand l’énergie ou les produits alimentaires augmentent, ça se voit et ça impacte, directement, le pouvoir d’achat et la perception de la dégradation du niveau de vie, surtout chez les classes moyennes et défavorisées.
Larabi Jaidi, économiste et senior follower au Policy Centre for the New South (PCNS), estime en effet qu’il y a cet effet de l’inflation ressentie, qui joue beaucoup sur la psychologie des ménages, mais qui est appuyé également par des chiffres. « Le Maroc affiche, certes, une inflation maîtrisée de 1,2%, mais l’indice des prix alimentaires augmente lui de 5% », souligne-t-il, affirmant, toutefois, que ça reste tout de même une inflation maîtrisable.
Même raisonnement pour les prix du carburant, qui se sont envolés suivant en cela, la montée spectaculaire des prix du pétrole qui frisent désormais les 75 dollars, contre moins de 40 dollars l’année dernière. Un sujet qui a toujours fait polémique au Maroc, surtout après la levée sous le gouvernement Benkirane des subventions sur le gasoil et l’essence.
Dans la perception du ménage marocain, tout augmente donc… sauf les salaires, ce qui risque de remettre sur la table la question du pouvoir d’achat et l’indexation des revenus sur l’inflation. Un gros dilemme, car si l’on rentre dans cette logique d’augmentation des salaires, au fur et à mesure, que les prix augmentent, cela risque de nous faire entrer, dans un cercle vicieux qui alimenterait encore plus les tensions inflationnistes.
Tout l’enjeu aujourd’hui est de savoir si cette inflation mondiale, qui se répercute, également, sur le Maroc sur certaines matières, est un phénomène passager ou durable ? Car la réaction des pouvoirs publics et de la Banque centrale dépendra, essentiellement, de la réponse à cette question que pose aujourd’hui tous les économistes et politiques dans le monde.
Une poussée temporaire selon la majorité des économistes
A l’heure actuelle, toutes les banques centrales et la grande majorité des économistes dans le monde, estiment que le risque d’un dérapage inflationniste est faible. Le débat ne concerne, pour eux, que le court terme et tous sont d’accord pour dire, que le phénomène est en partie transitoire.
Pour ces optimistes de l’inflation, ce phénomène est dû, simplement, au désordre créé par la pandémie du Covid-19 et les choses devront entrer dans l’ordre, dès que la machine économique retrouvera son rythme d’avant la crise.
Leur raisonnement est en grande partie vrai. Frappé de plein fouet par la crise sanitaire, le monde fait face, actuellement, à un choc de l’offre, une inflation par les coûts, surtout après le redémarrage rapide des économies mondiales, en cette année 2021 qui a créé une demande inattendue, face à une offre qui n’arrive pas à suivre et qui est freinée, par les difficultés d’approvisionnement causée par le chamboulement de la logistique mondiale, notamment maritime, et l’augmentation, qui s’en est suivie, du coût du fret. Un phénomène qui impacte, essentiellement, les prix des matières premières, les semi-conducteurs, les produits agricoles, le pétrole, le gaz, et d’autres commodités et que beaucoup d’économistes tentent de relativiser.
Leur argument : en zone euro comme aux États-Unis, les chiffres de l’inflation, calculés sur douze mois, sont biaisés par la comparaison avec l’année dernière. A l’époque, en pleine pandémie, la déflation menaçait. Mécaniquement, cela donne une impression de forte hausse des prix un an plus tard, ce qui va progressivement disparaître, selon plusieurs économistes cités dans la presse économique mondiale.
Par ailleurs, l’envolée des prix de l’énergie explique, une très large partie de la tendance actuelle. Hors énergie et alimentaire, ce que les économistes appellent l’inflation sous-jacente, la hausse des prix n’est que de 1,6 % en zone euro. Autant de bonnes raisons de penser que le phénomène est transitoire.
