Mustapha Aziz, PDG de Drapor: «Amara et le PJD essaient par tous les moyens de nous asphyxier»
A l’arrêt depuis près de trois ans et en grande difficulté financière, l’entreprise marocaine spécialisée dans le dragage de sable accuse le ministère de l’Equipement de vouloir l'évincer des marchés de dragage massif. L’affaire est portée devant la justice où Drapor a remporté une première bataille.
L’affaire fait grand bruit dans le monde des opérateurs maritimes: Drapor, société marocaine spécialisée dans le dragage du sable marin, est engagée depuis plusieurs mois dans une bataille judiciaire avec le ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau.
A l’origine de ce conflit: le non renouvellement par le département de Abdelkader Amara de l’autorisation délivrée par le gouvernement à Drapor, en 2007, pour une période de 10 ans, au moment de la privatisation de l’entreprise, pour l’exploitation du site d’Azemmour. La convention signée entre Drapor et l’Etat porte également sur la production de sable de dragage sur les sites de Larache, et Mehdia.
A l’approche de l’expiration de la licence du site d’Azemmour en 2017, Drapor a fait sa demande de renouvellement auprès de la tutelle. Cette dernière n’a cependant communiqué aucune réponse à l’entreprise, malgré les nombreuses relances. Pour les sites de Larache et Mehdia, le renouvellement des autorisations a été purement et simplement refusé par la tutelle, invoquant des raisons liées aux effets nuisibles des activités de dragage sur l’environnement de l’embouchure de l’oued Loukkos.
«La position des services du ministère consiste à se conformer à la loi 27-13 sur les carrières, laquelle loi a donné aux exigences écologiques et environnementales l'importance qu'elles méritent pour préserver les écosystèmes naturels notamment marins», affirme une source autorisée au sein du ministère de l’Equipement.
Une position que Mustapha Aziz, patron de Drapor, joint par Le360, bat en brèche: «Drapor a décroché un certificat d’accessibilité environnementale pour le site de Larache, délivré en 2020 par une commission nationale regroupant plusieurs départements ministériels, présidée par Aziz Rabbah, ministre de l’Environnement. Nous sommes la seule entreprise au Maroc à avoir décroché ce certificat».
Le patron de Drapor croit voir dans ce bras de fer la main de certains lobbys des carrières de sable clandestines. «Ces lobbys puissants dirigent une campagne contre Drapor qui les dérange. Ils ont créé un grand nombre d’associations à deux sous, soi-disant de défense de l’environnement, pour faire pression sur le ministère», affirme-t-il.
Toujours est-il qu’à cause du non renouvellement des autorisations, les activités de Drapor et ses filiales se sont retrouvées quasiment à l’arrêt pendant 3 ans, menaçant la pérennité de la société et les emplois de ses 2.000 salariés. Pendant ces trois années, l’entreprise a continué à payer les salaires, et survit tant bien que mal, en attendant le renouvellement des autorisations.
D’après le ministère, rien ne l’oblige à renouveler ces autorisations. «La convention ne stipule aucunement un renouvellement tacite et le ministère a respecté à la lettre les échéances stipulées dans la convention qui ont pris fin en 2017 et 2018», précise notre source.
Drapor remporte un premier procès face à Amara
Cet argument n’a visiblement pas été convaincant devant les tribunaux. En effet, face à la situation de blocage, Drapor a décidé de porter l’affaire devant la justice administrative. Le 22 avril dernier, la justice a tranché en première instance en faveur de l’entreprise pour le site d’Azemmour. Le tribunal administratif de Rabat a en effet annulé la décision qui empêchait l’entreprise de déployer ses activités sur l’embouchure du fleuve Oum Rbia.
«Ce jugement est une véritable débâcle pour Amara», tonne Mustapha Aziz, qui précise que d’autres actions similaires pour les deux autres sites de dragage actuellement bloqués (Larache et Mehdia) sont lancées. Une plainte contre le ministère de l’Equipement a d’ailleurs récemment été portée devant la cour administrative de la capitale, en début d’année, pour le site de Larache. «Le verdict sera similaire à celui d’Azemmour», affirme-t-il, confiant.
En attendant, Satrammarine et ses filiales Drapor, Rimal et MedOcéan, ont décroché la sauvegarde judiciaire auprès du tribunal de commerce de Casablanca. «C’est nous-mêmes qui avons demandé à être placé en sauvegarde judicaire, pour nous protéger des agissements de Amara et de son parti, le PJD, qui essaie, par tous les moyens de nous asphyxier et de nous bloquer», dénonce le patron de Drapor.
Cette mesure de protection suspend toutes les actions en paiement et saisies diligentées par ses créanciers, et permet à l'entreprise de reconstituer ses actifs. Drapor a d’ailleurs obtenu, le 6 avril dernier, la levée des saisies sur des fonds bloqués auprès de l’Agence nationale des ports (ANP), dont le conseil d’administration est présidé par Amara, portant sur un montant de 14 millions de dirhams. De quoi renflouer la trésorerie de l’entreprise, asséchée après 3 ans d’inactivité.
Les turques en embuscades?
Mustapha Aziz en est persuadé: «Le PJD veut asphyxier Drapor, une entreprise industrielle marocaine qui représente 8% du marché du dragage de sable et près de 85% des impôts payés dans ce secteur». Pourquoi? Pour permettre, dit-il, à des entreprises turques de pénétrer ce marché. «Pour la première fois, le ministère de l’équipement a lancé des appels d’offres pour les marchés du dragage afin de remplacer notre convention signée avec l’Etat. Or nous sommes l’unique entreprise marocaine spécialisée dans le dragage maritime. C’est la preuve qu’il veut ouvrir ce marché aux entreprises étrangères», explique notre source.
Une décision récente prise par l’ANP semble apporter de l’eau au moulin du patron de Drapor. Le 22 mars dernier, l’agence a supprimé une disposition de préférence nationale pour les entreprises marocaines, sur deux appels d’offres concernant le dragage massif de plusieurs ports marocains, pour un montant total de près de 160 millions de dirhams. Dans deux avis, datés du 22 avril, que Le360 a pu consulter, l’ANP informe les soumissionnaires à l’appel d’offres relatif aux ports de Tan Tan, Boujdour et Dakhla, et à celui réservé aux ports de Larache, Mehdia, Skhirate, Safi et Sidi Ifni, que la disposition relative à la préférence des entreprises marocaines a été supprimée. Initialement, l’appel d’offres prévoyait que le montant des offres présentées par les entreprises étrangères serait majoré d’un pourcentage de 15%.
Selon Mustapha Aziz, «ces manœuvres ont pour objectif de léser Drapor et de faire entrer des entreprises étrangères, notamment turques dans ce marché, et de nous en éjecter». D’après notre interlocuteur, il s’agirait de STFA Investment Holding Group, un conglomérat turc actif dans les secteurs de la construction et des équipements de construction. Ce même conglomérat avait été retenu, en 2013, par le ministre de l’Equipement de l’époque, Aziz Rabbah, comme partenaire de la SGTM pour la construction du port de Safi. En 2018, STFA a également décroché le marché de la construction du port de Nador West Med.
Le 8 mai 2021
Source web Par : le360
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