Le Café maure, dit des Oudayas
Détruire pour reconstruire en mieux, nous fait-on croire à présent. Il n’y a que dans le plus beau pays du monde où des choses aussi grotesques se produisent. Sans doute, avec pour piètre résultat, un produit de clinquant, du pseudo-traditionnel, ou un médiocre réchauffé.
En résumé, faire du neuf avec du vieux.
Par Monceyf FADILI (*)
On a pour habitude d’évoquer le vandalisme lorsqu’une folie destructrice s’empare des hommes, avec pour sombre dessein l’effacement des lieux de l’histoire et de la mémoire. Il n’est pas exagéré de dire que dans le cas de la destruction du café des Oudayas, il s’agit également de vandalisme – en bande organisée ou en décideur isolé.
Une folie s’était récemment emparée de l’auteur d’une semblable ignominie, en plein confinement : à Casablanca pour l’élimination d’autres lieux du patrimoine, au grand jour, par un gouverneur inspiré.
Détruire pour reconstruire en mieux, nous fait-on croire à présent. Il n’y a que dans le plus beau pays du monde où des choses aussi grotesques se produisent. Sans doute, avec pour piètre résultat, un produit de clinquant, du pseudo-traditionnel, ou un médiocre réchauffé.
En résumé, faire du neuf avec du vieux. Le Royaume du Maroc s’est portant battu bec et ongles pour faire inscrire – à juste titre – sa capitale au Patrimoine mondial de l’Unesco.
L’inscription a été accordée en 2012 et les Marocains en ont tiré une certaine fierté. Sachant que les six critères culturels pour une inscription sont les suivants :
– représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain ;
– témoigner d’un échange d’influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l’architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ;
– apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue ;
– offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine ;
– être un exemple éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture (ou de cultures), ou de l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible ;
– être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle.
C’est tout cela qui vient d’être foulé. Certains chantres de ce dossier présenté auprès de l’Instance onusienne, ont semblé ignorer qu’une telle attribution accordait des droits mais confiait aussi des devoirs vis-à-vis de la communauté internationale de la Culture et du Patrimoine.
Ces devoirs ont pour nom la protection, la gestion, l’entretien, la préservation, la sauvegarde, l’application de règles et de standards de niveau international, avec un cahier des charges strict soumis à évaluation. Mais en aucune manière une propension à la démolition.
Il s’agit, pour les Oudayas et de son café Maure à la personnalité patrimoniale unique, d’une injure à la mémoire d’un espace plus que centenaire, à ses habitués locaux, nationaux, et visiteurs provenant de tous horizons par-delà nos frontières ; il s’agit d’un mépris à la population de Rabat, dont ce café faisant corps avec son identité, lui a été amputé.
Il s’agit aussi d’une négation de la charge émotionnelle dont est investi ce lieu par le charme de son architecture, de son décor et de son atmosphère.
Ce lieu mythique ne menaçait pourtant pas ruine, pour susciter avec violence la ferveur des adeptes de la pelleteuse et du bulldozer, balançant les zelliges centenaires et des gravats par dessus bord, en contrebas de la Kasbah des Oudayas, site aux origines de Rabat.
Tout au plus quelques travaux de rénovation ou de réhabilitation, pour répondre à l’appel et aux ambitions de Rabat Ville lumière. En tout état de cause, une destruction n’aurait jamais dû être à l’ordre du jour. Nous avons affaire à un acte assassin qui n’honore personne, encore moins les gardiens prétendus de la mémoire. Que nul ne s’avise alors de parler de respect de la tradition, d’authenticité et de préservation de l’identité, si la valorisation et l’entretien de notre patrimoine ont pour passage obligé des pratiques d’autres temps.
(*) Expert international
Ancien Conseiller ONU-Habitat
Le 20 juillet 2020
Source web par : maroc-diplomatique
Les tags en relation
Les articles en relation
Visite guidée dans les principales artères de la médina de Rabat
Avec ses remparts, ses deux grandes portes et ses ruelles qui serpentent parmi les maisons de style andalou, la médina de Rabat, dont la construction remonte a...
Marrakech : Jemaa el-Fna en transformation avec un projet à 100 MDH
La mythique place Jemaa el-Fna, cœur battant de Marrakech, s’apprête à dévoiler un nouveau visage. Dans le cadre d’un vaste programme de réhabilitation...
#MAROC_Rabat_Capitale_Africaine_de_la_Culture
Lorsqu’en novembre 2018, au cours du 8ème sommet Africités organisé par Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique – CGLU Afrique à Marrakech, les ...
ONMT : Les nouvelles priorités d'Adel El Fakir pour 2019
Le nouveau directeur général de l’Office national marocain du tourisme (ONMT) présentait ce mardi à Casablanca son nouveau plan d’action pour l’année...
Code de l’urbanisme: voici comment Jemaâ El-Fna défie le ministère de l’Intérieur
La place Jemaâ El-Fna à Marrakech est plongée dans l’anarchie en raison de flagrantes violations du code de l’urbanisme et de l’occupation illégale de...
Vers l’inscription des greniers collectifs au patrimoine mondial de l’UNESCO??
Le 3 avril à Agadir, le ministre de la Culture Othman El Ferdaous participait à un atelier de lancement du projet d’inscription des Iguidars ou greniers col...
Tourisme : Le Maroc, une des meilleures destinations à visiter en 2024 (CNN)
Le Maroc figure parmi les meilleures destinations à visiter durant l’année 2024, indique la chaîne de télévision américaine CNN dans sa rubrique "Travel...
Médinas méconnues du Maroc : 4 joyaux à découvrir
Quand on évoque les médinas marocaines, celles de Marrakech et de Fès viennent immédiatement à l’esprit. Pourtant, le quotidien français Le Figaro invit...
Au rythme de l’océan, la vie des derniers gardiens de phare
Gardiens du phare de Cordouan, en Gironde, ils veillent sur la tour majestueuse et dialoguent avec les habitants de l’estran : phoques, fauvettes ou mulets. S...
Pillée durant des siècles, Volubilis veut protéger ses trésors
Au milieu d'une végétation luxuriante se dressent les vestiges du plus important site romain du Maroc: Volubilis. Longtemps pillée et négligée, la cit�...
Place Jemaa el-Fna : Retard du programme de réhabilitation et mécontentements
Le programme de rénovation de la place Jemaa el-Fna à Marrakech est en retard, provoquant des critiques de la part des professionnels du tourisme et de certai...
Le Maroc à Chinguetti : Diplomatie culturelle et préservation du patrimoine
La délégation marocaine a marqué sa participation à la 13e édition du Festival des cités du patrimoine à Chinguetti (Mauritanie) par une série de confé...


vendredi 24 juillet 2020
0 
















Découvrir notre région