Le 9 septembre dernier, la présidente de la Banque centrale européenne affirmait, pour sa part, que malgré les chiffres constatés à ce jour, le phénomène restait « temporaire » et qu’il allait s’estomper dès 2022 : « Nous nous attendons à ce que l’inflation continue à augmenter cet automne puis qu’elle décline l’année prochaine ».
Des propos qui collent à ceux du FMI. Dans un article publié par Francesca Caselli, économiste à la division études économiques internationales du département des études du FMI et Prachi Mishra, conseillère au département des études du FMI, les deux expertes estiment que cette inflation est due, essentiellement, à la reprise économique dans les pays avancés et émergents, qui a été nourrie par un raffermissement de la demande, des pénuries d’approvisionnement et l’augmentation rapide des cours des produits de base.
« Nous prévoyons dans nos dernières perspectives de l’économie mondiale que l’inflation devrait rester plus soutenue, dans les mois qui viennent avant de retrouver ses niveaux antérieurs à la pandémie mi-2022, bien que des risques d’accélération persistent », estiment les deux économiste du FMI.
« La pandémie a déclenché de fortes fluctuations des prix dans certains secteurs, notamment l’alimentaire, les transports, l’habillement et les communications. Remarquablement, la dispersion ou variabilité des prix entre les secteurs est restée assez mineure jusqu’ici, par rapport au passé récent, surtout à la crise financière mondiale. Ce constat s’explique par la moindre amplitude et la durée plus courte des fluctuations de prix des carburants, des aliments et des logements après la pandémie, qui sont les trois principales composantes des paniers de consommation en moyenne. Nous prévoyons que l’inflation annuelle dans les pays avancés, culminera à 3,6 % en moyenne, dans les derniers mois de cette année avant de revenir à 2 % au premier semestre 2022, un chiffre conforme aux objectifs des banques centrales », précise le papier du FMI.
L’économiste marocain Larabi Jaidi ne dit pas autre chose. Pour lui, cette question de l’inflation concerne un horizon temporel court.
« Il ne faut pas sous-estimer l’effet de rebond, des économies mondiales ou de l’économie nationale. Les 6% de croissance projetée en Europe ou les 5,5% au Maroc sont dues au fait que la récession était, extrêmement forte en 2020. Quand on part d’un niveau très bas, il est tout à fait normal que la demande augmente de manière rapide. Sur l’année prochaine, on reviendra à une évolution normale de la croissance mondiale et nationale, ce qui fera baisser de manière mécanique le taux de l’inflation», estime M. Jaidi.
A l’OCDE, on affiche également le même optimisme. Selon l’institution, les prix à la consommation devraient augmenter jusqu’à la fin de l’année, puis s’assagir par la suite, courant 2022. L’OCDE prévoit une inflation de 3,6 % cette année aux États-Unis et de 3,1 % en 2022. « L’augmentation des prix des matières premières et des coûts du transport maritime au niveau mondial ajoute, environ 1,5 point, à l’inflation dans les pays du G20 et elle explique l’essentiel de la remontée de l’inflation sur l’année écoulée », selon l’OCDE.
Si l’on croit ces analyses et projections, on serait donc loin d’une surchauffe inflationniste durable. Dans son célèbre texte « Cherchez la monnaie », Milton Friedman répétait une phrase désormais bien connue : « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ». L’économiste prenait bien garde de préciser que par « inflation », il entendait une hausse stable et durable du niveau général des prix. Les hausses passagères n’étaient pas l’objet de son propos…
Et si ces projections optimistes s’avéraient fausses ?
Malgré le discours rassurant des institutions mondiales et de plusieurs économistes, cette période de Covid nous a appris une chose : l’incertitude est, désormais, la seule certitude que l’on peut avoir, la crise ayant chamboulé les modèles classiques de toute l’économie mondiale.
Et des motifs d’incertitudes, il en existe beaucoup. Et ni le FMI, ni l’OCDE ne les cachent d’ailleurs.
« Il y a de fortes probabilités pour que cette poussée d’inflation soit temporaire, mais elle pourrait durer plus longtemps que prévu », estime par exemple Laurence Boone, la cheffe économiste de l’OCDE, qui ne nie pas que le risque d’une inflation durable existe bel et bien.
« Le risque, c’est que, si les prix continuent d’augmenter, alors les consommateurs ajusteront leurs anticipations, ce qui les poussera à demander des hausses de salaires plus importantes. Ce mécanisme pourrait, potentiellement, créer une boucle entre les prix et les salaires qui s’auto-entretiendrait, déstabilisant ainsi l’économie », estime-t-elle.
« Mais pour l’instant, ce n’est pas ce que l’on constate, sauf dans quelques secteurs en tension aux États-Unis. Mais même dans le cas américain, il n’y a pas d’enclenchement d’une boucle prix-salaire », nuance-t-elle.
Les économistes du FMI craignent également ce même effet : « Certains pensent que les mesures de relance prises par les pouvoirs publics pourraient abaisser le taux de chômage, à un niveau suffisamment faible pour faire augmenter les salaires et provoquer une surchauffe des économies, ce qui pourrait désancrer les anticipations et produire une spirale inflationniste », alertent Francesca Caselli et Prachi Mishra, qui reconnaissent dans leur papier que les projections d’un retour à la normale, à la mi-2022 sont « entourées de considérables incertitudes et l’inflation élevée pourrait persister, plus longtemps, en cas de hausse des coûts du logement et de pénuries d’approvisionnement prolongées, dans les pays avancés et les pays en développement ou de pressions sur les prix alimentaires et de dépréciation des monnaies dans les pays émergents ».
« Les prix alimentaires dans le monde ont bondi d’environ 40 % pendant la pandémie, ce qui a posé de grandes difficultés aux pays à faible revenu où l’alimentation tient une forte place, dans les dépenses de consommation. Les simulations de plusieurs scénarios de risques extrêmes montrent que les prix pourraient augmenter, nettement plus vite, en cas de perturbations continues des chaînes d’approvisionnement, de fortes fluctuations des cours des produits de base et de désancrage des anticipations d’inflation. Les dirigeants doivent, donc, trouver un équilibre délicat entre soutenir patiemment la reprise et être prêts à agir rapidement. Et surtout, ils doivent établir des cadres de politique monétaire solides, comportant des déclencheurs d’une diminution du soutien à l’économie, afin de maîtriser l’inflation non souhaitée », estiment les deux économistes du FMI.
Autre facteur de risque : le processus de démondialisation déclenché par la pandémie et qui peut être un facteur aggravateur des tensions inflationnistes.
Depuis 2001 et l’entrée de la Chine, dans l’Organisation mondiale du commerce, le monde occidental s’est largement appuyé sur les usines chinoises et leur main-d’œuvre bon marché. La pandémie a mis en évidence cette trop grande dépendance. La nouvelle « guerre froide » entre Washington et Pékin, ainsi que la montée des discours souverainistes en Europe, pousse aussi à éviter de tout faire produire en Asie. Par ailleurs, les salaires chinois commencent à progresser et la population vieillit, réduisant progressivement l’immense réservoir de petites mains mal payées.
A l’OCDE, on note également l’impact de ce ralentissement de la mondialisation sur les prix. « On observe déjà des hausses généralisées des prix des exportations, en provenance de nombreuses économies asiatiques clés », affirme l’OCDE. Le prix des exportations sud-coréennes est ainsi en hausse de 20 % sur un an. En Chine, les prix à la production ont augmenté de 10 % en un an, note l’OCDE. Ce qui ne plaide pas pour une baisse des prix à la production et, donc, des prix à la consommation sur le court terme. Des signes qui incitent un peu moins à l’optimisme…
D’autant que, comme le disait Friedman, le facteur monétaire est fortement présent. Depuis plus d’un an, on constate une forte hausse des agrégats monétaires dans de nombreux pays, en raison des politiques budgétaires et monétaires expansionnistes adoptées pour faire face à la crise. La masse monétaire telle que mesurée par l’agrégat M1 a, par exemple, crû de près de 14 % en un an en zone euro après le début de l’épidémie, selon le FMI. Une hausse que la BCE attribue, principalement à sa politique d’achats massifs d’actifs pour injecter de la liquidité dans l’économie.
Un récent rapport de la Réserve fédérale rappelait, par exemple, que la masse monétaire avait quasiment doublé, en cinq, ans pendant la seconde guerre mondiale aux États-Unis et que l’inflation avait par la suite atteint près de 20 % en 1947. Alors, pourquoi ne pas s’attendre à une poussée inflationniste durable, cette fois-ci, quand on voit les chiffres records du plan de relance de Biden ?
Autant de questions qui suscitent des craintes sur un retour structurel de l’inflation dans le monde.
Un scénario catastrophe que l’économiste Larabi Jaidi ne juge pas très plausible, aussi bien dans le monde, que dans le cas particulier du Maroc.
« Dans l’analyse des facteurs qui influent sur l’inflation, on omet souvent ce qu’on appelle l’écart de production. Je pense qu’aussi bien au niveau mondial qu’au niveau national, il faut prêter attention à cette variable très importante. L’écart de production, c’est la différence entre la production à un moment donné et la production potentielle qui prend en compte la capacité d’offre, actuellement sous-exploitée et qui peut être enclenchée, peut-être pas immédiatement, mais qui peut absorber ce choc de l’inflation », explique Larabi Jaidi.
« Sur cet aspect-là, les économistes se sont positionnés. Aux Etats Unis, la croissance était déjà élevée, elle a atteint aujourd’hui tout son potentiel. Ce n’est pas le cas en Europe, mais les économies européennes tendent aussi vers ça, avec une croissance projetée de 5 à 6%. Cela peut provoquer des hausses de l’indice d’inflation sur le court terme. Mais les programmes d’investissement public, lancés un peu partout dans le monde, mais aussi au Maroc, vont permettre également d’agir sur cette production potentielle qui n’est pas actuellement exploitée. Il y a évidemment cette pression sur les matières premières qui est dûe à plusieurs facteurs, mais il y a une marge, en termes de capacités de production qui restent sous-exploitées et qui peut contrebalancer cette augmentation de la demande et freiner les poussées inflationnistes. Certes, cela ne se fera pas dans le court terme, mais dans un horizon temporel qui peut être plus ou moins maîtrisé », précise le l’ancien membre de la Commission sur le nouveau modèle de développement.
L’augmentation des taux : l’erreur à ne pas (re)faire
Le problème, c’est que ces tensions inflationnistes, quoique à court terme comme le pensent la majorité des économistes, ont déjà poussé certains pays, à agir pour tuer dans l’œuf les tensions sociales qui peuvent naître des hausses de prix. Et la réaction des autorités financières se fait, systématiquement, par l’augmentation des taux d’intérêts, pour agir sur le niveau de la demande et juguler la hausse des prix. Comme c’est déjà le cas en Russie, en Islande ou au Brésil.
Une hausse des taux qui se profile, également, aux États-Unis et dans la zone Euro. Les craintes d’une inflation durable ont, en effet, engendré, dès juin, une hausse des taux d’intérêt sur le marché des dettes souveraines, les investisseurs anticipant que la Fed augmente prochainement ses taux directeurs pour limiter la surchauffe. Lors de sa réunion de juin 2021, l’idée d’une première hausse dès 2023 s’est, d’ailleurs faite plus précise chez la FED. Par contagion, les taux d’intérêt ont également monté en Europe, mais de manière limitée, mettant aussi la Banque centrale européenne sous pression.
Ce qui est en tout cas sûr, c’est que plus la pression inflationniste dure, plus cela va pousser les banques centrales à durcir leur politique monétaire pour freiner la demande.
Ce qui peut enrayer toute la machine de relance dans le monde, et par contagion, au Maroc dont l’économie reste dépendante des échanges avec l’extérieur et de la conjoncture internationale. Une augmentation des taux directeurs se traduisant automatiquement par une hausse des taux de crédits pour les ménages, mais aussi pour les entreprises qui ont, plus que jamais, besoin de liquidités pour se relever de la crise, financer de nouveaux investissements… Car l’enjeu social peut l’emporter sur l’enjeu économique d’un financement de la reprise par des politiques monétaires laxistes.
C’est l’amère expérience faite par la zone euro après la crise de 2008 et que les États et la BCE veulent éviter cette fois, comme l’a bien exprimé Christine Lagarde dans sa dernière sortie, déclarant qu’il est « prématuré » de réfléchir à une augmentation des taux et à une réduction du soutien à l’économie. Même discours tenu par le patron de la FED, Jerome Powell, qui avait expliqué, fin août, lors du symposium de Jackson Hole, qu’il ne fallait pas répéter les erreurs des années 1950, lorsque les politiques monétaires cassaient les reprises par des hausses de taux prématurées…
Ce risque d’augmentation des taux, Larabi Jaidi l’exclut également pour le cas marocain.
« Le niveau actuel de l’inflation au Maroc, entre 1 et 2%, reste parfaitement maîtrisable. Même si la hausse est plus élevée pour les prix alimentaires (5%). A mon avis, cette pression sur les prix ne justifie pas une politique monétaire restrictive », nous répond-il.
Pour lui, le scénario d’une hausse prochaine du taux directeur de Bank Al Maghrib est peu probable.
« Je ne pense pas qu’on se dirigera vers une hausse du taux directeur. Nous avons une politique monétaire adéquate par rapport à la conjoncture. Par conséquent, il n’y a pas ce risque d’augmentation des taux », affirme l’économiste.
Pour Larabi Jaidi, les leviers à activer pour faire face à cette montée des prix peuvent être multiples et pas, uniquement de nature monétaire.
« Les leviers sur lesquels il faut agir, c’est l’amélioration de la chaîne logistique et la résilience de l’offre locale qu’il faudrait renforcer. Ce sont des éléments importants pour maintenir cette capacité de l’offre », estime l’économiste, qui ne s’inscrit pas également dans la logique de l’indexation des salaires sur l’inflation comme solution à ce problème qui gangrène le pouvoir d’achat des ménages et peut amener à une vague de colère populaire.
« La solution, c’est la nécessité de relancer le dialogue social sur des bases saines, claires, et scientifiques. Le dialogue social a vécu une petite période léthargie. Aujourd’hui, il faut remettre sur la table, un principe de dialogue social rénové, qui met l’accent sur la préservation du pouvoir d’achat des salariés et son amélioration au gré de la conjoncture, mais aussi et surtout, enclencher un rapport entre les salariés et les entreprises qui soit transparent, fondé sur la stabilité de l’emploi, un travail décent. Un dialogue social qui a pour objectif, de garantir une certaine pérennité du travail. Il faut donc procéder à des négociations collectives, sectorielles, nationales ou régionales pour recréer la confiance entre les acteurs économiques et sociaux, pour répondre à la fois à la nécessité de la relance, mais aussi à la préservation du pouvoir d’achat et d’un travail décent et stable », estime Larabi Jaidi.
L’indexation des salaires sur l’inflation, une idée débattue, actuellement dans les économies avancées, est pour lui, un sujet dépassé et qui ne donnera pas des résultats probants au Maroc.
« Si on augmente le SMIG sur la base d’une inflation de 1,2%, est ce que cela va contribuer réellement au renforcement du pouvoir d’achat ? Je ne le pense pas. Le vrai sujet, c’est comment assurer la redistribution du pouvoir d’achat à travers l’amélioration de la qualité du service public pour atténuer la dépense des ménages adressée à l’éducation, la santé et le transport, qui sont des postes de dépenses aussi importants, voire plus importants, que les dépenses alimentaires. Il faut être dans une logique de compensation par le service public, au lieu de s’accrocher à une idée dépassée d’indexation des salaires sur l’inflation », tranche Larabi Jaidi.
Le 27 octobre 2021
Source web Par : medias24
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